lecture à haute voix d’un rêveur qui s’efforce de rester éveillé
On peut toujours rêver sur les rives de la mer noire sur les pages blanches d’un certain Monsieur Plume sur les rêves éveillés d’un autre que soi qui aurait pour nom Ovide ou Michaux
On peut toujours faire abondance d’images orageuses de propos de tavernes et de chercheurs d’étoiles qui peignent les comètes
On peut faire d’écriture mouvement et méditation sur le monde sans fin sur la langue que tel un fourmilier du grand llano l’on déplie sur le soi dont l’assise est à réinventer
On peut toujours faire l’écart de côté d’un haïku débridé être grenouille libellule papillon qui rêve de Tchouang Tseu faire plouf comme dans la cour d’une école où l’on jouait aux barres à la marelle et à passez pompom les carillons
On peut toujours ouvrir les portes ou les fermer être cette persona non grata dans la cité du poison des publicités
On peut toujours rêver avec Métis la Ruse avec Mathis et Alice les enfants de nos filles qui furent elles aussi enfants avant que d’être mères
On peut toujours se baigner dans les prophéties d’un vieil héros de l’Odyssée qu’aucun prétendant n’apprécie
On peut toujours boucler cette correspondance d’un autre âge en évoquant l’enfance de l’Art et les tables tournantes de personnages de romans qui alimentent nos belles rêveries
Et de ceux qui le soir avec un bâton blanc
Tracent des cercles sur le sable
Victor Hugo
Les Orientales
C’est quoi cette folie
Comme un fruit défendu
C’est une poésie
Arrêtée suspendue
Elle est orientale
Traçant des cercles sur le sable
Comme un fruit à l’essai
Est-il vert est-il mûr ?
C’est une poésie
Sur les lèvres endormie
Sur le jardin d’hiver
Brumeuses rêveries
Que nul fil ne relie
C’est à vous qu’elles vont mes lentes rêveries
Et de mes pleurs chantés les amères douceurs
Marceline Desbordes-Valmore
(1786-1859)
Une nuit sans secret n’est pas une nuit
(pour faire alexandrin, il manque une syllabe)
Une nuit où l’on rêve avec Robert Goffin
Délivrez-moi des poètes qui pleurent
écrivait-il
Qui pleurent dans leur cœur
Leurs amères douceurs
Puis il se rendormait le corps en chien de fusil
Une nuit sans secrets partagés n’est pas une nuit
Les rêves mesurent mon éternitéToujours sur le départRêves sueños dreamsRévolutions logiquesLes rêves lèvres des rêveriesSur des livres exhibantDes portraits de NadarLes rêves usés de l'analysteEt des porteurs de valisesLes rêves de pavanespour l'infante défunteLes rêves de Peau d'ÂneDu conte à la magie du cinéLes rêves en filigraneSur le grain du papierLes rêves pour conclureCe pacte avec l'éternité
7h57 Écrire ici simplement. (dès que l’on ouvre l’œil du matin). Ce que sont incapables de faire « les intellectuels », écrit Marcel. Oui, j’ai relevé la phrase chez Proust. (sans commentaire). Mais ailleurs, sur d’autres terrains de jeux d’écritures, j’ai tout loisir de me perdre dans des phrases sans fin, que je parviens parfois à remettre sur pied, ou que je laisse tomber. Mais ici, sur l’agenda, oui, écrire…simplement.
8h07
Mardi 02/02/2021
5h25 Couché comme les poules (pas les « cocottes »), les images de la télé ne me disant rien, j’ai repris le roman de chevet (Anna K.), « posté » le poème du jour après un premier somme, à minuit : « Une fois n’est pas coutume », écrit le nouveau dans la foulée « Sans la surcharge d’aucun savoir » (c’est du Bachelard), et me voilà prêt à 5h30 à me glisser dans la nouvelle journée.
Mercredi 03/02/2021
7h48
Lieu de savoir des rêveries. J’arpente chaque après-midi la petite plage de Fos sur Mer (il y a une grande, mais adossée au complexe industriel). Je m’arrête une ou deux fois pour tracer sur le sable des visages éphémères que je photographie. Puis c’est le molle du port à voiles, ses roches blanches qui servent d’observatoire pour découvrir un horizon de tankers, d’usines et au nord-ouest le point de fuite vers Port saint Louis et la Camargue. Hier, à 16h j’étais seul, le temps était presque printanier, la mer laiteuse me berçait, oublieuse des misères du monde en temps de claustration subie.
7h58
Jeudi 04/02/2021
8h04
J’épluche de vieux carnets, des blessures de « maux » sur leurs pages. C’était une sale année, avec sa terrible partition cancérienne. Écrire, malgré tout, était une manière de donner le change. Chants rêveurs, en clair-obscur. Mais à la fin, c’est l’obscur qui a gagné.
8h12
Vendredi 05/02/2021
7h53
«Je vais mon train », chanson de colo. J’en ai fait deux, comme petit colon (à Tarnos dans les Landes sur l’Océan), deux comme « mono ». Une à Souillac (Lot), l’autre à Campan (au pied du Tourmalet). Épisode impossible à vivre aujourd’hui, une après-midi de chaleur orageuse, on avait fait entre deux équipes, une bataille digne de « La guerre des boutons ». Les gosses, uniquement des garçons d’une dizaine d’années, tout nus, avaient « bataillé » dans un petit torrent. Puis, dûment rhabillés, étaient revenus, en chantant « Je vais mon train Et sans me mettre en peine Je vais Je vais mon train ».
7h59
Samedi 06/02/2021
6h16
« Thumon aie, mater nux » (Eschyle Les Euménides) J’aurais aimé avoir accès à des classes où l’on apprend le grec et le latin. Mais, à défaut, je recopie et j’ai tout loisir de rêver sur les étymologies. « Inspire-moi du souffle, Ô Mère Nuit ! »
6h19
Dimanche 07/02/2021
8h02
Petit poème deviendra grand Si une lectrice lui prête vie « Si par une nuit d’hiver, un voyageur… » (Italo Calvino) Si, si, si, si…
Mais aujourd’hui les mots du poème ou de la fiction, ont quartier libre. Ils iront où ils voudront sur leur barque légère, ou s’envoleront d’un dictionnaire inédit : le dictionnaire des mots fragiles et des catharsis.