NUIT DE NOËL : la der des ders

Depuis que je suis enfant j’écris des cahiers que une fois terminés j’enferme à double tour dans un coffre hérité de mon grand père maternel

Ça a commencé le jour où à 7 ans j’ai découvert par hasard père et mère jouant le rôle de papa Noël autour de minuit un 24 décembre

Je n’ai rien dit mais je l’ai écrit en secret sur la première page d’un cahier à couverture jaune dont le thème on peut s’en douter était le mensonge On m’a menti était son leitmotiv

Le pouvoir des mots écrits m’apparut dès ce jour exorbitant bien que naturellement j’étais trop enfant pour pouvoir rendre cette idée manifeste

Mais je persévérai jour après jour année après année

Mes 7 ans se sont convertis en 77 et cette nuit de Noël m’apercevant que mon dernier cahier est épuisé j’ai décidé d’arrêter là les frais : plus un mot plus une ligne

Monsieur Personne s’en est allé dans les rues d’une ville portuaire ouverte à tous les vents un billet d’un vaisseau fantôme dans ses poches trouées en sifflotant une milonga donnant congé à la vie et à son mentir vrai

Martigues 24/25 décembre 2023

UN MOT APRÈS L’AUTRE

Souvent nos yeux courent
Vers le bas des pages
Jean Louis Rambour

Un mot après l’autre
Mes yeux courent la campagne
Ma main accompagne
Jusqu’au bas de la page
Ce texte écrit à la diable

Un mot avant l’autre
Un mot immatériel
Que l’on garde pour soi
Dans le secret des marges

Après le dernier mot
Posté sur le blog
On médite on se dit
Non ce n’est pas possible

Et l’on parle au papier
En déguisant son trouble
En faisant de cet apparaître verbal
Ce commencement qui n’en finit pas

Martigues 21 novembre 2023

UN SECRET POUR CHAQUE NUIT



Ma poésie ne fait pas de vagues
Elle vogue de nuit en nuit
Sur une barque invisible
Aux yeux des profanes

Fanal, feu latent, exercice,
Mon poème, s’il n’avance guère,
Maintient le secret des formes,
Dans le labyrinthe d’un rêve éveillé.


C’est l’impératif premier crié par Villon,
Aux hommes barbares, aux cœurs endurcis,
Et le rêve dernier murmuré 
À l’oreille de nos belles endormies…

Un secret pour chaque nuit suffit*


* Alain Grandbois (1900-1975) poète québécois


DÉFENDEZ-MOI DE MOI

-Mais quel est ton secret ? Je nai pas de secret, sauf celui de refuser de me prendre pour quelquun qui chaque nuit écrit ses secrets.

« Défendez-moi de moi » ai-je lu, peut-être chez Montaigne, sûrement (en traduction) chez quelque autre auteur de conséquence écrivant dans la langue de Cervantes.

Celui qui écrit sur la mémoire, le temps, loubli, la répétition, le mouvement, la nostalgie du présent, je fais comme si je ne le connaissais pas personnellement, comme si jignorais ce quil avait déjà écrit sur ses cahiers, petites cartes blanches ou colorées, et même, ça peut arriver, sur un livre affublé dun nom dauteur, pour la commodité.

Bref, toute image renvoyée par les autres, ne rencontre jamais mon assentiment, ou plutôt, vous laurez peut-être compris, je les prends toutes pour argent comptant. Tous ces registres, tous ces costumes, tous ces personnages représentés par un seul acteur, une seule actrice (je songe à Isabelle Huppert, un modèle en ce domaine), tout ce mixte, ce kaléidoscope, cette machine à produire mille visages

-Alors, la prouesse est à tous ! conclut avec malice mon questionneur de secrets. La prouesse cest lallégresse de remettre une pièce dans la machine littéraire de nos désirs inassouvis.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

UNE NUIT SANS SECRET N’EST PAS UNE NUIT





C’est à vous qu’elles vont mes lentes rêveries
Et de mes pleurs chantés les amères douceurs

Marceline Desbordes-Valmore 
(1786-1859)


Une nuit sans secret n’est pas une nuit
(pour faire alexandrin, il manque une syllabe)

Une nuit où l’on rêve avec Robert Goffin
Délivrez-moi des poètes qui pleurent 
écrivait-il

Qui pleurent dans leur cœur
Leurs amères douceurs

Puis il se rendormait le corps en chien de fusil

Une nuit sans secrets partagés n’est pas une nuit