MA VIE À MOI

MA VIE À MOI à toi à tu Ma vie parlée et ma vie tue Ma vie l’esprit débordant du cadre de mes photographies (du bébé joufflu au dernier portrait que m’aurait fait Nadar allongé dans mon plumard) Ma vie rêvée l’ai-je bien fantasmée ? Ma vie d’un « je » ouvert par la littérature d’un reclus célèbre couchant sur le papier les vies de personnages de salon qui se croyaient immuables quand tout leur monde était en train de disparaître Ma vie à moi écrite en maints poèmes sur les ardoises du toit Ma vie donnée dans l’abécédaire d’un dictionnaire à part moi Ma vie du vieil homme et la mer Ma vie de Montaigne à sauts et à gambades Ma vie délibérément anachronique « vie fugitive » « vie devant soi » Ma vie de vieux muet assis dans le métro lisant le capitaine Fracasse en bande dessinée Ma vie croisant ces mots de l’auteur de la vie mode d’emploi : « Un père éternel » réponse « Lachaise » Ma vie de bâtons et de lettres disparaissant dans des cartes et feuillets noircis en secret entre soi et soi entre moi noir chevelu et moi blanc dégarni Ma vie et moi et toi ma conscience de l’instant qui vient séance tenante m’en libérer

UNE VIE ORDINAIRE en mille et un fragments

en cours d’écriture

J’ÉCRIS SANS INSPIRATION

J’écris sans inspiration -c’est le secret- c’est en écrivant qu’elle vient me titiller ou non…inexplicablement

J’écris lancé dans une giclée de mots qui vont faire des petits ou -comme à l’instant- s’interrompt un long temps…comme si je ne savais qu’ajouter

J’écris faisant jouer les couples Nécessité/Hasard Langage/Tangage Je/Jeu

J’écris en relisant la page en train de se faire en balbutiant en m’amusant à inverser les mots et les lignes

J’écris sans le Souci la grande terreur étreignant Kafka à son bureau de fonctionnaire contraint à une lamentable paperasserie

J’écris toutes les nuits sans que personne à mes côtés ne me fasse remarquer : Tu as vu quelle heure il est !

l’inspiration

JE SUIS CE CHANT CETTE ROMANCE D’UN 19 JANVIER 2023

ET JE CHANTAIS CETTE ROMANCE CE 19 JANVIER 2023 un Je qui joue à cache-cache dans mon écriture Jeu que ma main fait démarrer en faisant se mouvoir ce stylo lettre à lettre Je suis cet Autre assurément Je suis la voix étrange des romances sans paroles Je suis celui qui ne se satisfait pas de la déploration élégiaque de tout un pan (panpanpanpan) de la poésie française Je suis l’oreille de Marguerite chantée dans son palais par Pierre de Ronsard Je suis le mendiant près des cafés princiers à qui on jette une pièce de bœuf Je suis le marcheur des forêts vertes guettant les rayons du soleil qui se brisent dans ses étangs Je suis la berceuse qui endort petit chat noir dans le lit où nous dormons pattes dans bras Je suis chansonnier au Lapin agile Je suis l’arlequine qui exaspère les charlatans crépusculaires Je suis le convive goûtant le méchoui d’un agneau élevé dans les Alpes de Haute Provence Je suis l’églantine mutine que les villageois appellent gratte-cul Je suis le penseur du libre essor d’Élévation comprenant le langage des fleurs et des choses muettes Je suis le cageot la bougie et la cagette Je suis le cœur mal le cœur à la lune Je suis le coffret de santal qui accompagne mes insomnies (Je ne dors pas quel est mon mal ?) Je suis les idylles découpées en des vers délicats où s’égarent nos pas Je suis mon petit Lou ma compagne des spectacles en plein air de la place Mirabeau où nous aimâmes tant les spectacles des nuits d’été (Le bal du théâtre du Campagnol fut notre préféré) Je suis un kaléidoscope que l’on secoue entre rires et sanglots : Guernica ou la Vénus d’Urbino ? Je suis la planète Vénus que les bergers confondaient avec leur étoile (celle-là même que j’ai vu s’éclairer hier soir après que le soleil ait plongé dans le golfe de Fos) Je suis ce Juste exécré par le poète adolescent d’une saison en enfer : « Ô Juste ! nous chierons dans ton ventre de grès » Je suis l’inquiet désir d’une princesse vouée aux joies et aux tourments d’une âme amie chérie de celui qui écrivit sa grande œuvre dix ans durant dans son lit Je suis le Temps qui me pousse m’invective et me pique de son aiguillon (comme si j’étais un bœuf à qui l’on met le joug pour aller au travail) Je suis cette romance de 2023 à la semblance du beau phénix Si elle meurt cette nuit le matin verra-t-il sa renaissance ?  

AVEC LE « JE » DE NARRATION

JE DE NARRATION (avec le) je me débrouille comme je peux Je amoureux et Je jaloux Je jouant avec la langue de Molière ou de Larue Je qui avec le temps se métamorphose en un être méconnaissable Je bavard et Je silencieux Je en fuite dans une phrase qui fait erreur sur la personne Je sous le charme des Jeunes Filles en Fleurs Je des Enfers et Je des Paradis vécus le long d’une vie de rencontres éblouies Je enfantin Je enfantant des géographies mentales qui dessinent en fin de parcours le portrait bluffant d’un Narrateur sortant du cadre des pages de son roman