À QUOI COMPARER CE MONDE

À quoi comparer ce monde ?                                                 
J’ai perdu les réponses
que je donnais naïf
et sans la moindre ironie.

À quoi comparer ce texte ?
À une barque légère
Qui vogue sur la rivière du ciel
Légère comme la rosée.

À qui comparer celui qui a écrit
-vaille que vaille- cette page ?
Un lecteur a dit : à un pêcheur d’étoiles.
Une lectrice l’a emportée
dans la paume de sa main.

MON MONDE EN MAI 68

Dorio acrylique toile 150×120 cm

MACHINA MEMORIALIS





L’art est un labyrinthe infini d’enchaînements.

Lev Tolstoï





Machina memorialis : contre le sentiment d’abandon

devant sa planche d’écriture,

chacun.e à sa manière construit cette machine

qui fabrique des images.





La plupart en font « tout un cinéma »,

prenant le mot au premier degré,

et quelques autres, l’immense minorité*,

continue à les créer…sur du papier.





Cette nuit, en vrac, ce sont

les escaliers à double révolution de Chambord,

la tapisserie de Bayeux avec la broderie figurant la comète de 1066,

un photo de Borges, aveugle, feuilletant avec le plus grand des sérieux

une encyclopédie,

et ce dessin étrange que l’auteur de ce texte fit,

avec une plume trempée dans son encrier Waterman,

le dix février 1981.

*c’est ainsi que Machado désignait les « poètes ».

10/02/2021

sur un de mes cahiers d’écolier

VOUS Y DANSIEZ PETITE FILLE

agenda du 25 au 21/01/2021
la main amie écrit




Lundi 25/01/2021

7h39     Comment parler d’une journée qui ne fait que commencer. En lui faisant ce geste d’une écriture barrière. En le qualifiant de chimère. En l’imaginant dans ce lieu de nulle part que l’on nomme utopie. Ce sera une journée Utopia.    7h43

Mardi 26/01/2021

6h58        ajouter : s’ajouter, étymologie d’ «auteur ». Mallarmé (l’obscur), éclaira sa plume de quelques « vers de circonstances », envoyés à ses amis, amies et familiers. Leur nom et adresse servaient de matrice aux poèmes. Ici la circonstance est cette petite musique de prose, copiée avec soin sur un agenda, comme une partition, offerte chaque dimanche aux passagers discrets, du blog « poésie mode d’emploi », qui embarquent en un clic dans l’arche des jours qui fuient.     7h09

Mercredi 27/01/2021

7h53  « Il était une fois…et il n’était pas ». Formule rituelle, ouvrant les contes majorquins. Je ne crois pas vraiment à ce que tu me contes…mais quand même, un peu.      7h54

Jeudi 28/01/2021  

7h15         Hasard objectif. Un groupe d’instituteurs/trices, de professeurs, prend l’avion pour La Havane. (isla de Cuba) pendant le vol une belle brune (son nom était Bruno), vient, souriante, me demander d’échanger nos places, pour se retrouver avec ses amies martégales, qui par hasard, sont à mes côtés. Oui, évidemment. (Je lui rends son sourire) Au retour, nous voyageons côte à côte avec « ma belle ». Le voyage va durer, continûment, 36 ans. Seule, la sale maladie, va clore ses paupières et notre rencontre dont « Hasard Objectif » nous fit don. 7h22

Vendredi 29/01/2021

7h51  « Toute la variété, tout le charme, toute la beauté de la vie, ne sont qu’un mélange de lumière et d’ombre. » (6x3x8x12 syllabes). Me voilà pour la première fois (et la dernière) de ma vie, flottant dans le grand fleuve Tolstoï, avec l’aide d’Anna Arkadiévna plus connue sous le nom titre du roman : Anna Karénine.     7h53

Samedi 30/01/2021

7h46     La lune toute ronde, un peu voilée, finit, à l’ouest, son voyage nocturne. Je sors d’un rêve cauchemar. Mon ami M. m’annonçait au téléphone qu’il venait d’apprendre le suicide de mon ami T. « Il s’est tiré un coup de fusil »…comme Ernest Hemingway. (« Ne te demande pour qui sonne le glas, il sonne pour toi)

Dimanche 31/01/2021

7h20   Je vois un poème qui tourne à vide. (l’obsession d’une certaine « modernité ») Mais le travail sur la forme, paradoxalement, apaise. Je vois ces quatre lignes qui terminent la semaine. « Quand donc finira la semaine ? » se demande Apollinaire pour son poème que j’aime le plus. « Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère grand C’est la maclotte qui sautille Toutes les cloches sonneront Quand donc reviendrez-vous Marie ? »

SANS NOM D’AUTEUR SANS TITRE





Pas de nom d’auteur

Pas de titre

Mais des lignes qui parlent

D’une certaine voix





De la voie

Du souffle de l’alphabet

Rue de l’épée de Bois





De Personne

Et de son masque

Sur la scène d’un théâtre

De Covid tête de mort





De la modestie de cette main

Qui écrit sans raison

Comme le lecteur anonyme

Qui passe

Ou s’arrête perplexe





Le rouge au front

MAIS DES LIGNES QUI PARLENT d’une certaine voix

SALLE DES PROFS (1)





SALLE DES PROFS, Gilles E., tout en fumant son cigare tordu (toscan), raconte la dernière blague belge, qu’il a entendu au bar du 14 juillet, hier soir. Mais, allez savoir pourquoi, ce matin, elle tombe à plat.

Liliane B., enchaîne alors, sur le dernier numéro du Débat. Il est traversé par l’analyse, (contradictoire, comme il se doit), du dernier « roman », «à la mode », « qui se vend comme des petits pains ». (Que de guillemets !).

C’est le bouquin, où, (pour aller droit au fait majeur), un musulman est élu président de la République Française. Une histoire, où, « les trois plans disponibles dans le jeu de la fiction, le personnage, le narrateur et l’auteur, est devenu un cas d’école ». Impossible de démêler l’un de l’autre. C’est la cause peut-être de son succès, ce qui révulse notre collègue, et qui confirme, selon elle, la « houellebecquisation » de la société.

À ce moment la cloche sonne, nous libérant d’une confrontation, qui, quand nous reverrons, s’annonce « musclée ».

« On nomme littérature, la fragilité de l’Histoire », …et de ces acteurs, fictionnels ou non.     

 





    

citations : Pascal Ory « Ce que dit Charlie », Patrick Boucheron « Prendre dates »