J’écris pour toi pour voir ce que tu vois les yeux fermés pour toi qui désormais n’y voit plus que du bleu
J’écris pour nos aïeux, les tiens, forgerons et soudeurs du chantier naval, les miens, maniant l’araire puis la charrue brabant
J’écris pour nos filles, enseignantes émérites et pour nos deux petits-enfants, une fille, un garçon, qu’hélas -cent fois hélas- tu n’as pas eu l’heur de voir naître
J’écris pour la maison adossée à la colline ici notre fière bastide qui regarde la passe maritime là-bas où tu naquis et la maison de Maxime la bleue elle aussi que tant de fois nous chantâmes ravis
J’écris pour la nuit la plus fidèle des compagnes qui me donne les braises de mots qui colorent mes pages et me tiennent éveillé
J’écris non pour « être ou ne pas être »,, mais pour « traversant les voies périlleuses » 1 peindre, comme Montaigne, le passage
1 Jean Bouchet (1476-1557)
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