
hypnographies dorio 25/11/2022

Jean Jacques Dorio Un poème inédit par jour

hypnographies dorio 25/11/2022

Le premier mot que je lis cette nuit est « passé ».
Il passe sur les ailes des moulins du Quichotte. Il retrace le parcours de la ciguë, des pieds de glace jusqu’au cœur, dans le corps de Socrate condamné pour avoir corrompu la jeunesse athénienne. Il excelle dans la liste des épées qui peuplent les romances médiévales : Gram, Durandal, Joyeuse ou Excalibur, si j’en crois un ferrailleur de textes provoquant maintes estocades.
Passé simple, passé composé, passé antérieur.
Nous passâmes une nuit près du Cap de Bonne Espérance.
Nous avons passé un temps fou à réécrire les Mille et une nuits, pour notre Bien Aimée, luttant en vain contre Méchant Cancer.
Et quand nous eûmes passé le temps d’une vie à tourner et retourner notre Livre de Sable, à alimenter en eau des Gaves la Clepsydre de notre Jardin Imparfait, nous décidâmes une nuit de septembre d’envoyer un courrier à l’Hydre Univers, pour lui dire que notre temps était venu de « tordre » à notre tour, notre corps « écaillé d’astres ». 1
Ainsi Passé qui fut, sera l’illusoire Présent que traça cette plume, perdue dans les miroirs et les mirages d’un Temps immémorial.
1 L’hydre univers tordant son corps écaillé d’astres. Victor Hugo
Plume
pendant que les gens dorment, ou essaient de dormir, je remue ma plume en tous sens. C’est comme une longue maladie après laquelle on trépasse. Mais on ne dit plus ainsi, le verbe « trépasser » semble désormais faire peur à ces mortels que l’on qualifiait au temps des dieux d' »heureux ».
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

Jour après jour
S’en vont les jours
Nuit après nuit
Passent les nuits
Jour et rejour
Nuit et renuit
Faire et refaire
Deux fers au feu
Et laisser dire
Dire et redire
Passer le temps
D’un jour sur l’autre
Faire un présent
À ses copains
À ses copaines
Un mot qui fourche
Une rengaine
En ut mineur
Sur le piano
Et ses bretelles
Autour du cou
Autour des cœurs
Sur le carreau
Où l’on impro
Vise la nuit
Cette écriture
Soufflerie
Que les copistes
Du parchemin
Vont reproduire
Et transformer
En palimpseste
Nuit après nuit
À la chandelle
D’une bougie
Qui fait bouger
Nos certitudes
Sur le papier
Accordéon
Avec arrêt
Prolongé
Par Husserl
Le phénomo
Logiste
Nonobstant
Ce seul présent
Cadeau du temps
Correspondances
Plumes en l’absence
De nos épîtres
Pour clore enfin
D’un coup de langue
L’enveloppe
De nos mémoires
Et ce chapitre
Petit poème deviendra grand
Si le lecteur lui donne vie
Si la lectrice qui le lit
À Paris ou à Montferrand
À New York à Honolulu
Répercute sa plus-value.
En le disant, en le lisant,
Un peu, beaucoup, à la folie,
En l’intégrant dans les machines-
à-rêve de Jean Tinguely.
Petit poème, ce « présent »,
Cadeau fragile d’une vie
Menacée par temps de Covid,
Par tant d’oublis des mots qui riment,
aimables, vulnérables,
Amis d’un monde générant,
à petits traits d’encre et de plumes,
l’amour, qui après la souffrance,
nous dure.
Tous ces mots en tension…
impossibles à traduire…
C’est la catha la catharsis
La purge des pensées mauvaises
C’est la cata la catastrophe
La tragédie de nos aïeux
Chocs verbaux et dés pipés
Añoranzas Saudades
« La nostalgie du présent »*
Dont je te fais « présent »
Tous ces mots employés à tort
et à travers
Sur la place publique
Le cirque médiatique
Les réseaux pervers de l’internet
Mais que l’on goûte, savoure, rumine,
Chez les poètes qui font sonner le sens
Sur des pages fragiles
Que personne plus ne lit
*La nostalgie du présent
JJ Dorio
Encres Vives 467°