BÉER AUX CHOSES FUTURES OU AUX CHOSES PASSÉES ?

Que vais-je écrire? Je ne sais pas, tout ce que je sais c’est qu’au fur et à mesure de mon écriture sur le papier je vais le découvrir. Mais, façon d’annoncer la couleur, je ne vais écrire que ce que ma plume me dictera pour le plaisir. Le reste je l’écarterai. Je vais écrire pour mes lectrices, qui sont en ces temps de détresse et de « félicité insaisissable »,  » les véritables lecteurs »…béants aux choses futures, selon la formule du châtelain de Montaigne que j’ai revisitée hier en sautant des Essais aux Mémoires d’outre-tombe. Voilà, finalement je découvre que mon écriture cette nuit de mardi 12/12/2023 n’allait être qu’un tremplin au texte que j’ai remis sur le métier hier lundi et que je livre mélancoliquement à mes rares mais si précieux lecteurs.

124 BÉER « Montaigne dit que les hommes vont béant aux choses futures : j’ai la manie de béer aux choses passées. » Béant, béer, béer, béant. Encore heureux que Chateaubriand puisse surenchérir sur Montaigne. Et Marcel Proust, un peu plus tard, sur Chateaubriand. Et tant d’autres à leur suite, poursuivant ces commencements qui n’en finissent pas… de se multiplier. Chacun, chacune, y va de ses Mémoires, de ses créatures de fiction, mêlant « beaucoup de fables, à quelques vérités », faisant de sa vie « un roman ».« Avec toute la mélancolie de l’absence et de la jeunesse » relève l’écrivain de la Recherche, se réjouissant de comparer ses sensations de goût (la madeleine), source de mémoire involontaire, avec celles de l’ouïe chez Chateaubriand : « le gazouillement d’une grive perchée sur la plus haute branche d’un bouleau » à Combourg. Ce que le professeur de Littérature et psychanalyste, Pierre Bayard, appelle avec malice, « un plagiat par anticipation ».

Le livre d’une vie Comme une autrebiographie En mille et un fragments JJ Dorio (texte en cours)

Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d’une grive perchée sur la plus haute branche d’un bouleau. A l’instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel. J’oubliai les catastrophes dont je venais d’être le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j’entendis si souvent siffler la grive. Quand je l’écoutais alors, j’étais triste de même qu’aujourd’hui. Mais cette première tristesse était celle qui naît d’un désir vague de bonheur, lorsqu’on est sans expérience ; la tristesse que j’éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l’oiseau dans les bois de Combourg m’entretenait d’une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable. Chateaubriand Les mémoires d’Outre-tombe

ON VA BIEN VOIR : la petite musique des lecteurs 4/16

on va bien voir
si ces lignes écrites 
en aveugle
engendreront une petite musique
chez les lecteurs-lectrices

on va bien voir
si cette fin que je ne connais pas
ressemble comme une sœur
à la fin du Temps retrouvé

on va bien se guérir
des fièvres et des pestes
avec la plume
ici présente
que l’encrier magnifie

Jean Jacques Dorio Martigues 17/09/2023 01 :58


SONNETS SONNEZ LES CLOCHES À VOS LECTEURS

Sonnets sonnez les cloches à vos lecteurs
Lecteurs bénins se contentant du style
Lecteurs rétifs bornés aux créations hostiles
Abatteurs d’arbres acteurs acupuncteurs

Lecteurs lectrices mes yeux et mes fontaines
Mes vieilles branches torrents rus ruisseaux
Ô vous épars aux quatre coins du monde
Mes beaux visages mes gambades et mes sauts

Lecteurs lectrices éperons qui me guident
Tantôt passant sur mes erreurs de rimes
Tantôt tout feu chantant la vie violence

Ô mes sonnets sonnant sans fiel sans arrogance
De la vie bonne faisant leur miel Ô mes chansons
De mes  douleurs adoucissant les souffrances

Avec Clément Marot
Le Prince des Poètes
 ( 1496 ? 1544)
De la série : Lir’écrire encor des sonnets ? Il fait être sonné !

J’ÉCRIS À SHÉHÉRAZADE

J’ÉCRIS À SHÉHÉRAZADE croisée à la bibliothèque des Mille et une Nuits J’écris toutes les nuits ces fragments narratifs qui me maintiennent en vie J’écris au-delà de tout contexte historique, les épîtres d’un troubadour du siècle XXI dépourvu de langue occitane J’écris ou plutôt je réécris ces vers virtuels qui eurent leur heure de gloire mais qui se sont perdus J’écris pour les lecteurs qui passent leur nuit à se réinventer en se cognant à leur for intérieur J’écris comme un conteur qui n’entrera jamais dans les pages d’un livre J’écris en mélangeant pensée magique et pensée d’un célèbre chimiste : Rien ne se perd Rien ne se crée Tout se transforme J’écris en transformant cet essai

J’ÉCRIS L’AURORE AUX DOIGTS ROSES

J’ÉCRIS L’AURORE À MES DOIGTS ROSES J’écris ce début sans fin J’écris cette suite digressive dont je me fais un bouclier J’écris pour des lecteurs imaginaires qui n’y voient que du bleu J’écris pour Pierre Ménard inventeur de Don Quichotte polémiquant avec Paul Valéry refusant d’envisager que la marquise pût sortir à cinq heures J’écris avec la main gauche cette écriture en miroir qu’affectionnait Leonard J’écris à la lisière des ouvrages de démonomanies brûlés par les églises pontificales et littéraires sous prétexte que leurs démons jouxtaient de trop près leurs dieux J’écris pour faire sortir de leurs pages d’encre et de papier les personnages de fiction qui viennent à mon chevet me préparer à les rejoindre…le jour d’après