JE DE NARRATION (avec le) je me débrouille comme je peux Je amoureux et Je jaloux Je jouant avec la langue de Molière ou de Larue Je qui avec le temps se métamorphose en un être méconnaissable Je bavard et Je silencieux Je en fuite dans une phrase qui fait erreur sur la personne Je sous le charme des Jeunes Filles en Fleurs Je des Enfers et Je des Paradis vécus le long d’une vie de rencontres éblouies Je enfantin Je enfantant des géographies mentales qui dessinent en fin de parcours le portrait bluffant d’un Narrateur sortant du cadre des pages de son roman
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LA JEUNE FILLE EN FLEURS ET L’AVIATEUR
La question est délicate de savoir s’il faut lire ou non un auteur à la lumière de sa vie. Anne Carson (Atelier Albertine)
J’ai été une de ces jeunes filles en fleurs qu’un narrateur pervers polymorphe affubla du nom d’Albertine.
Dans sa fiction, il me fait mourir sur un cheval emballé qui m’aurait jeté sur un arbre, en Touraine.
Dans la réalité je suis mort simultanément dans la cabine d’un avion qui s’est « craché », dans la baie d’Antibes disent les uns, ou bien après, près de l’île de Riou, au large de Marseille, affirment les autres.
Cependant pour être juste à l’égard du narrateur précité, nos morts ont un point en commun. Elles ont été précédées pour chacun de nous deux, par l’offrande, sous forme d’inscriptions, de quatre vers du célèbre poème de Stéphane Mallarmé, le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui. Les mêmes vers en effet, sur la proue du yacht d’Albertine et sur le fuselage de l’avion. Fondu enchaîné du ciel et de la mer, pour ces cygnes (signes) d’autrefois, qui aujourd’hui libérés du stérile hiver, retrouvent l’impact symbolique de la définition rimbaldienne de l’éternité : c’est la mer mêlée au soleil.
SALLE DES PROFS (1)
SALLE DES PROFS, Gilles E., tout en fumant son cigare tordu (toscan), raconte la dernière blague belge, qu’il a entendu au bar du 14 juillet, hier soir. Mais, allez savoir pourquoi, ce matin, elle tombe à plat.
Liliane B., enchaîne alors, sur le dernier numéro du Débat. Il est traversé par l’analyse, (contradictoire, comme il se doit), du dernier « roman », «à la mode », « qui se vend comme des petits pains ». (Que de guillemets !).
C’est le bouquin, où, (pour aller droit au fait majeur), un musulman est élu président de la République Française. Une histoire, où, « les trois plans disponibles dans le jeu de la fiction, le personnage, le narrateur et l’auteur, est devenu un cas d’école ». Impossible de démêler l’un de l’autre. C’est la cause peut-être de son succès, ce qui révulse notre collègue, et qui confirme, selon elle, la « houellebecquisation » de la société.
À ce moment la cloche sonne, nous libérant d’une confrontation, qui, quand nous reverrons, s’annonce « musclée ».
« On nomme littérature, la fragilité de l’Histoire », …et de ces acteurs, fictionnels ou non.
citations : Pascal Ory « Ce que dit Charlie », Patrick Boucheron « Prendre dates »
FEUILLETON
Tu as pris des trains d’exception
celui de Cuzco destination Macchu Picchu
le train des indiens et des hippies
l’été 1970
Tu te souviens dans le compartiment
qu’au cours des discussions sans fin
une fille parlant de son compagnon
te dit :
si le das pelota
si tu le relances
vous allez y passer la nuit
À l’époque toi aussi tu attirais l’œil
poncho barbe et cheveux longs
et béret noir
comme celui du père Dorio
Tu pourrais aussi bien tout inventer
et même t’inventer un nom
pour un roman
que tu n’as jamais été capable
d’écrire
Et maintenant qu’est-ce qui va se passer
demande le narrateur au lecteur
inversant le jeu de rôles
Et dis-moi au fait
tu pourrais y mettre
un peu de toi
Imaginer une suite
qui prend au mot et à revers
cette boutade d’un penseur
qui n’aimait pas
l’innocence la verdeur
la fantaisie romanesques
Lors la marquise du Flore descendrait
du train de Macchu Picchu
à cinq heures du soir
Elle aurait troqué le mal des hautes montagnes
contre une malle de colifichets
et de falbalas
portée à dos d’homme
par son factotum
son fidèle Zénon d’Élée
m’as-tu-percé-de-cette flèche-ailée
qui-vibre-vole-et qui ne vole pas
Suite au prochain numéro
pourrait-on lire sur le journal du soir
après la double page
consacrée au feuilleton
citation Le cimetière marin
Paul Valéry