LE TEMPS QUI COURT

écrit tel quel
à la course
ce 24 mai
à 1h30
demain je l’écrirai sur le clavier
et puis je le dirai
enregistré


LE TEMPS QUI COURT





Le temps qui court est arrêté

Dans le jardin des grands récits

Le mien est si petit





Il n’y aura bientôt plus personne

dans la course à l’abîme

du Dante ou de Shakespeare





Le mien est si petit

qu’il tombe dans l’oubli

au fur et à mesure

que je le décline

sur ma page de nuit

blanche





La course infinie

des grands poètes et prosateurs

m’a toujours fait peur





La mienne ressemble

au petit trafic des fourmis

que quelques spectateurs abrutis

couvrent de poudre grise





L’Enfer gémit la Tempête hurle

Les morts hantent la scène

De fosses peu communes





Dans mon petit jardin

à l’écart des grands récits

J’enterre mes fourmis

le grain à grain du texte
dit par la voix
de celui qui l’écrivit

ENTRE-TEMPS





« Ça a coulé » dit Flaubert, parlant du temps qui a fui, comme un tonneau percé. « Ça a calé », ai-je écrit, dans la chanson que j’ai faite sur ce thème. J’évoque ainsi, « les calades », ces chemins en pente faits de galets de rivière. Nul n’est censé savoir, que c’est sur une calade de Vaison la Romaine, que fut prise notre dernière photo, en amoureux, au printemps 2013.

« ça a passé »
voix paroles et musique
jj dorio

LE TRAVERSEUR DES VOIES PÉRILLEUSES





Sous l’histoire la mémoire et l’oubli

Sous la mémoire et l’oubli

la vie

Mais écrire sa vie est une autre histoire

Inachèvement

Paul Ricœur

(avec ma mise en espace

et une modification)





J’écris avec des mots

des images un stylo





J’écris à l’aveuglette

sans réfléchir sans infléchir

le projet de remplir

mes papiers d’identité





J’écris avec les données éparpillées

d’une vie de mémoires pillées

-la mienne et celle des gens de rencontre

croisés dans les livres,

les films, les musiques, les tableaux –

et en réalité





J’écris avec mes proches

mes deux filles qui me tiennent éveillé





J’écris avec celle qui s’est dérobée

mais qui demeure

mon art premier





J’écris avec ma femme

que j’appelais pour plaisanter

mon épouse préférée

avec sa joie de vivre

nos lettres d’amoureux





J’écris avec ses maux derniers

atroces cruels injustifiés





J’écris avec son absence

hors du temps

dans le lit solitaire

 des mille et une nuits





J’écris avec des cris

et des outils

que j’essaie au mieux de maîtriser

pour comprendre cette histoire

au présent d’une vie

que « nul fil d’or

ne relie »*





*Jean Vilar

Chronique romanesque

(un livre qu’il avait « sur le métier »

quand une crise au cœur

l’a terrassé)





nb le titre fait référence

à la formule du poète Jean Bouchet (1476-1557)

qui se désignait comme

« LE TRAVERSEUR DES VOIES PÉRILLEUSES »