SOLEIL DES YEUX ET MUSES OBSCURES DE LA NUIT

dans la nuit
18 mai 2020
2 heures
manuscrit avec hypnographies


Une voix intérieure
Me fait vibrer les lèvres
Je ne sais quelle muse
Obscure de la nuit
M'emporte au royaume
Où les morts et vivants
Croisent leurs expériences

Je vois les acrobates
Préparant leurs prouesses
Sur la boule en jouant
De leurs corps de serpent

Je vois Cha-U-Kao
Cette clownesse peinte
Par le roi des nabots
Génie de la palette

Je fais du Grand Palais
Un bazar où l'on peint
La vie des grandes filles
Les secrets de famille

À minuit sonnerie
Mes rimes s'assonancent
Ma cavalière rit
Effeuillant la mémoire
Ses dents sont rouge sang

Cours vite et va loin
Ici tout n'est que cendres



POUR LE PLAISIR DE L’INÉDIT





Ici il n’y a que poèmes inédits

Chaque jour est ballade

Comme un poisson d’avril





Ici gentillesse et noblesse

grattent le palimpseste :

aise, soulas, druz, lyesse,

loin des vieulx corbeaus aigris.





Ici où présents sont

ces mots accordés

sans me vanter





Il faudrait souvent réécrire ses inédits

Faisant silence comme chemins

Que l’on ne trouve qu’ inattendus





Mais l’autre voix* elle est ainsi

Qui s’ajoute et nous ajoute…





Et à chacun de rectifier !









*la voz otra : à certains moments, longs ou brefs, répétés ou isolés,

tous les poètes qui le sont vraiment entendent l’autre voix.

Elle est étrangère et c’est la leur, elle est à tous et à personne.

Octavio Paz (La otra voz ) 1990

PLANCHES DU PALIMPSESTE

 


Que tu sois environné par le chant d’une lampe ou par la voix de la tempête,
par le souffle du soir ou le gémissement de la mer,
toujours veille derrière toi une vaste mélodie, tissée de mille voix,
où de temps à autre seulement ton solo trouve place.
Rilke
 
la voix du silence
la voie du menuisier faisant sa planche
la planche du palimpseste
qu’il faut chaque jour raboter
 
la voix de la mémoire
la voie d’eau et de feu
sur ce papier sépia qui flotte
entre oubli et nouveauté
manuscrit
sur fond labyrinthique
jj dorio

DERNIER FEUILLET

« La solitude de l’écrivain est toujours à terme la promesse d’une communauté des lecteurs »

Philippe Lacoue-Labarthe

à Pauline Dorio

Dernier feuillet d’un carnet de bord offert par ma fille qui y vit : « Agenda. New York ». Écrit à la main qui court sans trébucher jusqu’au mot dernier.

En l’attendant je temporise, je tends mes pièges aux cinquante lecteurs qui s’y laissent prendre avec délices et orgues. Je (long arrêt).

Dernier feuillet d’Abyssinie sur lequel le poète des Illuminations solde ses comptes de marchand d’armes destinées au roi Ménélik.

Dernier feuillet où l’on se fond on se dilue en oubliant qui l’écrivit Une Voix sans personne : credo paradoxal d’un poète cher que je lis et relie à ceux et celles qui écrivent comme personne.

Dernier feuillet qui s’accomplit sur l’autre scène, celle où l’on s’avance anonyme et masqué. Murmures de paroles reprises par une troupe légère, qui donne vie à cette… légèreté.

Une Voix sans personne Jean Tardieu

POURQUOI J’ÉCRIS DES POÈMES

 

POURQUOI J’ÉCRIS DES POÈMES
 
Je ne me suis jamais posé la question.
Oui, mais voilà, c’est venu sous la plume.
Aussi, face à ce qui se dérobe,*
Je vais tâcher, poussant le paradoxe,
De ne pas (me) dérober.
 
J’écris des poèmes parce que
Ça m’amuse
Bien que le jeu me prenne tout entier
Et sérieusement
Durant son exécution
 
J’écris des poèmes parce que
C’est – ne riez pas – une vocation.
À mesure que la poésie disparaît de nos sociétés,
C’est, à rebours, porter haut son jeu incantatoire
Et son univers quotidien
Fragile et capricieux,
Qui importe.
 
J’écris des poèmes parce que
C’est toujours une promesse de découvrir
Une part cachée de soi
Qui sort d’une formule inattendue,
D'une étincelle qui couvait
Sous la cendre,
Le livre de sable**
D'un dictionnaire infini.
 
J’écris des poèmes parce que
Je m’abreuve et m’enivre
Des milliers de poèmes
Brinquebalant dans le grand véhicule
Où s’accouplent ballades et chansons au ton bref
 
J’écris des poèmes parce que
Je ne veux pas mourir***
Je souffle et souffre
La mort la vie
L’envers l’endroit
Qui se concilient ou se déchirent
En silence
 
J’écris des poèmes parce que
J’aime enjamber l’aurore
Après une nuit consacrée à l’invisible
Confondant le commencement et la fin
D’une voix qui se décline sans personne****
Et avec chacun
 
 
*Henri Michaux ** Borges ***
Anne Sylvestre : chanson : Écrire pour ne pas mourir
**** Jean Tardieu



nb : pour les enfants et pour les raffinés

ce poème dans cette version non définitive
a été écrit à la main sans ratures
commencé dans la nuit du 12 septembre
(au lit)
continué l'après-midi assis sur le mur grec de Saint Blaise
(commune de Saint Mitre les Remparts)
parachevé ( après de longues hésitations
marquées par des ajouts et suppressions )
sur le clavier de l'ordinateur
ce vendredi 13 septembre
à cinq heures du matin