AU TRAVERS DE MA NUIT

Je ne vois plus le jour
qu'au travers de ma nuit

Je ne vois plus la nuit
Que comme un jour sans fin
Toujours en mouvement
De rêves en rêveries
Les images me fuient
Les images me font
Un corps de magicien
Un corps écartelé
Qu'un poème parvient
À rassembler parfois
Et d'autrefois je laisse
Aller le pur hasard

l'amorce en italique est de Jules Supervielle




UN JOUR SANS

Un jour sans
Un jour sans faim
ni soif
Un jour de rien
où même l’air
se fait rare
Je lis des poèmes
d’amour et de liberté
Je retrouve le goût
De la terre et du miel
Je regarde la mer
le ciel et sa lumière
J’éteins ma tristesse
Dans les mots des autres
Je prends le premier
qui me plaît
et l’emporte
avec moi
au plus loin
au plus près
Jusqu’à une dernière
danse
Dans la nuit
piquée d’étoiles

Danielle Nabonne
11 mars 2024

UNE RENGAINE EN UT MINEUR

écrit tel quel




Jour après jour

S’en vont les jours

Nuit après nuit

Passent les nuits

Jour et rejour

Nuit et renuit





Faire et refaire

Deux fers au feu

Et laisser dire

Dire et redire

Passer le temps

D’un jour sur l’autre

Faire un présent

À ses copains

À ses copaines

Un mot qui fourche

Une rengaine

En ut mineur

Sur le piano

Et ses bretelles

Autour du cou

Autour des cœurs

Sur le carreau

Où l’on impro

Vise la nuit

Cette écriture

Soufflerie

Que les copistes

Du parchemin

Vont reproduire

Et transformer

En palimpseste





Nuit après nuit

À la chandelle

D’une bougie

Qui fait bouger

Nos certitudes

Sur le papier

Accordéon

Avec arrêt

Prolongé

Par Husserl

Le phénomo

Logiste





Nonobstant

Ce seul présent

Cadeau du temps

Correspondances

Plumes en l’absence

De nos épîtres

Pour clore enfin

D’un coup de langue

L’enveloppe

De nos mémoires

Et ce chapitre

JOUR ULTIME DEUX MIL VINGT





Voilà là

Jour ultime

De l’année

Mes derniers

Trisyllabes





Saint Sylvestre

Ma sœur Anne

En allée

Ses chansons

À l’oreille

Et sa voix

Nuit sans fin





Le Covid

A tué

Des millions

De pauvr’s gens

Des artistes

Des curés

Des obèses

Foutriquets





Moi Reclus

Je connais

J’ai écrit

Fait mes contes

Rangements

De mes livres

« Dictionnaire

À part soi »





Le vaccin

Va sauver

Les humains

Et leur monde

De souffrances

Fleurs du Mal

Spleen et blues





Mais aussi

Sous les larmes

La beauté

De Nature

L’émotion

Et la dette

Des vivants

À leurs morts





Cette année

La nouvelle

Sera belle





31/12/2020

9h40

LIVRE DE NUIT

LIVRE DE NUIT

Le jour au jour

et

la nuit à la nuit

Robert Desnos





De la nuit je ferai un livre – de liber pellicule située entre le bois et l’écorce –

De la nuit je ferai une écorce irréfléchie déployée autour du minuit de toute chose : mimographe, sismographe.

De la nuit dont un livre m’affirme qu’il faut la laisser en nous murmurer

telle une source intarissable.

De la nuit dont on fait ses livres traduits du silence

où les mots désœuvrés nous creusent et nous façonnent :

une façon de parler de ce dont on ne sait que dire.

De la nuit que l’on mesure à la démesure que tente de nous imposer

cette langue inconnue

et qui fait mouvement à mesure que les mots les plus sensés

s’accumulent sur la page,

insomnies : rêves en sommeil.

De la nuit dont l’issue est un livre qui prend feu

et que personne ne lit

un œuvre qui fait le lit de la littérature

dont on ne souffle mot

tant

le jour au jour

et

la nuit à la nuit…