Maître et disciple Disciple et maître L’œuvre pousse Tirée par les cheveux Pousse droite comme un chêne Ou penchée comme un pin Elle s’élance, oui, À la façon des arbres Qui cachent la forêt La forêt des symboles Chante le maître Des Correspondances Le Beau Lailère Dit le disciple Maniant l’oxymore Et la moquerie Puis tout disparaît Feuilles et feuillets se dispersent Ainsi de toi qui as lu Cette histoire Tirée par les cheveux
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SONNET ÉCRIT SOUS L’ARBRE DE GODOT
-Qui est Godot ? -Godot ? -Vous m’avez pris pour Godot. -Pas un seul instant Monsieur. Samuel Beckett -Comment écrivez-vous ? Debout ? Couché ? En parlant au papier ? Au galop de votre plume ? -J’attends avant d’écrire. -Et quoi ? -J’attends une image. -Un arbre qui cache la forêt ? -Un arbre qui produit Ce grain à moudre Une suite sans mots Pour écarter les maux Qui hantent les péquenauds En attendant Godot.
DANSEZ LES PETITES FILLES
agenda du 8 au 14/03/2021
Lundi 08/03/2021
7h21 -Adieu, comment tu vas ? C’est ainsi que l’on se saluait dans mon village natal où les paysans parlaient toujours entre eux en occitan. Et pour se séparer leur adíu (prononcer a-di-ou) était proche de l’adios espagnol. 7h27
Mardi 09/03/2021
2h19 Je fais la course aux improvisations avec la joyeuse bande internationale des acteurs et actrices de Peter Brook aux quatre coins du monde, en Afrique chez les Yorubas, à Téhéran, au Mexique avec le Teatro Campesino, à Brooklyn et enfin aux Bouffes du Nord, sur cet espace vide « entre le sacré et le brut. »
Mercredi 10/03/2021
6h02 « Un homme raconte son histoire et ce sera celle de tous ou de personne. » (Henri Thomas) Le livre que j’ouvre illustre cette citation. L’auteur évoque une reproduction brodée par sa mère de la fameuse « tapisserie de Bayeux » qui me fait ricocher sur le souvenir de sa visite avec le poète Jean Louis Rambour qui m’avait accueilli à Bayeux. Puis, sur la même page, l’auteur revoit une photo prise par son père à Praz sur Arly, où l’on voit en arrière-plan le Mont Blanc. Praz où nous séjournâmes dans un gîte, trente ans après avec Jo et Noémie (2 ans). Merci à l’écrivain Daniel Oster qui publia « Rangements » en 2001
Jeudi 11/03/2021
7h01 Ça m’interpelle mais ça ne me sécurise pas. C’est incontournable mais ce n’est pas gratifiant. C’est obsolète mais je l’assume. Si ça te pose problème tu peux en faire tout un poème. 7h08
Vendredi 12/03/2021
2h55 À la sortie je vais chercher Mathis, 5 ans, à son école maternelle. Dix minutes après nous voilà loin de la ville sur les sentiers de la forêt de Castillon, lui sur son petit vélo avec son casque bleu, moi le suivant et palabrant de choses et d’autres. Nous sommes seuls, le petit roi pédalant et son grand-père un bref instant le Merlin des forêts. 3h04
Samedi 13/03/2021
8h06 Après une semaine de floraison intense, les fleurs de l’amandier se détachent une à une au vent léger, elles tombent tombent, tombent, tombent, petites âmes des contes de fées qui auraient ravi ma Dulcinée.
Dimanche 14/03/2021
1h25 Chansons reprises cette semaine avec l’aide des accords sur le piano : Le Sud (Ferrer) L’écharpe (Fanon) Vingt ans (Ferré) Ma môme (Ferrat) La marine (Fort Paul-Brassens). Chanson la plus écoutée sur ce blog : Dansez les petites filles (Hugo-Dorio). La semaine est finie n.i n.i, mais ce n’est que dans les chansons qu’elle recommen-en-en-ce. 1h30
À LA RECHERCHE D’UN LIVRE QUI CACHE LA FORÊT DE MA BIBLIOTHÈQUE
épisode 3
3 DEUX ÉCRIVAINS CONNUS AU MILIEU DES DOCTEURS ET UN INCONNU PARLANT LUNFARDO AVEC DES TUPAMAROS
Cette brume insensée où s'agitent des livres, comment pourrais-je l'éclaircir ? une citation de Raymond Queneau modifiée
Je ne peux pas lire Georges P. sans écrire avec lui. Nos lettres se chevauchent, creusent des secrets qui n’ont jamais été communs, mais, par la seule grâce de l’écriture, partagés.
Cette nuit je « nous » écris sans programme oulipien, sans destinataire réel et sans assurance d’achever la tâche. C’est rassurant d’ailleurs, si on y pense. Personne ne sera en mesure de m’en faire reproche.
Georges P., écrivain des boutiques obscures, que les choses rendirent célèbre, publia son W ou le souvenir d’enfance, dans la Quinzaine littéraire, entre septembre 1969 et août 1970. Pile poil, à l’époque de mon séjour en Coopération au Venezuela. Ce fut sous forme de feuilleton, comme Honoré qui publia la muse du département, du 20 mars au 29 avril 1843 dans le Messager.
Balzac fait onduler son histoire, de Sancerre, au bord de la Loire, « sur la lisière du Berry », jusqu’à…(c’était couru) Paris.
Gerges P. a un flash, dans une gargote de la Giudecca, à Venise, qui le conduit en Terre de Feu, en passant par Villard-de-Lans, mais pas à Caracas.
Ceci posé, toute personne, n’ayant pas commerce avec le milieu littéraire, fuirait pareilles incongruences (le mot du dictionnaire est « incongruité »), ne voudrait, en aucun cas, se trouver plus longtemps mêlé aux projets d’écriture de nos deux fantassins des Lettres et des Arts.
Oublions. Les romans les plus insidieux tournent la tête de Dinah, la muse de Sancerre, plagiat anticipé de la Bovary. Et les souvenirs impossibles de l’enfance plongent le feuilletoniste de la Quinzaine, dans une scène vue chez Rembrandt « Jésus au milieu des docteurs ».
En face de ma maison de naissance, il a une église qui sonne les heures, les demis et l’angélus. Rien qui anticipe, mon rendez-vous, cinq lustres plus tard, dans un bistrot de Buenos Aires, ou des révolutionnaires Tupamaros, se réunissent, pour soi-disant étudier le lunfardo, argot des porteños.
Il y a dans tout roman sur la vie, autant de remue-ménage que de remue-méninges, où le héros passe à deux doigts de la catastrophe, ou l’héroïne éprise tombe dans le piège amoureux d’un loustic. (Celui imaginé par Honoré s’appelle…Lousteau.)
On disait, l’animal ! Il court, il court, son sabot à l’assaut, tantôt Swann, tantôt Robinson.
L’animal saisi par l’inspiration, matin d’un vingt juin, composa madrigal, lai, ru fluvial où tout soudain, s’abolit. Hi ! Hi ! Hi !
Selon Tonton Cristobal, quand Georges P. naquit, le samedi 7 mars 1936, à l’Athénée de Paris, on jouait la guerre de Troie n’aura pas lieu. Et selon les archives de mon quotidien du soir que je lis matin, le 24 mars 1945, à Renaissance, on jouait Aurélie, « vierge mûrissante déchirée par les ongles de Vénus » (sic).
Lui naquit à Paris, et moi dans le département dont le chef- lieu est Foix, ma mère, je l’atteste, élevait dans notre village, des oies, mais c’est mon père qui allait vendre au marché leurs foies.
« Priez pour le pauvre Gaspard ! », Verlaine ainsi achevait sa chanson sur le pauvre orphelin rejeté par « les hommes des grandes villes », les femmes qui ne le trouvaient pas « malin » et la guerre qui refusait qu’il allât s’y faire trouer la peau. Gaspard Hauser chez Georges P. devient Winckler.
D’un paragraphe l’autre, l’enquête sur « soi-même comme un autre », se poursuit. Tout y passe, journaux, cartes postales, photos (plus ou moins jaunies), chambres obscures et claires, rencontres, témoignages, lectures et Compagnie.
À LA RECHERCHE D’UN LIVRE QUI CACHE LA FORÊT DE MA BIBLIOTHÈQUE
épisode 2 on pourrait aussi bien écrire À la recherche d'une identité perdue
2 LE LIVRE RETROUVÉ
Revenu dans ma maison à livres, j’ai poursuivi mon enquête, en tombant sur « Laissé pour conte ». Tout un programme pour cet auteur, inventeur revendiqué de « l’autofiction », et qui commence par évoquer ses souvenirs de 1940, il avait douze ans. Période que Marc Bloch, l’exemplaire historien, a appelé « l’étrange défaite », dans un texte vibrant, qu’il n’a pu voir imprimer. Je ne sais si je fais bien de l’écrire, mais soudain et par mimétisme, je me mets à songer que pour nous, natifs du printemps 1945, peut-être que ce moment, à l’encontre de l’enthousiasme recouvré*, avait aussi, vu la suite de l’histoire, quelque chose de « l’étrange victoire ». Mais n’étant pas historien, je suis incapable de prolonger cette intuition. Par contre, j’ai peut-être avancé dans la recherche de ce livre qui après avoir « caché la forêt » de ma bibliothèque, est aussi ce livre « laissé pour conte ». Le livre, forcément d’une vie, que je m’efforce d’écrire, comme une fable, que je découvre étonné, par la vertu de l’écriture incertaine mais résolue. Une fable qui joue sur les deux formules qui peut-être ont toujours cours dans l’île de Mayorca : érase una vez y non era, « il était une fois et il n’était pas ». Il était une fois et il n’était pas, le paquebot Liberté sur lequel j’embarque imaginairement avec Serge Doubrosky, l’automne de mes 50 ans. Il était une fois, la jubilation de saluer la statue du même nom, suivie de l’angoisse d’être ou de n’être pas reconnu apte à fouler le sol de New York, passant par le centre de tri, l’îlot d’Ellis Land. L’arbre, ou plutôt le livre, qui cache la forêt de ma bibliothèque m’apparaît enfin. Il fut écrit, selon les indications de l’auteur qui closent rituellement les livres de 1970 à 1974, pour la date, les lieux indiqués devant être lus comme une énigme : Paris- Carros-Blévy. Mon exemplaire montre sur la jaquette une photo, 12×20 cm, en noir et blanc d’un mur ancien avec une porte condamnée. Au-dessus d’elle, on lit, en caractères noirs un peu passés, COIFFI/…DE DAMES. Le titre en jaune écrit au pochoir mesure 8 cm en hauteur. W. Un petit trait au-dessous, puis un nom en minuscules : georges perec. En ôtant la jaquette, on découvre la première de couverture : Georges Perec (en noir), et au-dessous en lettres rouges :
W
ou le
souvenir
d’enfance.
