EST-IL POSSIBLE DE RACONTER L’HISTOIRE D’UNE VIE ?

Sur la possibilité de raconter l’histoire de nos vies particulières on peut pousser loin le bouchon.

Cette romancière affirme que l’histoire de sa vie n’existe pas. Les chemins qu’elle a parcourus ou les lignes qu’elle croyait avoir tracées  se sont effacés.

Cet autre a écrit ses mémoires en suggérant que le genre avait son importance, mais lui, non.

Ce troisième avait bien écrit une sorte d’autobiographie mais le texte a disparu et il n’est resté que les notes de bas de page.

Le quatrième, qui il est vrai est entré dans la période d’une vie où il est conseillé de ne pas trop attendre si l’on veut donner corps à son projet, m’ a confié le titre qui annonce son ouvrage. Je vous le donne en mille : Un livre n’est pas une vie Je le sais bien Mais quand même Ceci est le livre de ma vie

Le cinquième comme les doigts d’une main existe…mais pour l’instant je ne vais pas fatiguer plus longtemps mon lecteur qui a comme tout le monde son histoire à gérer.

L’ÉCHANGE DES MÉMOIRES

Échangeant nos mémoires cousues de fils noirs ou dorés 
de chansons d’un autre âge d’il y a plus d’un an que j’t’attends
Celui que l’on fut : jeune homme à la deux chevaux dessinée par Giacometti
Celle que l’on a été : traversant l’Atlantique en Concorde dans une robe d’Arlésienne signée Christian Lacroix
Échangeant nos paroles dans une poésie qui boîte en prose
mais qui poursuit tant que vivons notre diction
Une langue qui, puisant dans la réserve, nous préserve de l’aphasie

deux chevaux : dessin d’Alberto Giacometti

PERDU POUR PERDU

Je me suis bien des fois perdu en des pages qui semblaient être écrites pour mendormir. Fasciné par des mots troublants 1, javais traversé une fois de plus, le miroir des mémoires où un être nouveau mattendait à chaque carrefour : un enfant sans paroles, une fée qui me transformait en hibou, une naine blanche compagne de Sirius B, un chanteur turlutant, narquois comme un Québécois 2, un contrôleur pointilleux, poinçonnant à tout va, de Pantin aux Lilas. Et je ne parle pas de ces oiseaux de nuit voletant sur ma page, à la lueur dun petit livre de simple rêverie : le moineau soulcie, la bergeronnette hoche-queue, le roitelet petit monsieur et le fénix, flamme fleurissante.

Ainsi perdu pour perdu, je me retrouve, à la fin des fins, sur les lèvres innocentes qui effacent, un à un, mais en beauté, les poèmes de toute une vie  

1 Dehors c’est la neige et le gel Les rafales de la tempête Mais dedans un feu substantiel A mis ton jeune cœur en fête Fascinée par les mots troublants Tu mépriseras l’ouragan (De l’autre côté du miroir)  Lewis Carroll 2 Felix Leclerc (Le Québéquois) 3 Gaston Bachelard La flamme d’une chandelle

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

UNE NUIT QUI N’EST PAS LA NUIT

je suis dans une nuit qui n’est pas la nuit
Je suis dans une nuit qui n'est pas la nuit
Une hirondelle de mer y passe imitant les mobiles de Calder
Je suis dans une nuit nue et sans mémoire
Cent mémoires brouillées par celles
des poètes lyriques qui jadis se confiaient

Je t'ai aimée
Je t'ai perdue
Tu étais mon île
J'étais ton poète béni des dieux

Je suis dans une nuit qui n'est pas la nuit
C'est une sentinelle un sentier une fleur
Un oiseau qui émigre au-delà des mers


JE ME SOUVIENS DES MÉMOIRES D’UN AMNÉSIQUE





( une suite au post du 17 avril)





Je me souviens des mémoires d’un amnésique un court-circuit stylistique

Je me souviens de chansons licencieuses mettant en relief l’action de certains moines, curés et autres pervers polymorphes de la gent pas très catholique, dont Brassens fit quelques lestes couplets

Je me souviens de mon petit vélo rouge avec lequel je faisais le tour du village

Je me souviens de quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour

Je me souviens de Marinette à qui Brassens, encore lui, voulut offrir pour ses étrennes un p’tit vélo ma mère

Je me souviens du petit conservatoire de Mireille qui était aussi le prénom de notre voisine provençale et celui de la mouche de la chanson de Dick Annegarn zouzouzouzouzoum

Je me souviens de mon pote le gitan et de mon pote Juan

Je me souviens du comment vas-tu y’au de poêle  du ça va t’y ou ça va t’y pas et du scaferlati

Je me souviens des canuts c’est nous les canuts nous vivons tout nus de Camus Albert et du jeu à la rémoise d’Albert Batteux

Je me souviens que quand les hommes vivront d’amour nous nous serons morts mon frère

Je me souviens du diplodocus du cigare diplomate et du dis quand reviendras-tu

Je me souviens de nous marchant main dans la main dans les rues de La Havane déambulant autour du Parthénon sous les voûtes de la Sixtine autour de l’homme de Giacometti à la fondation Maeght mais pas devant les nymphéas du Moma

Je me souviens que l’on m’a téléphoné hier de Bordeaux de New York de Marseille mais pas de Bayeux

Je me souviens de ma deux chevaux la deuch auto fétiche et les autres bien plus performantes je les relègue au second plan

Je me souviens de ton père n’est pas vitrier ça t’en bouche un coin en voiture Simone mais je n’ai jamais su de quelle Simone il s’agissait

Je me souviens de sur la route le bouquin que Kerouac écrivit sur un rouleau de 36 mètres 50 cm de long de sur la route pa-ram-pam-pam-pam sur laquelle Nana Mouskouri faisait défiler son petit tambour

Je me souviens de elle est sourde comme un pot tu n’as eu pas de pot c’est dans les vieux pots qu’on fait les bonnes soupes de qui paiera les pots cassés et du coureur cycliste Jean Apôtre dit Apo Lazaridès

Je me souviens (suite au prochain numéro)