DON’T WORRY BE HAPPY

Couinements et grimaces 
Petits cris syncopés
J’assiste à un concert jazzy
Je vois les musiciens
Autant que je les entends
Puis je fais comme eux
Qui en jouant ferment les yeux
Et c’est le miracle
la musique improvisée
entre en moi et me métamorphose
Ne t’en fais pas et sois heureux

UN PETIT RAPPEL





Un petit rappel comme disent les alpinistes

assurant leurs doigts sur un petit bec de pierre





Un rappel qui n’en finit pas

après le concert

exécuté de main de maître

par tel ou telle virtuose du piano

ou de la viole de gambe





Rappels et variations

Répétions et citations

Présentes sur les partitions des musiciens

les improvisations ou les vers des poètes d’antan





De la musique avant toute chose

Et pour cela préfère l’impair





Un rappel des mémoires résistantes

Des poètes assassinés

Et des fusillés de l’an 44





Celui qui croyait au ciel

Celui qui n’y croyait pas





Italiques Verlaine, Aragon.

INFIME CONTRIBUTION À UNE CONVERSATION SANS FIN

« Nous survenons en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution. »

Paul Ricœur

*

Impro du soir À l’heure où l’oiseau de Minerve prend son vol nous voilà peuplant notre solitude d’écritures folles en profitant de l’énergie donnée par la chaîne musicale Mezzo Après le concert pour violon de Beethoven que l’on écoute sans le regarder tant le soliste fait de mimiques Nous plongeons dans la rediffusion d’un concert de djazz où les notes et les oreilles se libèrent des semelles de plomb On voit alors et l’on écoute tout ouïe le pianiste Léo Genovese barbe d’un rabbin exégète  cheveux frisés et mains qui se croisent Esperanza Spalding la contrebassiste qui joue comme en extase  – Esperanza Esperanza yo no puedo bailar tchatchatcha – Jack De Johnette à la batterie que tous les fervents de Keith Jarret connaissent et Joe Lovano soufflant dans son sax comme souffle souffle la baleine blanche de Melville Impro du soir aux couleurs des confins d’un monde inédit où l’on jouit des musiciens grâce au cercle ouvert par les nouvelles technologies – l’écran plat du salon et l’écran de cet écrit où se joue notre texte bri-collé comme une partition – tout en dégustant une dorade cuite sur la plancha à la sal gorda et qu’un pêcheur de l’étang de Berre a sorti ce matin devant nous de ses filets On dirait On dirait On en dirait tant On dirait le temps en suspens Ô lac On dirait Ulysse rentrant à Ithaque et ne sachant pas que Pénélope est morte On dirait Orphée revenant des Enfers qui donne sur sa lyre une dernière ode aux  heureux mortels Accrochez-vous au poitrail à la gorge pourpre et aux ailes d’or de l’oiseau Phénix mourant et renaissant et Prenez soin des livres des disparu.e.s qui  dorment dans vos bibliothèques et qui attendent d’être réveillé.e.s et réinterprêtés par les musiciens d’un soir et les aèdes aveugles qui ne sachant plus trop sur quel pied danser sans voir donnent les noms et sans marcher progressent comme disent deux vers traduits de Lao-Tseu…nous n’irons pas plus loin