COMME UN QUI S’EST PERDU DANS LA PAGE PROFONDE

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Comme un qui s’est perdu dans la page profonde
Loin du « chemin » la ligne que suivent les gamins
Qui apprennent à écrire Comme un qui perd la main
Se voyant englouti par les remous de l’onde

Comme une qui s’est perdue dans la forêt des mythes
Lune, Diane, Hécate, aux cieux, terre et enfers
Ornant cette matière où hésitante elle perd
La voie, la route, la lumière, le sens de sa conduite

Comme on voit ces vers qui vacillent empêchés
de s’élever, libres et francs, dans la nuit d’un esprit
égaré par des songes creux trop détachés
de sa vie, alimentant ses douces rêveries
Comme un qui se reprend qui desserre ses nœuds 
ce bien présent plus fort que son mal, il veut croire

italiques Étienne Jodelle (1532-1573)



TE PLAIRE ET TE DÉPLAIRE SELON MES VERS

Te plaire et te déplaire selon mes vers
Te chanter t’encenser d’une aile inusitée
Te permettre d’atteindre les célestes beautés
Si périssable est toute chose née

Te plonger dans les mythes des driades des forêts 
Qui naissent avec l’arbre sur lequel elles veillent
Te comparer à Diane la chaste Cynthienne
Si notre vie est moins qu’une journée

Mes vers ici se brouillent répétant cette antienne
Du grand amour le soleil de mon âme
Qui me brûle et m’enflamme
Chassant mes jours sans espoir de revoir
Ma reine ma déesse gisant au Vistemboir
Cimetière des sonnets où les morts apportent leur manger et leur boire

avec Du Bellay (les deux éditions de l’Olive) Guillaume des Auletz (1529-1581) et Emmanuelle Chevalier  éditrice des éditions du Vistemboir






UNE FORÊT DE MYTHES MENACÉE D’EXTERMINATION

Mes forêts sont pleines de créatures sauvages qui effraient les enfants amadoués par les images de Disney. Mes forêts sont des réservoirs de mythes, d’Esprits venus du Monde Autre qui tentent désespéramment d’empêcher la chute du ciel. C’est Remori, l’esprit de la grosse abeille orangée, qui a donné aux Blancs qui me lisent, leur langue emmêlée. Leur manière de parler ressemble aux vrombissements de ces bourdons. Cette langue est semblable à celle des spectres qui menacent d’extermination mes forêts.

Forêt qui cache les Esprits venus du Monde Autre dorio 21/11/2013

AVEC LE P DE POÉSIE PLUS PETIT QU’UN GRAIN DE RIZ

J’avance trois vérités à la fois
J’avance de trois pages et je recule de deux
 
J’avance le p de poésie plus petit qu’un grain de riz
J’avance le fou, le cheval, le gambit
 
J’avance dans le fleuve des pas perdus
Un pied sur l’Orénoque un rêve de pirogue
 
J’avance un œil sur l’Étoile du Nord
Un autre sur celle de la Terre de Feu

J’avance deux couleurs sur le mur des enfants
Du bleu et de l’orange avec la phrase d’Eluard

J’avance de pas perdus en pas retrouvés
Sur le chemin des mythes et des épiphanies

IL PEUT-ÊTRE DANGEREUX D’ENTRER SEUL.E DANS CETTE POÉSIE





L’inflexion des voix chères qui se sont tues
Paul Verlaine


Je ne savais pas avant de les écrire
Que ces vers étaient faits pour ta voix
Douce tendre mais dont les inflexions
Ont - cent fois hélas - disparues

Je lis ailleurs le rappel des croyances
Qui transfèrent nos morts dans un arbre
Une petite pierre Un oiseau Un lézard

Les mythes nous disent comment les libérer
Mais si ici j’en faisais le rappel
L’enchantement serait brisé

Je ne savais pas avant de l’écrire
Que cette page aurait ce goût d’inachevé