Ainsi toute ma vie jusqu’à ce jour aurait pu et n’aurait pas pu être résumée sous le titre : une vocation.
Marcel Proust (Le temps retrouvé)
Il est un jour proche où je vais fermer la porte à toute poésie nouvelle dûment estampillée par les revues « à l’ancienne », qui continuent ici et là à paraître, telles des phœnix de papier, contre vents et marées.
J’en ai assez
J’en ai trop
Dans mes tiroirs
Mes abris de jardins
Mes planches de hêtre
(et mes anciens frigos)
Il est un temps pour cueillir
(lire vient de legere :
cueillir par les yeux)
il est un temps pour faire le tri
brûler, jeter, donner, oublier
et faire le départ
entre les lectures qui nous maintiennent dans les ténèbres
et celles, à la semblance de l’amour,
qui sont plus fortes que la mort.
Phœnix n° 37 vient de paraître
Tag Archives: phœnix
TOUT EST MU PAR LES MOTS
Et la mer et Homère tout est mu par l’amour Qui écouter ? Homère a fait silence Et la mer noire harponne, mugissante, Et vient à mon chevet avec un fracas sourd. Ossip Mandelstam (1891-1937) Tout est mu par les mots Paysage, mer, cœur, voix, silence, feu, Et leur fracas sourd Leur rumeur qui vient jusqu’à mon lit Taillé comme une barque. Paysage d’un conte ou un comte perd la vie au col de Roncevaux Mer je me souviens d’y avoir plongé (j’avais vingt ans) à Sounion le saint cap d’Athènes Cœur naviguant à l’estime à travers les phrases qui me sont autant d’amers Voix d’Homère traduite par ce poète suisse Qui résida sur Terre à Grignan 1 Conte-moi, Muse, l’aventure de l’Inventif Silence « terrible, singulier » Comme des somnambules Ce noir illimité 2 Feu enfin où Phœnix renaît Du désert et des cendres Comme cette page écrite Sous les rayons d’une lampe de chevet 1 Philippe Jaccottet l’Odyssée 2 Baudelaire Les aveugles
AH! CE BLOG QU’IL FAUT ALIMENTER

AH ! CE BLOG QU’IL FAUT ALIMENTER !
Celui-là je le fais en douceur
Je l’écris hors service
– Ah! ce blog qu’il faut alimenter! –
Celui-là je le laisse aller
Ce sera un récitatif improvisé
– Tout sur l’écran Rien sur le papier! –
Il n’a pas de faveurs particulières
Mais un raccolage de mots
– Tiens! il ne faut qu’un c! –
Ah! oui c’est plein d’exclamations!
De ces points qu’affectionnaient
Hugo ou Racine
Ô Seigneur! disait l’un
Ô ciel! répétait l’autre
Et maintenant que dire?
Hélas! dit Bérénice
Et maintenant que faire?
Brûler Phœnix…
et s’envoler!
ESQUISSES D’UN HOMMAGE
Le réel qui importe Se contente de l’esquisse De l’ébauche souriante
André Ughetto
1
SON CORPS DE MOTS
Le poète a mis tout son cœur son corps de mots
épars sur les schistes Les doigts poisseux du bois
de pin L’aveu du sang La page d’une vierge
que l’on feuillette par hasard dans un recueil
dépenaillé Le poète ce fils de rien
les doigts encrés sur la présence agissante
de Phœnix fauve noir des poèmes premiers*
*var. derniers
Martigues 9 juin (ardente lyre) 2020
2
QUI SAIGNE SIGNE
le titre d’un livre d’André Ughetto
(Sud-Poésie Marseille 1990)
Qui signe saigne
C’est le signe du sens
et du non-sens
C’est le passage du Mat
sur la roselière
de nos rivières
La tienne la Sorgue
La mienne l’Arize
Qui saigne signe
Nos étranges morts
Phœnix en filigrane
Sur le papier qui frise…
(la suite manque)
Martigues 9 juin 2020
3
UNE VIE SOUS LE DON DE L’AMITIÉ
Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui.
Paul Ricœur
Écrites à nos mains, comment distinguer
dans nos écrits sur soi,
ce par quoi nous sommes faits
et ce qui nous défait ?
Le rouge est mis sur nos biographies
Toi André tu les dédies à Daniel, Yves,
Jean-Jacques (c’est un autre)
Marie-Christine (pas celle de Nougaro),
Anne-Marie, Christiane, et jusqu’à cette Sybille
qui finit cigale à Cumes.
Que de passes, passages peints,
comme écrivait Michel de Montaigne,
le seul ami que nous avons en commun.
Tes instants de vie bien à toi,
passent dans les fleurs, qui s’arrondissent en fruits
sur une toile de Madame Jaccottet.
Devant le tableau d’un autre,
tu fais état d’une joie « d’inconnaissance pure ».
Ce qu’un autre, en présence du jaillissement
des maîtres poètes-calligraphes de la Chine ancienne,
nomme « éloge de la confusion ».
Tu nais et renais, des images glanées dans un aéroport,
sur des ailes de papillons, mosaïques et jardins imparfaits.
Tu nais dans l’orchestra d’un théâtre antique,
arpentant les gradins, les travées d’une « une foule jeune »,
une folle messe de rôles échangés,
sur les scènes plantées à l’Isle sur la Sorgue,
ou à Ludlow, Shronshire.
(Ça je le recopie d’une de tes pages, bêtement,
comme si j’étais l’idiot de Shakespeare,
sans qui le Roi n’existe pas.)
Assembleur, assembler depuis les « pupilles du crime »,
jusqu’au « rapt de Proserpine »,
des chars du sinistre occupant, fuyant Charleval,
au vélo de Tati tournant ces « Jours de Fête ».
Assembleur, assembler « quercis suber » avec « Kether »
au sommet de « l’arbre séphirotique ».
J’en dis pas plus et je m’efface, invitant tout lecteur
et lectrice qui t’ignorent encore, à plonger sans retenue,
dans l’ouvrage qui vient de paraître,
« de temps en temps bien admirer est hygiénique ».
Martigues 10/06/2020 3 poèmes « en cours »
*André Ughetto (Le Nouvel ATHANOR)
Collection « POÈTES TROP EFFACÉS »
