Je joue aux cartes, au ballon prisonnier, au jeu de l’inspecteur Gadget, je joue à l’allumeur de réverbère, je joue à écrire des textes sans e, je joue à consonne voyelle, je joue à la sorcière bien aimée, je joue à la chanson du mal aimé je joue aux osselets, je joueà qui perd gagne, au jeu de la mourre, à saute brebis, je joue à l’escargot qui va à l’enterrement d’une feuille de chou, je joue à loup y es-tu, je joue à imiter avec la bouche tous les animaux du zoo, je joue à reconstituer tous les puzzles de la vie mode d’emploi, je joue de la cave au grenier, je jouedes onomatopées, je joue contre joue au bal de ma première boum, je joue du trombone et de l’ hélicon, je joue à l’idiot du village, je joue à murmurer la poésie d’octobreen vers démesurés.
à l’Osons Jazz Club de Lurs (Alpes de Haute Provence)
du vendredi 16 au dimanche 18 février 2024
Au fil d’une carrière déjà longue, Pierre de Bethmann n’a cessé de varier les approches, dialogues et divers échanges en trio, quartet ou même avec une formation plus étoffée de douze solistes dans Medium. Ainsi ne donne-t-il jamais l’impression de tourner en rond en façonnant son grand œuvre, renouvelant, prolongeant, intégrant ses projets dans une forme de continuité conceptuelle.
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Voici un musicien qui a un sens mélodique certain, qui prend grand plaisir à étirer le temps, à développer, amplifier ; il revient, il répète, reprend en boucle. Il ne suffit pas de la sacro-sainte grammaire des thèmes-chorus mais il ne déforme pas pour autant les lignes pour le plaisi, construisant un équilibre savant, complexe et précis sans se priver d’une véritable jouissance d’expression.
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À ce stade de l’histoire de la musique alors que tout ou presque a été dit, écrit, joué, il demeure excitant de se réapproprier des influences disparates, de donner des propositions nouvelles, retravailler la forme, la conception du rythme, les détails harmoniques. Et de trouver la juste place du passage à improviser alors que l’écriture est volontairement complexe avec de multiples ramifications où les solistes peuvent se glisser et s’intégrer.
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Pierre de Bethmann révèle ainsi de qui l’a toujours motivé et agi. Intelligence, énergie, intensité que son physique révèle. Cette flamme qui le consume, c’est le plaisir addictif de jouer.
LE TEMPS EST UN ENFANT QUI JOUE Oui mais sur le même fragment il y a une suite : le temps est un enfant qui joue en déplaçant ses pions : la royauté de l’enfant. Naturellement depuis le temps (2555 ans, à la louche), les penseurs (et certaines penseuses, dès l’époque des présocratiques, comme l’atteste Séverine Auffret : Une histoire du féminisme De l’Antiquité grecque à nos jours), ont retourné la phrase dans tous les sens. Comment comprendre l’a֠îon : temps, vie, temps de la vie, force vitale, existence, éternité, et comment le distinguer du temps Chronos que l’on mesure avec divers instruments, et du temps kairos, marqué par un événement, tragique ou comique, c’est selon. Et l’enfant, à quoi joue-t-il l’enfant ? Et de quel royaume est-il le Roi ? Joue pas avec mes nerfs, s’impatiente Béranger et Char rajoute : stop, arrête ton buisson de questions, qui nous étouffe, et va de l’avant. Je veux bien, les amis, mais d’abord en faisant un flash-back.
Le tout le rien parler se taire passer ou s’arrêter sur un nom une personne une voix un souffle Souffler n’est pas jouer Jouer aux jeux d’Alice au jardin des Temps suspendus 1 Au pays des mots et merveilles où toute forme nouvelle fait sens Alice Alizée Alice’s adventures in Wonderland Alice Lidellen barque sur l’Isis sur l’iris de l’œil de ce lapin à redingote qui court après son retard retard retard Regarde comme le tout le rien ont ouvert cet espace comme on ouvre sa peau où tambourinent mille échos de livres avec de petits signes sur chaque page Mr et Mme Page ont le plaisir de vous annoncer la naissance d’Alice Alizée Alizea Alisson Richards mais le faire-part hélas ne dit ni où ni quand une souris verte qui courait dans l’abécédaire l’aura rongé Ronger n’est pas ranger ses outils de jardin ses houes ses binettes ses fourches et fourchettes achetées à Leroy Merlin Merlin Merlin Tiens tiens ce sacré malicieux magicien Myrddin Merzhin Connaissez-vous le nom de son scribe ? Celui qui dit à sa mère de « ne jamais se mettre en colère et de garder une bougie allumée en permanence dans sa chambre » quand on écrit des touts et des riens et des longtemps je me suis couché de bonne heure pour bourlinguer parmi des rêves de voyages insensés les seuls qui donnent sens à « l’irrépressible bouillonnement intérieur » (ce doit être une citation)…Le scribe de Merlin vous l’aurez deviné s’appelait Blaise mais ce que vous ne pouviez imaginer c’est que ce soit lui qui fit naître Alice sur un ferry de l’East River un jour béni de Pâques à New York 2 où cent mille violoncelles annoncèrent la naissance de Mademoiselle Alice Liberté Chérie
1 Jacqueline Saint-Jean Les mots d’Alice 2 Blaise Cendrars Les Pâques à New York
Martigues 20 juillet 2022 une nuit où cependant que j’écrivais ce « tout ou rien » j’entendis le petit cri sorti d’un rêve de ma petite fille Alice Richards Dorio
Un poème est une durée, pendant laquelle, lecteur, je respire une loi qui fut préparée; je donne mon souffle et les machines de ma voix, ou seulement leur pouvoir, qui se concilie avec le silence. Paul Valéry
Souffler n’est pas jouer Souffler un pion sur le damier Souffler profession d’un souffleur de vers Souffler sur le cordon d’amadou pour rallumer sa pipe, sa vieille pipe en bois Souffler la fumée d’une Craven A Souffler sur les braises de ses tisons après avoir ôté les cendres de la veille Souffler le chaud Souffler le froid Souffler le siroco Souffler la bise imaginaire sur la cigale et la fourmi Souffler au poil le lièvre et dans les plumes de la perdrix Souffler à la figure les imprécations d’un personnage de Tragédie Souffler dans sa trompette coudée du Be Bop ou du jazz funk Souffler avec furie ses rafales de Mistral qui rendent fadas les Phocéens Souffler l’esprit joyeux de Mai sur le Boulmich qui descend vers la mer Souffler à Murano le verre en cristal de Bobo de Bohème Souffler sur les années perdues et les feuillets de Marcel disséminés au pied du lit Souffler sur un exemplaire dépareillé de Moby Dick Souffler comme un taureau mis à mort à las Ventas ou à la Maestranza Souffler sur cette page que j’ai composée de brique et de broque pleine de nostalgies et de futilités