LA CONFÉRENCE DES OISEAUX





agenda du 08 au 14/02/2021

Lundi 08/02/2021

7h51     « Ils étudient, théoriquement et expérimentalement, l’intrication, la non-localité et la décohérence, dans des systèmes d’une complexité croissante. » Alors que je finis de recopier cette phrase, pour le moins énigmatique, le smartphone entame son chant répétitif, faisant sonner l’alarme à l’heure prévue, me rappelant qu’il est temps de lever les doutes sur ma localisation et de dire adieu aux quantas.    8h01

Mardi 09/02/2021

7h25      Quand Dieu depuis belle lurette est mort et enterré, « rien n’aura eu lieu que le lieu. » Une formule qui clôt, en quelque sorte l’attrait pour le Romantisme, de Stéphane Mallarmé. Mais comme tous les déçus d’une cause, il exagérait. Le « lieu » est aussi ce monde ouvert sur une langue en perpétuelle recherche d’un temps, que nous aimons célébrer, pour « frères humains, qui après nous vivez, » ayant le cœur avec nous adouci.    7h36

Mercredi 10/02/2021

8h39    Jean-Claude Carrière qui vient de s’endormir pour le sommeil définitif, ne pourra plus, désormais, assouvir sa passion de lecture, que « les yeux fermés. » Je prose cette ligne, mélancoliquement, le livre dernier où il fait part de toutes ces expériences « Ateliers », sur mes genoux. La liste de ses rencontres et réalisation est infinie. Au cinéma et au théâtre. Cet été, stimulé par son livre, j’ai relu dans mon jardin La conférence des oiseaux, ce merveilleux poème d’un auteur de l’Inde du XII° siècle, que Carrière adapta pour son ami Peter Brook, mis en scène au Cloître des Carmes, en Avignon. Nous vîmes le spectacle tendrement avec mon épouse…et le cri des martinets, le 15 juillet 1979.    8h43

Jeudi 11/02/2021

8h37     Hésitant ce matin, je me rabats sur les deux textes écrits dans la nuit. Sur la page quadrillée, -mon cahier d’écolier-, une variation autour de la phrase de Roland Barthes « mon livre doit être considéré comme dit par un personnage de roman ». (R.B. par R.B.) Sur la page blanche des poésies, une mise en abyme de mes poèmes « postés » chaque jour sur le blog poésie mode d’emploi (depuis le 08/01/2006) . « Poèmes anthumes », comme il se doit.     8h45

Vendredi 12/02/2021

7h30     Cette nuit, pour reprendre le fil de mon agenda d’hier, j’ai calé. Mes braises n’ont pu embraser la page « vierge et vivace du bel aujourd’hui ». Le poème est resté dans sa « bouche d’ombre. »    7h35

Samedi 13/02/2021

9h15     -Ah ! bon, je croyais que « le dialogue des insectes » était une invention de ce bon Jean de la Fontaine.

             -Tout le monde peut se tromper dit Miró, en dessinant des fourmis rouges avec des nervures de chèvrefeuille et des cigales à l’œuf qui dansent la rumba.

9h30

Dimanche 14/02/2021

5h00    Attention travaux. La matière des mots, des couleurs et des sons, sans cesse étirée, malaxée, mise en forme, manière de maintenir la petite flamme des arts, chercher ce qu’on ne peut trouver, mais « Sirène la mer haute, Contre tempête chante » (Philippe de Thann XII° siècle)    5h05

"Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman"
R.B.

VOUS Y DANSIEZ PETITE FILLE

agenda du 25 au 21/01/2021
la main amie écrit




Lundi 25/01/2021

7h39     Comment parler d’une journée qui ne fait que commencer. En lui faisant ce geste d’une écriture barrière. En le qualifiant de chimère. En l’imaginant dans ce lieu de nulle part que l’on nomme utopie. Ce sera une journée Utopia.    7h43

Mardi 26/01/2021

6h58        ajouter : s’ajouter, étymologie d’ «auteur ». Mallarmé (l’obscur), éclaira sa plume de quelques « vers de circonstances », envoyés à ses amis, amies et familiers. Leur nom et adresse servaient de matrice aux poèmes. Ici la circonstance est cette petite musique de prose, copiée avec soin sur un agenda, comme une partition, offerte chaque dimanche aux passagers discrets, du blog « poésie mode d’emploi », qui embarquent en un clic dans l’arche des jours qui fuient.     7h09

Mercredi 27/01/2021

7h53  « Il était une fois…et il n’était pas ». Formule rituelle, ouvrant les contes majorquins. Je ne crois pas vraiment à ce que tu me contes…mais quand même, un peu.      7h54

Jeudi 28/01/2021  

7h15         Hasard objectif. Un groupe d’instituteurs/trices, de professeurs, prend l’avion pour La Havane. (isla de Cuba) pendant le vol une belle brune (son nom était Bruno), vient, souriante, me demander d’échanger nos places, pour se retrouver avec ses amies martégales, qui par hasard, sont à mes côtés. Oui, évidemment. (Je lui rends son sourire) Au retour, nous voyageons côte à côte avec « ma belle ». Le voyage va durer, continûment, 36 ans. Seule, la sale maladie, va clore ses paupières et notre rencontre dont « Hasard Objectif » nous fit don. 7h22

Vendredi 29/01/2021

7h51  « Toute la variété, tout le charme, toute la beauté de la vie, ne sont qu’un mélange de lumière et d’ombre. » (6x3x8x12 syllabes). Me voilà pour la première fois (et la dernière) de ma vie, flottant dans le grand fleuve Tolstoï, avec l’aide d’Anna Arkadiévna plus connue sous le nom titre du roman : Anna Karénine.     7h53

Samedi 30/01/2021

7h46     La lune toute ronde, un peu voilée, finit, à l’ouest, son voyage nocturne. Je sors d’un rêve cauchemar. Mon ami M. m’annonçait au téléphone qu’il venait d’apprendre le suicide de mon ami T. « Il s’est tiré un coup de fusil »…comme Ernest Hemingway. (« Ne te demande pour qui sonne le glas, il sonne pour toi)

Dimanche 31/01/2021

7h20   Je vois un poème qui tourne à vide. (l’obsession d’une certaine « modernité ») Mais le travail sur la forme, paradoxalement, apaise. Je vois ces quatre lignes qui terminent la semaine. « Quand donc finira la semaine ? » se demande Apollinaire pour son poème que j’aime le plus. « Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère grand C’est la maclotte qui sautille Toutes les cloches sonneront Quand donc reviendrez-vous Marie ? »

SUR MON CAHIER D’ÉCRITURE





Je mets tout à plat

Tout ce qui sort de la pénombre
Sans en faire tout un plat.

« Comme un astre éclipsé »

ajoute Baudelaire,

dans un sonnet.





Je mets tout à rêve,

les amers et les doux,

les longues nuits sans trêve,

qui grèvent et dégrèvent,

le langage qui doue

mes vers d’un doux froufrou.





Je mets tout à dire,

les Sirènes les oiseaux-lyres,

« la nuit approbatrice »,

d’un Mallarmé Phœnix,

les lèvres qui murmurent

l’amour des métaphores,

le mot « humble » qui n’a pas de rime,





Tout ce qui s’inscrit

sur mon cahier d’écriture,

avant d'aller rejoindre

la belle forme d’un livre.





sur mon cahier d’écriture

manuscrit premier jet

QUAND LES MOTS RÉVERBÈRENT





Les mots réverbèrent entre eux,

ce sont matière et manière

d’une écriture.





Nerval se pend au réverbère.

Personne ne sait pourquoi.

Ce qu’il nous dit, parce qu’il l’écrivit,

c’est que le rêve était pour lui

une seconde vie.





Les mots réverbèrent et divaguent entre eux.

Mallarmé s’y complait :

« Rien cette écume, vierge vers

À ne désigner que la coupe. »

Écume des jours, coupe qu’on lève,

« pour des lèvres que l’air du vierge azur affame ».





Les mots réverbèrent et font l’amour

sur les murs de Mai 68,

Jouissez sans entrave,

Sous les pavés la page.





Les mots réverbèrent chez Verlaine, Paul-Marie,

en vers impair, son préféré :

« Sans rien en lui qui pèse ou qui pose ».





Les mots réverbèrent sur « la mourre,

jeu du nombre illusoire des doigts ».

« Et la girande tourne Ô nuit ô belle nuit ! »

(Apollinaire)





quand les mots réverbèrent

entame musicale « Astronomy Domine » Pink Floyd

TEXTE À DEVINER PEU À PEU


Filtre à café 3
manuscrit
le fond est de Fabienne Verdier





TEXTE À DEVINER PEU À PEU
C’est à n’y pas croire
 
il ne faut pas croire que le texte que vous lisez va s’écrire tout seul au fil de l’épée de la plume en pensant à autre chose mais vous pouvez le croire si ça vous chante il ne faut pas croire que ce texte est un tissu d’abstractions comme on dit à tort de l’art soi-disant abstrait cosa mentale cependant il l’est un peut tout de même on y a réfléchi mais une fois lancé c’est une autre paire de manches il ne faut pas croire que mon texte est hors-sol sans fond tréfonds fondements sillons creusés dans la terre cultivée par mon père Noël Dorio dont le travail quotidien s’appelait un journal il ne faut pas croire que ce foisonnement verbal n’est pas fait de coupures d’arrêts de pannes d’écriture de sentiers qui bifurquent comme dans les fictions de Borges où l’image de la bifurcation n’est pas celle de l’espace mais celle du temps il ne faut pas croire que le temps consacré à cet espace soit matière à penser le discours de la méthode car il ne faut surtout pas prendre pour argent comptant le je pense je suis mais ce que je suis c’est ce que je deviens le deviner peu à peu, le suggérer : tel est le rêve. Préférer Stéphane Mallarmé à René Descartes, c’est, vous l’avouerez, à n’y pas croire.