IL Y A HASARD ET HASARD

composition manuscrit hypnographies dorio dessin « cadavre exquis  » des surréalistes à Marseille en 1940-1941

Après que le pas a été ouvert à l’esprit, j’ai trouvé comme il advient ordinairement, que nous avions pris pour un exercice malaisé et d’un rare sujet, ce qui ne l’est aucunement.  Michel de Montaigne (Des vaines subtilités)





Il y a hasard et hasard

et je n’écris pas ça

par hasard





je jette les dés

je sors les mots

de mon chapeau

j’oublie ce que je vais dire

je frotte mon stylo feutre

sur le grain de folie

de ce papier d’artiste





Il y a hasard et hasard

et j’écris ça

par hasard





j’en fais don

aux enfants

joyeux joyeux

innocents et sans

arrière-pensées





j’en fais don

aux patients

et aux obstinés

qui ouvrent le pas

à la liberté incertaine

mais exaltante

des exercices artistiques

propres à notre Esprit


	

MOTS DE PASSE





Il y a des mots de passe que l’on oublie…mais que l’écriture comme par miracle…restitue

C’est comme un jeu…un pari… sans trop y croire on lance les dés…qui sait ?

Qui sait si le quatre ne va pas sortir en premier…suivi du deux…et du un

C’était la belle époque du 421…en buvant sur le comptoir…le pastis…avec des amandes salées…et des olives noires

Avec des sortes de fous rires…et le juke-box qui jouait Petite fleur ou crachait le jus des Chaussettes noires

Mince…ça fait deux « noires »…une blanche…une fine avec un chic d’eau plate

Plate…le mot de passe est venu…Plate est le nom d’une ferme perchée sur une colline d’Ariège…

Au pied de la métairie il y avait une mare…et dans cette mare au printemps croassaient  des grenouilles…gragnotes que nous attirions au bout d’une ligne…avec du farouch une fleur de sainfoin rouge…plantée dans un trident…et les pauvres batraciennes hameçonnées se retrouvaient dans nos musettes…

Musette…muette…mouette…

Trois nouveaux mots de passe…

L’écriture est une vis sans fin…


	

RITUELS D’ÉCRITURE BALISES D’UNE VIE





Rituels d’écriture qui balisent une vie

Des hauts des bas des bas des hauts

Des baobabs de palabres

Baroques ou banales





Traceurs balises

Gare aux mouchards

Mais non aux cormorans qui s’y perchent





Les textes sont des amers qui nous tendent leurs perches

Leurs dazibaos libérant la parole de Mai 68

Ou les appels aux meurtres sous Mao





Rituels d’écriture des bâtons et des lettres

Que l’on bat l’on abat

Sur le tapis vert

En laissant bien des blancs





Comme dans une partition sur le Silence

De John Cage





Ou bien lançant un nouveau coup de dés

Dans un tourbillon d’hilarité





Italiques Stéphane Mallarmé

CHOCS VERBAUX ET DÉS PIPÉS





Tous ces mots en tension…

impossibles à traduire…

C’est la catha la catharsis

La purge des pensées mauvaises

C’est la cata la catastrophe

La tragédie de nos aïeux





Chocs verbaux et dés pipés

Añoranzas Saudades

« La nostalgie du présent »*

Dont je te fais « présent »





Tous ces mots employés à tort

et à travers

Sur la place publique

Le cirque médiatique

Les réseaux pervers de l’internet





Mais que l’on goûte, savoure, rumine,

Chez les poètes qui font sonner le sens

Sur des pages fragiles

Que personne plus ne lit





*La nostalgie du présent

JJ Dorio

Encres Vives 467°


	

UN TITRE OUBLIÉ





Les mots en guise de titres

je les choisis après coup





Après que de coups de dés

en coups de dés

les mots abolissent ma page





Elle est bleue ce matin

Et j’y fais des sauts de carpe





Je m’y prélasse aussi

Quand le poisson doré

prend la forme d’un oiseau lyre





Celui d’un poème de paroles

que l’on avait composé

avec nos petits caractères en plomb

sur la presse de l’instituteur Freinet





Son titre tintinnabulant

Nous avait excités

Mais je l’ai oublié





31 mars 2020

écrit à la main
et sans raturer
les lecteurs bénévoles
(bienveillants dans la langue de Montaigne)
ne manqueront pas de noter les variations
présentes sur la page ci-dessus
et -on peut rêver –
d’en faire le miel
d’une écriture bien à eux