UN TEXTE À REMBOBINER

Pâle lune du matin semblable à une méduse Je note limage sur mon carnet avant de me rendormir La nuit fut voyageuse en des mondes dOdyssées Les pérégrinations dUlysse Les merveilleuses découvertes dAlice Le mythe du chemin des Indiens morts recueilli par Compère Perrin 1  

Avant de massoupir jai eu le temps de raviver les braises dun feu de branches soutenu par quelques souches de mon olivier qui na pas résisté à la sécheresse de lété Jai revu ce faisant le foyer de la forge où le maître des lieux (« le faouré ») préparait les fers rouges puis blancs, afin den chausser les bœufs tenus par des sangles au « Travail » Ça sentait la corne brûlée, non la corne de brume doù émerge mon radeau de survie de limagination poétique : épilobe, oxalide, phalaris, trois mots rares épinglés pour les écrire à lencre de Chine sur un papier bible, fin comme le papier cigarette que jachetais naguère en demandant au buraliste : un Job sil-vous-plaît.

Il était pauvre comme Job, elle a remis sa rob Cest lévocation de ce pauvre vieux assassiné dans la chanson du père Brassens parce quil navait pas un sou vaillant à donner « à une de vingt ans » dont il avait demandé les faveurs Assassiné Assassinat Ah ! Ça ira ça ira ça ira dit la Carmagnole, une femme qui haïssait Madame Véto Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole Un retour de printenps pour une Révolution commencée dans la Joie terminée dans le Sang des têtes tranchées

Mon texte lui aussi est en train de perdre sa tête filant son mauvais coton Un bon prétexte pour le boucler mais sans se défiler Il tappartient lecteur de réenrouler la bobine

COMPÈRE PERRIN : COMPADRE  

Avoir pour ami un « ethnologue, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’EHESS, dont les travaux portaient sur la mythologie, le symbolisme et le chamanisme (entre autres) » et qui m’envoya, sitôt sortis, tous ses livres, m’a permis de lire une abondante littérature spécialisée. Il est vrai, qu’au début il lui arrivait de me dire les indiens nous pardonneront, phrase à méditer, mais qui, en l’occurrence, rappelait les liens personnels que nous avions tissés, « sur le terrain », allant tous les deux au printemps 1971, à la rencontre de nos premiers « sauvages », les indiens « Panarés » vivant principalement dans l’état Bolivar du Venezuela. Ils nous avaient accueillis alors que, en train de danser et chanter, ils pratiquaient le rituel de la récolte de la canne à sucre. 

Cette nuit, je consulte son « dictionnaire comparé de Sciences Humaines » (écrit à quatre mains), qui au fil des pages me donne l’étrange sensation d’être à mon tour ce sauvage « acculturé ». Mais, enfin, découvrant l’article « Compadrazgo », ce rituel fréquent en Amérique du Sud, me ramène à nos relations personnelles, puisque nous devînmes « Compères » quand il eut le bon heur de me demander d’être le « parrain » d’une de ses filles. 

Michel Perrin (1941-2015) : Le chemin des indiens morts, Les praticiens du rêve, Le chamanisme, Tableaux Kuna, Voir les yeux fermés, Visions Huichol.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

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CONFIDENCES D’UN MÉCRÉANT


Je ne me suis jamais rongé les ongles
Je ne me suis jamais étendu sur un divan
Je ne me suis jamais couché de bonne heure
Je ne me suis jamais surpris à me rouler les pouces
Je ne me suis jamais dit qu’il fallait que je me secouasse les puces
Je ne me suis jamais pris les pieds dans un tapis de Casino Barrière
Je ne me suis jamais incliné devant SAS 1

Je n’ai jamais crié en mer SOS
Je n’ai jamais écrit un roman commençant par 
Aujourd’hui maman est morte
Ou peut-être hier 2
Je n’ai jamais eu la foi du charbonnier
Je n’ai jamais tué, jamais violé non plus 3
Je n’ai jamais imaginé Sisyphe heureux
Je n’ai jamais couru deux lièvres à la fois
Je n’ai jamais signé un livre à la Foire de Francfort

Je l’affirme mais -sait-on jamais- je ne le signe pas

1 Son Altesse Sérénissime 2  Albert Camus L’étranger 3 Georges Brassens Le Mécréant

MARQUISE






-Alors Madame la Marquise
Vous sortez toujours à cinq heures du soir
Et tout va toujours très bien ?
-Faut croire cher Monsieur
Puisque vous l’écrivez.
-Et faut-il toujours croire ce turlupin
Qui prétendait sur l’air des lampions
Madame la marquise m’a foutu des morpions !
-Un plaisantin ce monsieur Brassens
C’était juste un coup de trompette
Pour exciter le peuple et les folliculaires
-Ah ! la la ! et ce vilain Corneille
qui sur ses vieux jours crut vous séduire
en prétendant que vous alliez vite faner
comme les roses de Ronsard.
-Tous deux ont trépassé mon cher
Et moi je me porte toujours comme un Ange.

L’AIR DE RIEN





l’air de rien 
refrain connu

l’air venu
j’enchaîne les paroles

l’air le feu
le souffle du fluide gazeux

l’air la brise
que brisent ifs et cyprès

l’air qui donne
cet air de famille
d’une liste à la Prévert

l’air sur l’aire
qui sépare le bon grain
de l’ivraie

l’air délivré
par ce pauvre hère tuberculeux

l’air de Corbière
poète maudit
mort à trente ans de phtisie

l’air de Tristan
à sa jument Souris
à Sir Bob
à son chien Pope

l’air de Titan
satellite géant de Saturne

l’air de Saturne
morne et taciturne
du père Brassens

l’air d’un vanneur de blé aux vents 1
cependant que j’ahane
cet air oublié
que je te chantais


1 Joachim du Bellay

AU RYTHME DU CINÉMA MUET





Rythme poétique et saccadé
(comme au cinéma muet)

Tentative de déchiffrer l’informulé
(selon Charles Baudelaire)

Images fantasques passées comme le couteau
(sans manche auquel il manque la lame) 1
à la meule à eau symbolique

Images forgées par mes chers amis Montaigne et Brassens
Pour essayer d’oublier leurs coliques néphrétiques

(pour Georges soudain la lune écoute aux portes 2
et c’est vivre à propos qui importe à Michel)

Le reste de mon propos manque…
(ou c’est, qu’à la lettre, il s’est volatilisé)

1 Lichtemberg  2  un roman de Brassens autoédité à 50 exemplaires en 1947