LA VIE BONNE





Si l’Esprit veut pouvoir comprendre,
nulle partie du Corps ne doit souffrir de malnutrition,
ni non plus de suralimentation.

Bernard Pautrat
(Ethica sexualis
Spinoza et l’amour)


Si l’on ne sait quoi faire
Autant lire et relire Spinoza
(Annoté ici par son traducteur
entre Corps et Esprit)

Autant faire le compte
de nos désirs immodérés :

la gloriole (ambitio)
la mangeaille (luxuria)
la bouteille (ebrietas)
et l’argent (avaritia)


Avec en sus le mystère de la libido
que notre professeur traduit par « lubricité »


À cet instant un « gabian »1 au vol lourd
passe devant ma fenêtre ouverte sur la nuit
et se met à goaler :

La vie bonne ! la vie bonne !

Oui se dit-on
Elle est secouée de toute part
La vie bonne

Et telle cette poésie contrariée
Elle n’est jamais donnée


1 Le nom du goéland en Provence

ENTRE LE CORPS ET L’ESPRIT

ENTRE LE CORPS ET L’ESPRIT je m’embrouille Lequel des deux m’a dicté ces paroles ? Ma réponse est « barbouillée » comme l’écrit le meilleur connaisseur de soi-même que je connaisse : Enfin toute cette fricassée que je barbouille ici n’est qu’un registre des Essais de ma vie, qui est pour l’interne santé, exemplaire à prendre l’instruction à contre-poil. Mais quant à la santé corporelle, personne ne peut fournir d’expérience plus utile que moi, qui la présente pure, nullement corrompue par art et opinion. MontaigneSi je comprends bien, mais je peux me tromper, en ce qui concerne l’esprit (mon for intérieur), il vient un âge où tout ce qu’on m’a enseigné, je dois le prendre à contre-courant. Et quant au corps c’est d’abord moi qui doit l’écouter, pour prendre soin de ma santé et éviter le plus possible de m’en remettre au médecin qui ne reçoit que des « patients », ceux qui pâtissent, qui sont « malades ». Conclusion : Mes conditions corporelles sont en somme très bien « accordantes » à celle de l’âme…J’ai une âme toute sienne, accoutumée à se conduire à sa mode (celle de mon corps). Il faudra creuser et réécrire tout ça, écrit ma main dans la foulée, laissant mon esprit coi.

UN SONNET EN FORME DE RONDE

UN SONNET EN FORME DE RONDE

Ce corps d’une idée qu’est un vers (Marcel Proust)
Un vers où s’inscrit un sujet
C’est le sujet de ce sonnet
Un corps dans la chair du langage

Parole et corporéité
Vers à vers sondant ma pensée
Créant ainsi de l’inédit
Des images de coups du sort

De coups de vent De coups de mer (Victor Hugo)
Les dissonances de ces tours
Arcancielesques (dit Cendrars)

Voix sépulcrale ou badinant :
Des Djinns ou de l’Aronde babillarde
Ainsi se termine mon sonnet-ronde

LA NUIT EN DIX QUATRAINS

La nuit
comme rencontre
du sommeil
sans sommeil

La nuit
comme l’écart
du Corps
et de l’Esprit

La nuit
comme ton âme
en allée
dans ta nuit

La nuit
comme ta grâce
ignorée
des miroirs

La nuit
comme les flaques
de la mer
sur le sable

La nuit
comme une écharde
dans la main
du silence

La nuit
comme un sentier
dans la voie lactée
des indiens morts

La nuit
comme les clefs
qui n’ouvrent
aucune porte

La nuit
comme la perte
des songes
et des promesses

La nuit 
comme l’encre noire
qui a tracé
cette page
























DU CORPS AU COR



Fantaisie anachronique


Le corps
Le petit corps humain témoin
de l’immensité du cosmos
mêlé au for intérieur
La nuit quand tout s’éclaire
Interstellairement


Le corps sous le manteau
D’une belle pièce de Poésie
Que l’on agrippe, ragrippe
Sur l’étal d’Henri Michaux 1

Le corps qui s’abandonne
Au son du cor
Mélancolique et tendre…
Le soir au fond des bois 2


1 Henri Michaux Invitation 2 Alfred de Vigny