À la gare Saint Lazare, « salle des pas perdus », j’ai retrouvé l’exemplaire de la Recherche, que je croyais avoir égaré dans la cour de la Sorbonne. C’est ce qu’un critique littéraire fort connu aurait appelé « donner de la fiction à la réalité ».
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UN MORCEAU DE VIE INUTILE
Des vies qui se sont perdues en chemin
Vies de poètes dont la biographie est disséminée dans leurs vers
Des vies dont on ne connaît ni le début ni la fin
mais que l’on écrit
comme des rêves en forme de naufrages
Des vies sur le mode quantique
où l’on ne peut savoir
à la lecture d’une fiction
si elle croise le réel
ou non
J’ai passé un bon moment
cette nuit
à écrire
ce morceau de vie
inutile
Martigues 19 décembre 2023
L’ÉTRANGE VÉRITÉ DE NOS FICTIONS
Il était vieux, la vérité était devenue plus étrange encore que ses fictions… Salman Rushdie Quichotte Je tisse un canevas De Commedia del Arte Je lis Casanova Franc-maçon libertin Poursuivant sur Arte Gentes dames et catins Une fille sous le pont Exalte la rime d’Hugo Ô lavandière incendiaire Dit-il frais barbouilleur C’est léger gai et tendre C’était du temps que j’étais jeune Ecrit-il avec maladresse Vieil homme Sois indulgent Et si tu en es encor capable Sur ta lettre à la bonne adresse Ecris donc un post-scriptum
UNE FICTION brume insensée où l’on cherche son inspiration 35, 36, 37
trente-cinq
EN CE MOMENT J’ÉCRIS COMME JE RESPIRE. Et je respire selon l’attention que je porte à ma respiration. La plupart du temps, aucune.
Mais la nuit, en revanche, après avoir passé une heure à écrire comme je respire, toujours au lit et appuyé sur mon oreiller, quand j’arrête le flux, éteins la lampe de chevet, je m’aide pour tâcher de me rendormir, de l’attention que je porte alors à ma respiration (inspiration, expiration), faisant ainsi barrage aux pensées qui essaient de traverser mon esprit.
-Alors, avant de plonger dans ton sommeil qu’as-tu écrit cette nuit ?
J’ai écrit ce que personne ne lira jamais dans les écoles.
J’ai écrit, comme je les ai lus, plusieurs textes en un, ouverts à l’interprétation et aux malentendus.
J’ai puisé de mémoire dans mon rouleau de citations long comme les Champs Élysées un 14 juillet.
J’ai écrit comme je respire et sans masque à papier.
trente-six
JE ME RÉVEILLE, ce vendredi 2 octobre 2020, et je n’ose ouvrir mes volets, car j’entends le vent de la mer, prélude à une tempête.
Aussi, avant d’avaler mon petit déjeuner, j’avale les phrases d’un romancier catalan écrites en espagnol (castellano), extraites d’un roman dont le titre est puisé dans le début d’un vers de Raymond Queneau.
Non l’original « cette brume insensée », mais sa traduction.
Je lis, laissant aller, m’amusant des embrouillaminis dessinés par ce narrateur fictif, qui pour vivre, au sens littéral de gagner sa croûte, fait deux métiers à nul autre pareils.
1 Celui de « traducteur préalable », il prévoit les difficultés de traductions, qu’il envoie au traducteur vedette, dont le nom paraîtra sur la première page.
2 Celui de fournir des citations (son dada), toujours de manière subalterne, à un auteur « star » de la- littérature-qui- se-vend.
Bon, il est temps d’ouvrir mes volets parme, et d’éviter, le temps de refermer ma fenêtre, la bourrasque.
trente-sept
C’EST QUAND ON EST PERDU dans une forêt ou un texte touffu, que l’on fait appel à un souvenir heureux, une maxime, une citation, un instant précieux que l’on vécut comme une épiphanie.
Je sais bien que ce début fait un peu charabia mais je l’ai écrit. Et en l’écrivant, j’ai entendu « le mobile » qui m’annonçait un nouveau message :
Le romancier ne doit pas être un donneur de leçons, mais à partir de ce qu’il « détecte », poser
les bonnes questions. »
Je traduis de l’espagnol une phrase supposée dite par l’auteur « d’Orange Mécanique ».
-Gracias Enric, te contesto muy pronto. (Merci Henri, je te réponds bientôt)
Ça a été ma première idée d’un e-mail immédiat, mais réflexion faite, et compte tenu de la situation
brumeuse dans laquelle j’étais pris, j’ai ricoché vers mon vieux Queneau. (vieux comme un breuvage
qui s’améliore avec l’âge). Et, hasard des recherches, j’ai fait d’une pierre deux coups.
« Cette brume insensée où s’agitent des ombres, comment pourrais-je l’éclairer ? »
La phrase écrite par Raymond Queneau est mise en exergue par Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance 1975, et par Enrique Vila-Matas, qui, de plus, a fait des trois premiers mots, le titre de son roman « Esta bruma insensata » 2019.
SALLE DES PROFS (1)
SALLE DES PROFS, Gilles E., tout en fumant son cigare tordu (toscan), raconte la dernière blague belge, qu’il a entendu au bar du 14 juillet, hier soir. Mais, allez savoir pourquoi, ce matin, elle tombe à plat.
Liliane B., enchaîne alors, sur le dernier numéro du Débat. Il est traversé par l’analyse, (contradictoire, comme il se doit), du dernier « roman », «à la mode », « qui se vend comme des petits pains ». (Que de guillemets !).
C’est le bouquin, où, (pour aller droit au fait majeur), un musulman est élu président de la République Française. Une histoire, où, « les trois plans disponibles dans le jeu de la fiction, le personnage, le narrateur et l’auteur, est devenu un cas d’école ». Impossible de démêler l’un de l’autre. C’est la cause peut-être de son succès, ce qui révulse notre collègue, et qui confirme, selon elle, la « houellebecquisation » de la société.
À ce moment la cloche sonne, nous libérant d’une confrontation, qui, quand nous reverrons, s’annonce « musclée ».
« On nomme littérature, la fragilité de l’Histoire », …et de ces acteurs, fictionnels ou non.
citations : Pascal Ory « Ce que dit Charlie », Patrick Boucheron « Prendre dates »