JE SUIS NÉ PARTOUT OÙ J’AI COMPOSÉ DES POÈMES





JE SUIS NÉ PARTOUT OÙ J’AI COMPOSÉ DES POÈMES





Poète est le travail de toute une vie.

On s’y attelle avec le rythme, les cadences,

les histoires réglées sur du papier musique

ou qui tombent à l’eau par incapacité.

Les poèmes apparaissent sur la scène d’un théâtre,

sur un bout de papier vite envolé,

et quand ils sont lus par un plus grand nombre,

ou c’est naturellement,

ou c’est dans le conflit des interprétations.

Les poèmes font les poètes,

comme l’ouvrage, l’ouvrier.

Ils s’écrivent sous l’empire de la colère,

de l’alcool, de la poudre d’escampette.

Ils s’écrivent à jeun, dans la blancheur des nuits,

les musiques douces, les sirènes de New York,

dans le flux et le reflux des mers, des fêtes et des deuils.

Ce poème qui n’en est pas un, fut initié ce jour premier juin,

à midi, dans mon hamac…





mais pour tout dire,

car je ne manque pas de mots,

je suis né partout où j’ai composé des poèmes.

Dans le village de La Bastide de Besplas,

à la faculté des Lettres de Toulouse,

à l’école normale d’Auch, à Arreau,

à Cazaux Débat un village perché sur la Neste du Louron,

au moulin de Jézeau, à Ancizan-Babel,

c’était le nom du collectif de poètes qui se réunissaient

autour des gigots d’agneau qui cuisaient à la ficelle

devant la haute cheminée de briques rouges,

dans une tour à Caracas,

et assis sur une tortue morocoy devant une case collective d’indiens panaré,

dans un hôtel de la Havane et à Jibacoa, une petite crique cubaine,

à La Bugade d’Avignon pendant les ateliers d’écriture

que nous inventions l’été 1980, avec le Groupe Français d’Education Nouvelle,

à New York, en 1976 dans les clubs de jazz du Village,

puis en 2008, chez ma fille à Astoria,

à Barcelone sur les Ramblas et dans le restaurant des Caracoles,

en Andalousie, à Cuevas de Almanzora, à Pallos, à Moguer,

au Prado de Madrid, dans les musées de Washington,

au Moma devant un tableau de Joë Bousquet peint par Dubuffet Traduit du Silence,

au Met, chez Guggenheim,

devant le Parthénon un matin où j’avais couru

pour rester royalement 5 minutes entouré des seuls chats squattant le temple,

à Berlin pendant 2 concerts à la Philharmonie,

à Paris rue de Suez et dans tous les bistrots du Marais ou du Quartier latin.





Et j’en oublie, j’en oublie, j’en oublie.

Et maintenant, je ne bouge plus.

Tous mes poèmes proviennent d’un même lieu

qu’il me faut sans cesse transfigurer,

imaginer ailleurs,

si je ne veux les laisser un à un, mourir et m’enterrer.





UN DICTIONNAIRE À PART MOI
patchwork in progress

LA BRANCHE DONT JE SUIS ISSU

la branche dont je suis issu

Ma vie comme dit l’autre il a bien fallu qu’elle commence De l’intra-utérine rien ne dirai bien des frères de plume s’y sont risqués mais leur traité m’ont toujours ennuyé car pour parler de nos parents et des parents de nos parents point n’est besoin de commencer par l’œuf de Colomb ou la ficelle du père Adam Je naquis donc une nuit de mars à 5 heures du mat si j’en crois le livret un vingt-quatre 45 jours avant l’armistice du 8 mai c’est le docteur du village voisin qui vint ma mère délivrer dans la chambre de notre maison donnant sur la place de l’église de La Bastide de Besplas Ariège ma mère Suzanne avait 31 ans mon père Noël 33 Il s’était évadé d’une ferme allemande en 42-43 (faut que je vérifie j’ai enregistré son récit) Noël Dorio avait été élevé par ses grands-parents -la guerre de 14 ayant décimé ses père et oncles et par « ricochet » sa mère – dans une ferme propriété d’un maître débonnaire d’ailleurs et qui prit soin à la promotion du petit orphelin En épousant Suzanne tous deux devinrent propriétaires de quelques hectares de terre qu’ils firent vaillamment fructifier avec une paire de bœufs pour labourer quelques vaches pour les veaux et le lait vendu aux habitants du village cochons poules canards et la petite vigne pour la piquette de l’année le blé donné au boulanger en échange des « marques » qui désignaient un petit bout de carton que l’on échangeait contre un gros pain de campagne – comme il se doit –  bref si vous avez tout lu vous avez songé à la liste de Perrette et du pot à lait

UN DICTIONNAIRE À PART MOI
Patchwork in progress
Une autre manière de l'écrire en octosyllabes

L'ART DU BOUSTROPHÉDON

Où je suis né on me l'a dit*
Mais ceux-là même sont partis
depuis longtemps hélas. Mon père,
ma mère, essentiellement. 
 
Dans une maison de village,
face à l'église qui sonnait
mâtines, midi, l'angélus.
Personne ne s'agenouillait.  
 
Ma rue - je ne sais plus son nom -
Traversait alors la commune,
Je la quittai bientôt pour une
autre, dite du pré de long . 
 
C'est là que j'appris à courir,
Mes genoux portaient la couronne,
Petit Poucet rieur offrant
Miettes d'enfance au royaume.  
 
Mes parents étaient paysans.
Pas un sou mais quelle richesse :
Lait veau vache cochons couvées
Blé maïs et pommes de terre.
 
Quelquefois je guidais les bœufs,
Mon père faisait ses sillons,
Qui aurait dit qu'il me montrait
Ainsi l'art du boustrophédon : 
 
C'est tourner d'une ligne à l'autre
Le sillon égale le vers.
Lui semait le blé dur, l'épeautre,
Mon champ est plus imaginaire. 
 
Je le sais mais je persévère.
 
*Georges Perros (Une vie ordinaire)
après les boustrophédons
origine du « vers »
qui s’écrit de gauche à droite
puis verse de droite à gauche
l’écriture de caractères
que je pratique
de haut en bas
un exercice de
calligraphies sans clé
sinon l’alpha du feu et du refus
Une des phrases de Jacqueline Saint Jean
Poète avec laquelle nous fîmes un livre
Brasier des ombres



NAISSANCE D’UN POÈME

manuscrit
ce 13 avril 2020

écrit de minuit à 1h45

Mes écrits ne connaissent aucune certitude qui me satisfasse à moi-même

Aussi ne fais-je pas profession de savoir la vérité ni d’y atteindre

J’ouvre les choses plus que je ne les découvre

Pierre Bayle (1647-1706)





J’écrirai le mot fin comme arrivé au port

Cette fin n’est autre qu’un recommencement

Raymond Queneau (1903-1976)





Naissance d’un poème

C’est bien prétentieux

Alors disons d’un texte

Un tissu une pièce

Que les mots vont filer





Celui-là déjà marche

On le voit progresser

Une illusion optique

Sur cette horloge blanche

Aux aiguilles arrêtées





Ça reprend par gambades

Hésitations d’un temps

Mouvements sans boussoles

Ça fait un peu ronron

Ponge eût été ronchon





On ne sait qui l’écrit

On ne sait qui le pense

À petits vers comptés

Sans souci de la rime

Ou du sens à donner





C’est une parenthèse

Une lexie banale

Évitant les effets

Les excès nombrilistes…

Le voilà achevé





Non ce n’était qu’un leurre

Achever je ne sais

J’ouvre au hasard mes lignes

Ouvrir passer se perdre

Et ne rien regretter





13/04/2020

commencé à la main autour de minuit

dernière ligne à 01h45

recopié sur le clavier

avec deux mots changés

ON FAIT TOURNER LE MONDE

 

ON FAIT TOURNER LE MONDE en 365 poèmes par an
Touriste à Paris des Passages inspirés
Photographe à Martigues de mon petit bois de pin
et à Aix en Provence de la Fontaine des Quatre Dauphins
 
On m’a dit que j’étais né dans une petite maison
située sur la place de l’église d’un village de l’Ariège
 
On fait tourner les jours du monde dans la péninsule arabique
en feuilletant le livre d’un poète amateur de Genèses
 
La mienne commencée au printemps 1945
se poursuit dans la bonne humeur
dès que chaque matin je remonte la lampe martelée
de ces griffes d’or et de l’humus nécessaire
à faire se lever les textes du désir…dans le désert
 
 
 
 

PUISQUE TOUT SE TRANSFORME





PUISQUE TOUT SE TRANSFORME

Frayer encor avec les Romains lettrés, écrivant poésies, – avant J.C – « Ainsi rien ne périt malgré les apparences Puisque tout se transforme Et que toute naissance en ce monde a besoin du secours de la mort »

« Petit moineau, délices de Lesbie », becquetant les doigts de la Belle.

Jouer encor de nos chants alternés, avec les Dieux enfuis, comme pour prolonger ces impossibles souhaits : « Essayons par magie de guérir, de séduire ».

Avant que ne nous happe, notre lyre brisée, la gueule de ce monstre, qu’un poète, déjà, nomma la bouche d’ombre.

avec Lucrèce, Catulle, Virgile, Properce.

manuscrit premier jet
fond : aplats d’acrylique, « hypnographies » encre de Chine
Dorio