-Commencez sans moi dit Socrate qui s’arrête de marcher qui a besoin de réfléchir sans bouger à une question qui le taraude laissant ses compagnons aller au Banquet
Commencer repartir de zéro amorcer entamer un texte une partie nouvelle
Comment c’est cette nuit à l’instant où tu écris ? J’entrecroise les paroles intenses de celles qui mettent littéralement le feu aux poudres
Commencer préluder avant toute attaque de motif cherchant ses résonances intimes
Ouvert à tous les vents le verbe déploie maintenant sa forme nominale :
plaisir d’écrire
la nuit remue
une danseuse
issue de la plume
d’Henri Michaux
la nuit bavarde
cot cot couet couet
couteau planté
dans le cou du coq
chantant la mort de Socrate
plaisir de lire
ses dialogues platoniciens
où à la fin
c’est cul par-dessus tête
que se retrouve l’interlocuteur
du sage athénien
la nuit m’atteint
jusqu’au matin
Brouilles violentes suivies ou non de raccommodements
Marcel Proust
ainsi apparaît le texte présent
Des fois, ou plutôt Quelquefois, ou encore, par esprit de contradiction, Toujours, on se lance dans une phrase, par pur plaisir de s’y lancer, comme l’on court d’un coup, ou plutôt tout à coup, poussé par on ne sait quelle mouche, piqué pourrions-nous dire, par le taon qui excitait Socrate, ou plus modestement les bœufs qu’un certain père, le mien, joignait, jurant quelques mille dious de remille dious, sur les quatre heures d’une journée exceptionnellement caniculaire qui ne pouvait laisser les bêtes en place, malgré dentelles qui étaient censées protéger leur mour, museau, qui à l’instant vous suggère quelques autres vocables en file, tels muse, musette, musaraigne, ces deux derniers mots, vous venez de le découvrir, ayant été synonymes, de mus souris et de la venimeuse araignée, que l’on vous a fait associer dès la plus tendre enfance aux formules magiques opposant celle du soir espoir, à celle du matin chagrin, quant à la nuit, en cet instant précis, quatre heures cinquante-six, vous pourriez ajouter, par exemple, araignée de nuit s’enfuit…et là, la phrase, pour autant qu’il s’agit d’une phrase, se casse, s’éparpille, perd son souffle initial et va se pointillant…. n’est pas asthmatique qui veut se dit-on souriant, ouvrant gaiement les guillemets, un jeu d’enfant avec la machine savante dont nous disposons depuis le début de notre course à la phrase-échalote : « Il y a des asthmatiques qui ne calment leur crise qu’en ouvrant les fenêtres, en respirant le grand vent, un air pur sur des hauteurs, d’autres en se réfugiant au centre de la ville, dans une chambre enfumée », et d’autres, aurait pu ajouter ce prosateur hors pair, en composant des phrases sans fin, qui se tournent et retournent, ligne à ligne, vers à vers, telles ces raies du labour, inlassablement tracées le jour durant, par ce fier paysan, guidant droit ses bœufs, encore eux, et dont la surface labourée de l’aube au crépuscule s’appelait… un journal.
Un dictionnaire à part moi
travail en cours de réalisation
manuscrit premier jet fond : set de table et « hypnographies » jjd *
JE NE SAIS PAS COMMENT COMMENCER Ô Socrate, tu avais le maudit avantage de pouvoir, grâce à ton ignorance, faire éclater que les autres étaient encore moins savants que toi : ils ne savaient même pas qu’ils étaient ignorants. Søren Kierkegaard Je ne sais pas comment commencer. Comment commencer ? Voilà c’est fait. Je ne sais pas faire parler les morts comme s’y employa Victor Hugo, à Jersey ou Guernesey, je ne sais plus trop, convoquant ses illustres prédécesseurs, autour d’une table tournante, tel un chaman exalté. Je ne sais pas ferrer les bœufs, mais aller à cheval sur un bâton était pour moi un jeu d’enfant. Je ne sais pas herboriser comme Jean-Jacques, promeneur solitaire, écrivant à soixante-cinq ans, ses dernières rêveries, mais j’ai plaisir à recopier ces litanies qui font de la cueillette de mots un amusement qui me délasse. Le mouron, le cerfeuil, la bourrache et le séneçon, pour lui, la flamme inversée de l’imagination, la zizanie du coq à l’âne, les sources vives des métaphores et des métonymies, ici. Il est temps maintenant de mettre la lumière sous le boisseau, puisque vous savez tout de ce que je ne sais pas et que sur ce filtre il n’y a plus rien à mettre.