AUGUSTE RETRAITE QUE RIEN NE T’ARRÊTE

QUE RIEN NE T’ARRÊTE AUGUSTE RETRAITE

-Alors, qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? – J’ai beaucoup écrit sur différents formats, de diverses manières, multiples inspirations. Écrire est avant tout une pratique : explication, exécution, mise en action des règles, des principes d’une science, d’une technique d’un art, par opposition à la théorie. Et plus particulièrement l’art en question, l’Écriture, a besoin de ce petit instrument fragile et subtil, naguère un porte-plume, aujourd’hui, en ce qui me concerne, une pointe fine, qui réclame qu’on la manipule avec légèreté. Une pratique sans intention préalable de rencontrer un lecteur, si ce n’est le lecteur de soi-même Proust, exerçant un rituel d’actes répétés aboutissant à une page dont la reprise le lendemain depuis le clavier de l’ordinateur, donnera une nouvelle copie, « au propre » désormais, tant la conversion numérique facilite la tâche. (Entre parenthèse, quel plaisir ce fut d’acheter ma première machine à écrire et que de ratages, de cris et de chuchotements, quand les touches se coinçaient, les rubans se déchiraient.) -Allez, trêve de mise en perspective, donne-moi s’il te plaît, une petit bout de texte qui est sorti de ta pratique. –Retour en grâce du stylo qui écrit tout seul sur la grande page de l’insomnie heureuse, dans un temps qui paraît continu mais qui n’est que sauts et gambades (…) en parlant ainsi au papier ma main que Nature a fait vieillir se donne l’illusion d’un retour à Jeunesse « Je me suis dit laisse Et qu’on ne te voie Et sans la promesse De plus hautes joies Que rien ne t’arrête Auguste retraite Rimbaud Chanson de la plus haute tour

VIEILLESSE

Plus la vie pèse en son old age
Plus c’est la dèche
Avec le temps
Chansons, poèmes du dernier round
Font dans le Noir,
Le « las ! » l’ « hélas ! ».
Regrets, complaintes,
Ces lieux communs 
du soliloque de Vieillesse.
Mais non
Cent fois non
Sus aux glaçons !
Place à l’humeur malicieuse
Qui sied à ceux et celles
Qui font de leur Retraite
Dans leur dernier carré,
Exercices quotidiens
De légèreté.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

L’OUBLI LE BEL OUBLI

À mesure que je vois
J’oublie j’oublie
J’oublie tout ce que je vois

Jean Tardieu


En retrait et en tension au seuil de cette écriture aussi fragile soit-elle

Retrait au sens premier puisque désormais après 40 ans de labeur tu touches ta pension

Retrait mais non « retraite » mot traitre qui semble indiquer que le combat est bel et bien terminé

En retrait et en tension mais avec « deux de tension » selon la moquerie

À d’autres les ô et les ah ! lyriques de l’excitation factice

Non, ici, tension détendue attentive à tout ce que l’on ne saurait dire qu’après un long détour où l’on active,
l’âge venu, 
une faculté décriée :

l’oubli le bel oubli.


LE CORONA DU CORPS HONNI





Le corona pour moi

Ça change rien de rien

Il y a longtemps que j’vis

Ma retraite en retrait

Depuis que le cancer

A tué ma moitié





Le corona pour moi

C’est du pipi de chat

Sur du rhododendron

Un caillou sans cervelle

Du boudin sans son sang

La charrue de mon père

Tranchant les courtilières





Le corona du corps honni

J’m’en lave les mains
Même si je meurs demain

J’aurai bien ri

Du corona

Du corps honni


	

À L’HEURE DU CORONA

À l'heure du corona
De la débâcle
de la Nature
Crise du cinéma
et brouillons de Culture
Je laisse à d'autres
le pire
Occupant ma retraite
au meilleur
L'autre vie
sans télé sans ouature
avec juste ce qu'il faut de vent
pour semer mes graines de poèmes
C'est tout un sport !
la main écrit
semant ses spores
C’est tout un sport