ÊTRE À PART

Je me figure par un indéracinable sans doute préjugé d’écrivain, que rien ne demeurera sans être proféré… 

Stéphane Mallarmé


Être à part
Un peu testard

Être de nuit
Tissant ses histoires
du dedans
( a dentro )

Être celui (celle)
qui à nul
ne nuit

Être pratiquant
les a parte
les sauts anachroniques
de l’étrange beauté

Être de mots et de figures
Pour conjurer sans geindre
Ses maux

Être existant
Dans la parole circulaire
La voie ouverte
À l’étranger en soi

Et aux inconnu.e.s

J’ÉCRIS opus 22





J’écris comme Jean Jacques Dorio

rencontré naguère dans un atelier

où l’écriture ravageait nos vies en poésie





J’écris travaillant l’écriture au corps

Traversé de haïkus et d’aphorismes

J’écris sur le court d’un tennis

Marqué à tout jamais par l’empreinte

du champion Bjorn Borg :

La balle est ronde

Le jeu est long





J’écris long renvoyant dans les cordes

les jeunes hommes pressés

et les jeunes filles en fleur





J’écris de ci de là

en ne pensant qu’à ça





J’écris sous les combles

Sous un vasistas

Où la lumière pleut

(et neige parfois)





J’écris en imaginant Bartok

écrivant ses partitions des Microcosmes

J’écris créant ce microclimat

propice aux pages d’écriture

faisant la navette entre micro et macrocosme





J’écris dans un camping-car Volkswagen

Qui m’a mené naguère

(avant la prise de pouvoir par les Ayatollahs)

Jusqu’à Téhéran





J’écris en oubliant d’écrire souvent

J’écris en me jouant du temps

J’écris en le laissant filer

Ou en l’arrêtant





J’écris sur une table Louis Philippe

ronde en noyer

trouvée sur le bon coin





J’écris sur du papier clairefontaine extrastrong

acheté à Bureau Vallée





J’écris sans confondre mes textes quasi bibliques

avec les bibelots abolis du bon Mallarmé

J’écris avec et contre les sonnets en X

les phrases incises et les ellipses





J’écris sans l’ombre d’un bruit

exceptée cette langue qui caquette

et qui bruit





J’écris sans réfléchir une première ligne qui déclenche le reste

J’écris anche en songeant à mon ami Rambour qui habite rue Franche

J’écris France du nom d’une bergère rencontrée en Mai 68

J’écris Bergère Ô Tour Eiffel

comme Guillaume Apollinaire





J’écris cette aubade inachevée

DÉFENSE À DIEU D’ENTRER





SURTOUT N’EN PARLONS PAS





Surtout n’en parlons pas

Mais de qui mais de quoi ?

Devinez écrivez

Faites appel à votre ange

On dit qu’il en a un





Relisez le sonnet

En X de Mallarmé

Avec ce seul objet

D’identité sonore

Pour mieux vous égarer





Ou plus trivialement

Enfourchez le solex

D’Alceste ou d’Alex

Pour aller au grand Rex

Voir un film rince l’œil





Défense à Dieu d’entrer

Seul Hugo put écrire en vain

Cet interdit divin

Dieu était dans la tombe

Et regardait Caïn





Défense d’en parler

Mais on peut à Orsay

Contempler ce Courbet

Acheté par Lacan

Au turco-égyptien

Appelé Khalil-Bey





Voie lactée ô sœur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Chanson du Mal-Aimé

Guillaume Apollinaire

Nous fait voir les rondeurs

De dame damascène





Décidément nous digressons

Changeant de rythme et de rimes

Kss kss dit Flaubert à Emma

Couchée sur ses carnets intimes

Ainsi finit notre chanson


	

RITUELS D’ÉCRITURE BALISES D’UNE VIE





Rituels d’écriture qui balisent une vie

Des hauts des bas des bas des hauts

Des baobabs de palabres

Baroques ou banales





Traceurs balises

Gare aux mouchards

Mais non aux cormorans qui s’y perchent





Les textes sont des amers qui nous tendent leurs perches

Leurs dazibaos libérant la parole de Mai 68

Ou les appels aux meurtres sous Mao





Rituels d’écriture des bâtons et des lettres

Que l’on bat l’on abat

Sur le tapis vert

En laissant bien des blancs





Comme dans une partition sur le Silence

De John Cage





Ou bien lançant un nouveau coup de dés

Dans un tourbillon d’hilarité





Italiques Stéphane Mallarmé

FAUT-IL SE MÉFIER DES MOTS





                Eluard voulait « tout dire », mais il en manquait. Mallarmé leur cédait, volontiers, l’initiative. Jaccottet a toujours eu la hantise de ne pas se faire leurrer par eux. Tardieu, Monsieur Jean, redoutait celui qui en aurait percé tous les secrets. La liste des amoureux ou contempteurs de mots est infinie, mais à la fin des fins, dans son atelier quotidien où l’on s’escrime avec eux, ça fait « taches de soleil, ou d’ombre » Philippe Jaccottet





taches de soleil ou d’ombre