" Je peins principalement mes cogitations, sujet informe, qui ne peut tomber en production "ouvragère"; à toute peine le puis-je coucher en ce corps aéré de la voix..."Michel de Montaigne
J'aimerais t'écrire quelque chose d'inéditUne ruse un pas de côtéComme font les poètesQuand ils accouchent sur le papierD'un rêve que nul n'a jamais faitMais l'horizon recule toujours plusD'année en annéeAussi en cachette pour que personne ne me voitJ'ai posé les chiffres de la multiplicationAvec ses retenuesComme je te vois encore le faireCertain soirOù tu imaginais des problèmesPour tes élèvesÇa fait exactementDeux mille cent quatre-vingt-dix joursQue tu as eu la ridicule idéeDe nous quitter25 mai 2020
Demain dès l’aube un enregistrement brut pour un chant improvisé en hommage à ma belle endormie 01/12/2017 8h53 Demain dès l’aube une autre version de ce poème sublime de simplicité de Victor Hugo plus actuel que jamais
26/11/2017 14h32
(si j’enregistre le titre en studio un jour quelle version préférez-vous ?)version 3 un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur 17/11/2017 20h39
Extraits de la lettre de Gustave Flaubert à Louise Collet
Croisset 23 janvier 1854 Nuit de lundi 1h
J’ai passé deux exécrables journées, samedi et hier. il m’a été impossible d’écrire une ligne. Ce que j’ai juré, et gâché de papier et trépigné de rage, est impossible à savoir. J’avais à faire un passage psychologico-nerveux des plus déliés, et je me perdais continuellement dans les métaphores, au lieu de préciser les faits. Ce livre, qui n’est qu’en style, a pr danger perpétu continuel le style même. La phrase me grise et je perds de vue l’idée. L’univers entier me sifflerait aux oreilles, que je ne serais pas plus enragé abîmé de honte que je ne le suis, qqfois. Qui n’a senti de ces impuissances, où il semble que votre cervelle se dissout comme un paquet de linges pourris ! – & puis le vent resouffle, la voile s’enfle. ce soir, en une heure, j’ai écrit toute une demi-page. Je l’aurais peut-être achevée, si je n’eusse entendu sonner l’heure & pensé à toi.
Quant à ton Journal, je n’ai nullement défendu à B. [Bouilhet] d’y collaborer. Mais je crois seulement : que lui, inconnu, débutant, ayant sa réputation à ménager, son nom à faire valoir, & mousser, il aurait tort de donner maintenant des vers à un petit journal. cela ne lui rapporterait ni honneur, ni profit. et je ne vois pas en quoi cela te rendrait service, puisque vous avez le droit de prendre de droite & de gauche ce qui vous plaît. – Pour ce qui est de moi : tu me comprends que je n’écrirai pas plus dans celui-là que dans un autre. à quoi bon ? & en quoi cela m’avancerait-il ? S’il faut (quand je serai à Paris) t’expédier des articles pr t’obliger, de gd cœur. Mais quant à signer, non. Voilà vingt ans que je garde mon pucelage. – Le public l’aura tout entier & d’un seul coup, ou pas. D’ici là, je le soigne. Je suis bien décidé d’ailleurs à n’écrire par la suite dans aucun journal fût-ce même la R. des Deux M. [Revue des Deux Mondes], si on me le proposait. Je ne veux ne faire partie de rien, n’être membre d’aucune académie, d’aucune corporation, ni association quelconque. Je hais le troupeau, la règle & le niveau. Bédouin, tant qu’il vous plaira. citoyen, jamais. J’aurai même gd soin, dût-il m’en coûter cher, de mettre à la première page de mes livres que « la reproduction en est permise », pr afin qu’on voie bien que je ne suis pas de la Société des gens de lettres – car j’en renie le titre, d’avance, & je prendrais vis-à-vis de mon concierge plutôt celui de négociant ou de chasublier. – Ah ! ah ! je n’aurai pas tourné dans ma cage pendant un quart de siècle, et avec plus d’aspirations à la liberté que les tigres du Jardin des Plantes, pour m’atteler ensuite à un omnibus et marcher trottiner d’un pas tranquille sur le macadam commun –Non, non – Je crèverai dans mon coin, comme un ours galeux. – Ou bien l’on se dérangera pr voir l’ours. – Il y a une chose toute nouvelle & charmante à faire dans ton J. [Journal], une chose qui peut être presque une création littéraire, & à quoi tu ne penses pas, c’est l’article mode. Je t’expliquerai ce que je veux dire dans ma prochaine. Il me reste à peine assez de place pour te dire que ton G. t’embrasse.
ILLUSTRATIONS
Fac-similé
Lettres de Gustave 23/01/1854
Réponse de Louise 04/04/2020
(brouillon de culture)
Gus Flaubert 23/01/1854 1 h du matLouise Collet pcc Jean Jacques Dorio 04/04/2020 4H DU MAT Flaubert à 50 ans photographié par Nadar fac-similés : enveloppe et signature autographe du maître romancier
« J’ai besoin que vous m’aimiez ». Si c’était phrase n’était pas écrite, ainsi, vers la fin de la lettre, on ne serait pas si sûr, de ce besoin d’amour.
Je la lis en aveugle, ignorant le nom de l’auteure. Car c’est une femme, mais, curieusement une seule phrase l’atteste : « Ah ! suis-je destinée à ce bonheur ». Sans ce petit « e », on n’en serait pas si sûr. Oui, l’identité de celle qui s’adresse au comte Adolphe Ribbing, flotte.
Entre le côté, je me livre à toi : « Te revoir, te revoir ! » et la face, disons, c’est le mot qui me vient, emberlificotée. On a même l’impression à certains passages qu’il y a un tiers qui s’immisce entre l’épistolière, qui ne paraît pas être son amante, et le destinataire.
Bon, mais quel intérêt me direz-vous de lire, plus de deux siècles après, cette « machine écrivante », cette expression plagiat anticipé de nos auteurs des années de braise du structuralisme, est en effet venue sous la plume de cette écrivante qui l’a en plus, se rendant compte peut-être de son effet d’hapax, soulignée.
Quel intérêt ? Eh bien celui de s’attacher à cet écrit unique, depuis un lieu dont on ignore la situation sur une carte de France, cet écrit vibrant d’existence.
Car, soudain, à force de patience et de s’obliger à ne pas « tourner la page », nous voilà pris au piège de cette humanité qui se dégage de l’ensemble, les mots, les lignes et la graphie.
Cette « madame » semble, par ailleurs, être reconnue pour ses talents d’écriture. Une écrivaine ?
Mais sa lettre tendre et inquiète, qu’elle adresse à celui qu’elle désigne d’emblée comme se moquant « de toutes ses funestes colères », sa lettre sans retenue, avouant ses faiblesses et le besoin insensé d’avoir quelqu’un de sûr sur qui s’appuyer, « je veux un guide », cette lettre se veut au-delà de cette « littérature qui me distingue »…
(la fin de ma page en A4 interrompt mon propos)
EXTRAITS
Tu as bien raison, mon unique ami, mon angélique Adolphe, de te moquer de toutes mes furieuses colères.
…Te revoir, te revoir ! Ah ! suis-je destinée à ce bonheur ? Mon sang s’arrête dans mes veines quand mon imagination si souvent funeste s’essaie un moment à me représenter que mon Adolphe ouvrirait la porte d’une chambre où je serais, que ce visage céleste éclairerait tout ce qui m’environne, qu’il serait là.
…Peux-tu être assez ridicule pour me demander de ne pas transformer mon ami en machine écrivante ?
Je t’abandonne bien toute cette littérature qui me distingue et je consens qu’Achille ne soit point Homère. Mais est-il une machine quand il écrit à son amie ? Mais est-ce un supplice pour lui de consacrer deux heures par semaine à lui éviter une grande peine, à lui donner un suprême bonheur ?
…J’ai besoin que vous m’aimiez ; toutes les preuves m’en sont nécessaires. Mais sous aucun autre rapport je ne veux influer sur vous, je veux un guide, loin d’en servir, et, parmi les mille et un motifs de ma tendresse pour vous, je compte cette fermeté de caractère sur lequel il me sera doux de m’appuyer.
QUI SUIS-JE ?
Maintenant je sais quel est le nom de l’épistolière et qui était Adolphe Ribbing ?
Essayez, vous aussi de la découvrir, mais si vous utilisez un moteur de recherche du web, le jeu n’en vaudra pas la chandelle.
Vous êtes autorisé cependant à aller y regarder après coup.
1 Pour le lecteur curieux quelques indices pour qu’il découvre, sans coup férir, le nom de l’honorable correspondante.
Une romancière effectivement, mais bien plus, une femme qui se distingue en écrivant des « livres essentiels pour le renouveau littéraire » (sic) des traités politiques et moraux.
2 Pour cette lettre écrite rappelons-le en 1794, Madame de. , fille du dernier grand ministre connu de Louis XVI avait…28 ans.
3 La présentatrice de la lettre précise que le destinataire, le comte Adolphe Ribbing, était un républicain suédois.
4 Mais ce cher comte vénéré fut tout de même partisan d’un complot qui aboutit à l’assassinat de Gustave III, roi de Suède.
5 Passion, passions, comme elles agitaient alors cette impeccable Romantique !
DÉVOILEMENTS
Germaine De Staël (1766-1817) écrit depuis Coppet (en Suisse près du lac Léman) au comte Adolphe Ribbing, un républicain suédois dont elle est amoureuse.
« De son temps, Mme de Staël avait « mauvais genre » : un mari, quinze amants, cinq enfants et, surtout, prétendant penser et écrire, comme un homme ! »
Extrait de son dernier biographe, Michel Winock. (2010) Le talentueux historien avoue que donnant ses cours sur les idées politiques de cette époque, il évoquait la fille de Necker, comme la seconde de Benjamin Constant. Une injustice.
Germaine de Staël, en effet, outre sa Correspondance, écrit plusieurs ouvrages majeurs et dans tous les « bons » genres cette fois : essai, De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, romans : Delphine (1802) Corinne ou l’Italie (1810), histoire avec sa grande H (Napoléon la tint 10 ans en exil) : De l’Allemagne, Considérations sur les principaux évènements de la révolution.
Fille des Lumières, « la raison qu’elle entend servir se conjugue avec l’enthousiasme et la mélancolie, ses sœurs jumelles, pour former ce mélange détonnant qui fait de la vie (et de l’œuvre) de Germaine de Staël, une matière toujours en fusion ». M.W.