VERS INUTILES DE PURE POÉSIE





-J’ai besoin d’une feuille noire.

Pourquoi donc ô poète

Quelqu’un t’a-t-il maudit ?





-J’ai besoin d’écrire ce dialogue impossible.

Espèce de poisson ondoyant de sommeil.





-J’ai besoin d’une page blanche.

Le temps d’un flux sur la grève.





-J’ai besoin de ce blog où l’écriture

ne sait sur quel pied danser.

-Comme les masques blêmes du néant ?





J’ai besoin que ces lignes me déplacent.

Mets sous la clef ce poème

Et n’en parle à personne.





-J’ai besoin de dire et de contredire

ces phrases d’un monstre sacré

qui ont glissé sur la page de ma nuit blanche.

Songe effaré Tout se lève

Tout retombe Tout a flotté.









25/01/2020

23h25





en italique le lecteur aura reconnu ces « vers inutiles de pure poésie »

nommés ainsi dans la préface des Orientales





« Inutile signifie ici : n’ayant de valeur qu’en eux-mêmes,

et par rapport à rien d’autre,

et d’autant plus chargé de prix ».





Paul Bénichou

Le sacre de l’écrivain

page noire et page blanche
dans l’espace ondoyant
d’une nuit

TOUTES CES LIGNES QU’AXISTENT PAS





Et puis zut un peu d’récré

Au fil des lignes d’une écriture

de raccroc Faut s’accrocher

aux derniers wagons de l’Aléa

Des citations à la Queneau

Un kidan assis coi sur un banc





À quoi qu’i pense le quidam ?

Au papillon de ses nuits blanches ?

À la queue du petit singe

qu’enfant il tirait sur le manège ?





I pense peut-être à la petite épouse

et à notre destinée

ce poème de Verlaine chanté par Ferré





I pense aussi hélas à la môme Néant

de Feu Jean Tardieu

Celle qui pense plus à rin

Celle qui fait plus rin

Et qui clôt toutes ses lignes

en disant

A’xistent pas !

L’ANCIEN JEU DES VERS

Pardonnez-moi de ne plus connaître l’ancien jeu des vers

                          Apollinaire





J’oublie le jeu subtil des vers

Les saisons de l’amour et leurs flammes

Les yeux clos de l’hydre univers

Le paysage fleuri de l’âme





J’oublie les êtres que l’on crée

Simplement avec une plume

Ou sur l’ardoise d’un doigt de craie

Enfant des barres et clairs de lune





J’oublie ma petite science

Lignes réglées sur le papier

Panier d’osier qui se balance

Au gré des fruits du citronnier





J’oublie ainsi ici ailleurs

Dans le jardin décapité

Où tu ne viens plus me tendre

Tes lèvres matinales





Toi que je ne veux oublier

LIGNES D’INSOMNIES

 

et vous ?
nourrissez-vous
vos nuits
de lignes
d’insomnie
 
et vous ?
pouvez-vous
décliner
vos noms
prénoms
sans rire
 
et vous ?
êtes-vous
paradigme
ou plutôt
aporie
 
et vous ?
embourbé.e
empêtré.e
ou bien
essence
pure
 
et vous ?
voyez-vous
vos pensées
comme
principes
d’incertitudes
 
et vous ?
regardez-vous
le monde
comme un fleuve
de boue
 
et vous ?
tenez-vous
la balance
du corps
et de l’esprit
 
 
et vous ?
vivez-vous
de fadaises
et de lettres
volées
 
et vous ?
tombez-vous
à tous les coups
du mauvais côté
 
et vous ?
continuerez-vous
après votre disparition
de vivre
dans le titre
d’un livre-objet
 
et vous ?
serez-vous
monsieur Plume
ou une voix sans Personne
 
et vous ?
serez-vous
ce silence
que d’autres
meubleront
 
  et vous ?
fourmilier
du grand llano
tatou
dont on fait les charangos
 
et vous ?
crevez-vous
d’un cancer
ou bien
d’indifférence
 
et vous ?
sautez-vous
dans le vide
de cette espèce
d’espace*
 
 
et vous ?
pouvez-vous
décliner
vos noms
prénoms
sans rire
 
et toi ?
hypocrite lecteur
mon semblable
ma sœur


 
 
italiques : Michaux, Tardieu, Perec, Baudelaire