AU TRAVERS DE MA NUIT

Je ne vois plus le jour
qu'au travers de ma nuit

Je ne vois plus la nuit
Que comme un jour sans fin
Toujours en mouvement
De rêves en rêveries
Les images me fuient
Les images me font
Un corps de magicien
Un corps écartelé
Qu'un poème parvient
À rassembler parfois
Et d'autrefois je laisse
Aller le pur hasard

l'amorce en italique est de Jules Supervielle




SOIS LE LÉGER L’AILÉ

SOIS LE LÉGER L’AILÉ


Au dehors c’est bruit et fureur
Guerres en Ukraine à Gaza
Crânes éclatés enfants gazés
Putine le massacreur fêté
Par des Russes soumis
En mode servitude volontaire
En France c’est la quasi guerre civile
L’extrême droite la plus ignare
Pour nous gouverner
Est adulée par le peuple-las
L’extrême gauche révolutionnaire
Est toujours agitée par les fantasmes
Du passé faisons table rase


Tout en prenant garde à ces ouragans mortifères
Je laisse la maison Poésie
Ouverte aux quatre vents de l’Esprit
Je continue à donner cours
À contre-courant
À mes affinités secrètes
Rêveries nourries par Bachelard
Ou Reverdy
Conversations fleuries
Près de la fontaine
Où l’on meurt de soif
Ballade des pendus
Dormeur du val


Je continue Lucrèce et Épicure
Le clinamen de Nature et les atomes
Qui se cherchent et qui s’aiment encor
Je recopie et j’apprends par cœur
Maints vers oubliés :

Ensuite en sa verve d’artiste
Laissant tomber l’épais velours
Dans un nuage de batiste
Elle ébaucha ses fiers contours


Je lis Hugo grand-père
Croyant aux enfants
Comme on croyait aux apôtres
Moi qu’un petit enfant rend tout à fait stupide
Et j’en ai quatre
Mathis et Alice
Les deux perles jumelles
Ambre et Jade
Et un cinquième rejeton à naître

Art pauvre
Art maigre
Art poétique
Que le monde néglige
Art dispersé aux quatre coins
Des rues et des ateliers
Art de s’endormir papillonnant

Dans un dialogue de Tchouang Tseu
Art du parti pris des choses
Compte tenu des mots
Art des autans et des bises
Du marin du mistral
Et de l’Harmattan
Arte de zeffiro torna
De Claudio Monteverdi
Art des Vanités
Vendues trois millions de dollars
Chez Sotheby’s
Art des Donquichotte
De mon ami Brugeilles


Art de l’Apollon de Callimaque :
La victime du sacrifice doit être aussi grasse que possible
Mais toi garde la Muse mince
Sois le léger l’ailé

Martigues 19 mars 2024


ON PEUT TOUJOURS RÊVER

lecture à haute voix d’un rêveur qui s’efforce de rester éveillé

On peut toujours rêver sur les rives de la mer noire sur les pages blanches d’un certain Monsieur Plume sur les rêves éveillés d’un autre que soi qui aurait pour nom Ovide ou Michaux

On peut toujours faire abondance d’images orageuses de propos de tavernes et de chercheurs d’étoiles qui peignent les comètes

On peut faire d’écriture mouvement et méditation sur le monde sans fin sur la langue que tel un fourmilier du grand llano l’on déplie sur le soi dont l’assise est à réinventer

On peut toujours faire l’écart de côté d’un haïku débridé être grenouille libellule papillon qui rêve de Tchouang Tseu faire plouf comme dans la cour d’une école où l’on jouait aux barres à la marelle et à passez pompom les carillons

On peut toujours ouvrir les portes ou les fermer être cette persona non grata dans la cité du poison des publicités

On peut toujours rêver avec Métis la Ruse avec Mathis et Alice les enfants de nos filles qui furent elles aussi enfants avant que d’être mères

On peut toujours se baigner dans les prophéties d’un vieil héros de l’Odyssée qu’aucun prétendant n’apprécie

On peut toujours boucler cette correspondance d’un autre âge en évoquant l’enfance de l’Art et les tables tournantes de personnages de romans qui alimentent nos belles rêveries

1° juillet 2022

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

C’EST QUOI CETTE FOLIE ?





Et de ceux qui le soir avec un bâton blanc
Tracent des cercles sur le sable

Victor Hugo
Les Orientales


C’est quoi cette folie
Comme un fruit défendu
C’est une poésie
Arrêtée suspendue

Elle est orientale
Traçant des cercles sur le sable
Comme un fruit à l’essai
Est-il vert est-il mûr ?

C’est une poésie
Sur les lèvres endormie

Sur le jardin d’hiver
Brumeuses rêveries
Que nul fil ne relie

UNE NUIT SANS SECRET N’EST PAS UNE NUIT





C’est à vous qu’elles vont mes lentes rêveries
Et de mes pleurs chantés les amères douceurs

Marceline Desbordes-Valmore 
(1786-1859)


Une nuit sans secret n’est pas une nuit
(pour faire alexandrin, il manque une syllabe)

Une nuit où l’on rêve avec Robert Goffin
Délivrez-moi des poètes qui pleurent 
écrivait-il

Qui pleurent dans leur cœur
Leurs amères douceurs

Puis il se rendormait le corps en chien de fusil

Une nuit sans secrets partagés n’est pas une nuit