NOMMER LE MONDE EST-CE COMME PONDRE UN OEUF ?

Nommer le monde qui nous entoure

Mots à mots qui viennent à la queue leu leu

Page à page où naissent des orages

Sur des volcans devenus vieux

Nommer mélancoliquement la vie devant soi

Pour lire après coup ce qu’on ne savait pas qu’on allait pondre

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première page écrite à propos des clochers de Martinville par l’enfant Marcel anticipant le futur écrivain

Je ne repensai jamais à cette page, mais à ce moment-là, quand, au coin du siège où le cocher du docteur plaçait habituellement dans un panier les volailles qu’il avait achetées au marché de Martinville, j’eus fini de l’écrire, je me trouvai si heureux, je sentais qu’elle m’avait si parfaitement débarrassé de ces clochers et de ce qu’ils cachaient derrière eux, que comme si j’avais été moi-même une poule et si je venais de pondre un œuf, je me mis à chanter à tue-tête.

Marcel Proust Du côté de chez Swann

LE TEMPS EST UN ENFANT QUI JOUE



…de siens instants que l’on entend enregistrer de la manière la plus secrète, comme une trace de vie : quelque chose de physique, de touchable, une efflorescence, une incrustation. En somme une littérature moindre qui atteint la grande, un moment fixé en quelques mots courts, surexcités et désordonnés et qui se dilate dans le temps…
Leonardo Sciascia



Vieillesse connaît encore ces moments d’innocence :
En écrivant ou disant un poème,
En écoutant ou chantant les chansons de nos vingt ans,
En jouant à quatre pattes avec nos petits-enfants
En se fondant dans le roman que l’on est en train de lire

Cette nuit j’ai été Vendredi mâchant une graine d’araucaria,
J’ai navigué dans le poème le plus connu de Louise Labé
Je vis, je meurs, je me brûle et me noie,
En revoyant la lave tiède de tes yeux
Mon cœur volcan a encor battu la chamade
Et j’ai retrouvé la formule attribuée à Héraclite :
Le temps est un enfant qui joue.

LOIN DU MONDE PRÈS DES MOTS

Loin du monde près des mots Entre le marteau et lenclume le temps de se la couler douce sans se mettre martel en tête en laissant faire sa plume Plumplum tralala (un réflexe automatique) à la Libération « de la cave au grenier » tout le monde chantait Ploumploum tralala paroles de Saint Granier ou de Francis Blanche (à vérifier) En tout cas le chanteur vedette sappelait Georges Gosset (défense de se gausser) Loin du monde près du cœur battant la chamade comme un volcan devenu vieux 1 dont, (tout le monde connaît Ne me quitte pas ), On a vu souvent rejaillir le feu 2 Le feu de Dieu vieille version biblique augmentée de Sodome et Gomorrhe de loncle Marcel le divin romancier qui en pinçait pour Les jeunes filles en fleurs et dont les personnages les plus sordides et vicieux se révèlent à la fin du conte comme « une simulation de méchanceté » (témoin lamie saphique de Melle Vinteuil qui après lavoir faite cracher sur le portrait de son père fraîchement disparu, accomplit sa rédemption en mettant à jour « les illisibles carnets » du génial et méconnu musicien) Loin du monde près du « fleuve caché » sous la source du temps où lon décline de toutes les manières possibles nos Il était une fois : il était une fois une Belle au bois dormant, il était une fois un petit chaperon rouge, il était une fois une Blanche Neige, il était une fois une princesse au petit pois, il était une fois la Covid 19 racontée aux enfants, il y avait une fois les camps de la Shoah Le Monde et ses horreurs a rattrapé ma plume Du burlesque au ludique, de lenfance de lArt à lHistoire tragique De ce commencement dun récit qui nen finit pas de nous mettre en demeure de chercher une issue : Ne tremblez pas ainsi ! Les portes lune après lautre se sont fermées. Il va venir ! 3

1 Etienne Roda-Gil/Julien Clerc   2 Jacques Brel  3 Jean Tardieu

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

lecture voix automatique

QUAND RÊVE M’ENVELOPPE DANS SON LINCEUL

manuscrit
photo tronquée
écriture et « hypnographies »
à l’encre de Chine
Dorio 16/05/2020





Je me réveille je perds le fil
Du rêve qui était en train 
De me tisser une de ses histoires
Où il m'enveloppe dans son linceul
Pour me rendormir oublier Rêve
Je me mets à compter
Les grains de sable de l'Univers
Qui nous regarde
Compter ce qui n'a ni début
ni fin

Je me rendors je me réveille
Et même "entre" ces deux temps-là
J'aide le vieil écrit a tisser sa toile
Fantôme errant dans sa bibliothèque
Qu'un autre que lui nommait
Sa librairie

Ainsi vivace le corps écrit
Pense ses plaies
Marche sur les braises
De ce volcan
Qui peu à peu
S'apaise
16 mai 2020