PROUST OUSTE!

Des questions sans réponses c’est le miel des curieux

Narrateurs anonymes rêveurs mystérieux

Un jeu de l’alphabet à la fin d’un voyage

Où l’on fit maints détours dans des textes en marge

Accumulant les choses utiles et superflues

Des voyages au long court comme une phrase de Proust

Des lectures au cœur du flux et du reflux de nos vies

Et des singes grammairiens qui devant tant de signes

Disent Ouste !

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

ÉCRIRE AU GALOP

AU GALOP

«  Quand j’écris au galop, je n’ose pas me relire. » Marcel Proust

                Ça s’écrit par fragments, par morceaux, désunis au premier abord.

Ça s’écrit à jets continus, uniquement la nuit.

Le jour c’est interdit.

Ça s’écrit sur de petits bouts de papier que l’on déchire ensuite à la main

et que l’on destine, imaginairement, à la lunette nommée kaléidoscope.

Ce qui nécessite – soi-dit en passant – une lecture à nulle autre pareille :

Secouez, oubliez vos tics de lecteurs ne lisant que du bout des yeux,

Et, encore mieux, prenez en main, vous aussi, votre plume,

au lieu de chercher à dormir la nuit, à tout prix.

« Ajoutez quelque part », votre fragment, votre pièce, votre ajoutage.

Il n’est pas nécessaire de vous relire…

jean jacques dorio échantillon d’une écriture au galop nuit du 26/09/2022

REVIVIFIANTE VERTU

Il y a dans notre existence des points temporels qui conservent, avec une distincte prééminence, une revivifiante vertu. William Wordsworth (1770-1850)

Pourquoi je veille en lisant, en écrivant, en dessinant, en faisant des signes au pinceau qui ressemblent à du chinois et que je nomme hypnographies ? Je veille chaque nuit pour faire des points d’étape d’une vie singulière et commune, pour conserver la capacité, me remémorant d’épisodes joyeux ou hachés de douleurs, de me revivifier, fuyant l’ego, le ressassement, le vieillissement du langage de mes années perdues.

QUE SÇAIS-JE ?

Que sçais-je ? Formule choisie par Montaigne pour se désembourber de ses croyances trop affirmées Une interrogation sous forme de « devise, d’une balance » (sic), qu’il fit frapper sur une médaille en 1576.

Que sais-je daujourdhui ? Ce mot qui le premier vient de se poser sur mon papier en soufflant sur les braises du jour naissant Je sais que laujourdhui commence par le bruit de ma pointe fine au verso de la couverture dun livre de poèmes que jécrivis de 1970 à 1975.

Que sais-je des poèmes ? Je sais que jen ai lu des milliers dont certains (mes phares) des dizaines de fois Je sais que moi aussi, jen ai écrit un nombre incalculable, et publié dans quelques livres et maints recueils, qui sur le moment semblaient apporter mes grains de sel, mais qui se sont dilués, avec le temps, dans l’invisible.

Que sais-je du paradis ? J’en ai produit quatre pour Encres Vives, collection Encres Blanches (tout un poème). Mais à « la minute présente » je sors de ma bibliothèque (le lieu le plus propice à l’humain paradis), le livre contenant cette longue phrase de Marcel Proust (puisqu’il faut appeler le narrateur multiforme par son nom), qui se termine par la phrase inscrite sur tous les recueils de citations : les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus. Mais les citationnistes oublient la longue phrase qui donne la saveur de cette salutaire affirmation : Oui si le souvenir grâce à l’oubli, n’a pu contracter aucun lien, jeter aucun chaînon entre lui et la minute présente, s’il est resté à sa place, à sa date, s’il a gardé ses distances, son isolement dans le creux d’une vallée ou à la pointe d’un sommet, il nous fait tout à coup respirer un air nouveau, précisément parce que c’est un air qu’on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayé de faire régner dans le paradis et qui ne pourrait donner cette sensation profonde de renouvellement que s’il avait été respiré déjà, car les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus.

Que sais-je de la minute présente ? Un moineau apparaît un insecte dans le bec quil sefforce davaler et, tuit tuit, le voilà disparu et pour léternité.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

PERDRE LE FIL

Perdre le fil sur ces feuillets maculés de poudre Legras avec lequel Monsieur se faisait des fumigations qui loin de laider à guérir de son asthme le tuaient à petit feu. Valériane, cascara, trional, tétronal, fumigants quil vantait à ses correspondant.e.s, tout aussi drogué.e.s que lui.

Perdre le fil ? Vous plaisantez ! Le narrateur avait toujours son idée, point à lendroit, point à lenvers, seuls lappelaient « fouilleur de détails » ceux qui ne percevaient pas le « chercheur de grandes lois ». Et, par exemple, lincarnation de types dêtres chez qui « le remplacement successif de chaque cellule par dautres a amené un changement complet et une métamorphose. »

Un fil perdu, dix de retrouvés. « Alors quoi ce livre, ce nétait que cela ? Ces êtres à qui on avait donné plus de son attention et de sa tendresse quaux gens de la vie, nosant pas toujours avouer à quel point on les aimait. »

À quel point reprenant chaque nuit le fil dun récit imité des Mille et une nuits, on avait voulu que « le livre continuât », lui ajouter encore un mot, une ligne, une phrase, une page, afin que leurs personnages continuent à vivre et à proliférer, afin que demain ils soient préservés « de nêtre plus quun nom sur une page oubliée ».

Citations Marcel Proust préface de Sésame et les jours

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

ENFIN ON RESPIRE !

J’ai passé ma vie de lecteur (de 7 à 77 ans) à fuir Proust. Et puis, allez savoir pourquoi, alors que je fêtais mes 77 printemps, je suis tombé dans la marmite de Marcel. Lors, il n’est pas un jour où je ne prends pas le temps de touiller et de trouver dans l’œuvre reine de la littérature une inspiration décuplée. Telle cette grand-mère qui dans le jardin vide et fouetté par l’averse, relevant ses mèches désordonnées et grises pour que son front s’imbibât mieux de la salubrité du vent et de la pluie disait : Enfin on respire !