J’ÉCRIS POUR VOIR LES YEUX FERMÉS

Jécris pour toi pour voir ce que tu vois les yeux fermés pour toi qui désormais ny voit plus que du bleu

Jécris pour nos aïeux, les tiens, forgerons et soudeurs du chantier naval, les miens, maniant laraire puis la charrue brabant

Jécris pour nos filles, enseignantes émérites et pour nos deux petits-enfants, une fille, un garçon, quhélas -cent fois hélas- tu nas pas eu lheur de voir naître

Jécris pour la maison adossée à la colline ici notre fière bastide qui regarde la passe maritime là-bas où tu naquis et la maison de Maxime la bleue elle aussi que tant de fois nous chantâmes ravis

Jécris pour la nuit la plus fidèle des compagnes qui me donne les braises de mots qui colorent mes pages et me tiennent éveillé

Jécris non pour « être ou ne pas être »,, mais pour « traversant les voies périlleuses » 1 peindre, comme Montaigne, le passage

1 Jean Bouchet (1476-1557)

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CORONA (un dictionnaire à part moi)

CORONA

Depuis le Corona personne plus je ne côtoie, plus de supermarchés, plus de balades sur ma plage préférée, plus de poste où je vais peser mon courrier. Ma fille vivant sur la colline voisine me fournit en fruits et légumes qui viennent de paysans de Croix Sainte – un quartier des Martigues –, en daurades et en loups qu’ont apportés les pêcheurs des « petits métiers », en bonnes miches du boulanger.

Ma fille de New-York où frappe la pandémie me raconte ses cours où s’affichent ses élèves du Lycée Français. Le ouikend on joue ensemble au scrabble sur une application qui compte les points et les secondes, micros ouverts nous devisons de ses travaux sur les épistoliers du XVIe, de mes poèmes en construction et j’entends toujours au moins une fois les sirènes des pompiers de Manhattan. 

C’est bien d’avoir des filles, à qui l’on a « donné », Alain Caillé appelle ça très justement : extensions du domaine du don. Et pour le reste alors pendant le Corona, le reste ?

la suite se lit sur Un dictionnaire à part moi

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MES PETITES CARTES D’ÉCHOUAGE





MES PETITES CARTES D’ÉCHOUAGES





Lundi matin dans le jardin chaud mais secoué par le mistral

je lis j’écris et je m’absente

faute d’oiseaux à l’entour je deviens papillon

qui se joue du vent dans l’abricotier qu’il prend pour un berceau





je glisse cette phrase sur une carte format d’identité

alors qu’elle est si éloignée d’une identité bien établie





le soir je reprends la même place

siège en plastique souple et bas sous les arbres fruitiers

le vent n’en finit pas de faire son ramdam

les papillons se sont enfuis





je n’avais pas du tout prévu de poursuivre cette écriture

mais je l’écris pour mon petit fils

qui la lira plus tard

et découvrira que ce jour-là son grand-père a consigné le fait

qu’une maudite guêpe l’avait piquée sur le crâne

alors qu’il faisait du tri sélectif avec sa maman

ma fille





l’autre m’envoie des photos et des impressions

depuis l’île de Nantucket

elle a vu des phoques des vrais





ainsi passent les jours et les soucis

sur mes petites cartes d’échouage

une cigale me donne le dernier la

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