LA GAULEUSE DE VOIX

Gauler des noix comme des voix

qui tombent

une à une

Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une voix ?

Allons racontez-moi…





Mais avant de me raconter

Posez s’il vous plaît la faux sur vos genoux

Vous l’avez bien assez aiguisée comme ça

C’est le soir

La gauleuse de noix ne viendra plus

Allons dites-moi tout…





De l’autrefois et de l’aujourd’hui

Du bon vivant et de l’endeuillé

De la faucheuse que vous avez égarée

En lui donnant un de vos hétéronymes





Je m’appelle Clément

Lui avez-vous dit

Clément Marot

Celui pour qui

La mort n’y mord





VERLAINADES





Après la tempête le calme

les sanglots longs

de l’âme de Verlaine





Vers plus que lents,

Une valse mélancolique écrite

pour lâcher prise

laisser aller selon

le chant de la bonne aventure





Après la tempête

Deçà delà

Je me souviens

De la musique avant toute chose

Celle qui nous faisait planer

en regardant « le violoniste bleu »

de Marc Chagall





C’était à Nice

Où tu aimais aussi

Manger des chichis





Et puis nous avons vécu la fin de la bonne tempête

La mort quand elle vient ne fait pas de chichis

Ma belle musicienne s’est changée en statue





Il pleure dans mon cœur

L’inflexion des voix chères qui se sont tues





Italiques Paul Verlaine

POÈTES D’ENCRE





poètes d’encres n’oubliez pas la voix




Poètes d’encre n’oubliez pas la voix

Menus propos Joyeux devis

Vos grains de voix





Les voix se croisent comme les fils

Chaîne et trame tissant le drame

Ou l’espérance d’en sortir





Poètes de paroles ne perdez pas vos encres

Blessures de pages

Jusqu’à l’effacement

Celui qui gratte sa vieille peau

Remet à zéro son palimpseste

Mais comme par magie

Un peu de texte

qu’il est en train de faire disparaître

Reste en lui





Encres et paroles en même temps

Cherchant la Voie

Les unes s’allument en noir brillant

Les autres nous quittent

Comme elles nous viennent





Joyeux devis Menus propos

Nos grains de voix





04/02/2021

JE (multiple et singulier)





« Il est très important de ne pas confondre la première personne du singulier avec la première personne singulière. »

Alberto Manguel





1

En poésie, naturellement,

quand on lit « Je cours la campagne »,

si l’on réduit je, à moi-je, c’est fichu.

Et d’ailleurs c’est, réflexion faite,

je bats la campagne,

je fends les flots

et je cours les rues.





Selon des titres de recueil de Raymond Queneau





2

Et dame

Il n’y a pas d’âme

Et l’ego

N’est rien

Qu’une petite erreur

Sans conséquence

Ainsi je

N’est pas moi

Je « est » Personne

Dans la caverne de Polyphème

Je « est » la Dispersion

D’insectes noirs

Qui hantent les yeux de ma bien-aimée

En fin de vie

Je « est » la Joie communicative

Avec le fils de ma fille

Et nos jeux enfantins

Je « est » spirale

De ce poème 1338

Écrit au lit

Nuit à nuit

Sans rien au bout

Qu’une voix multipliée

Sans personne





PLAISIR D’ÉCRIRE ?

premier jet




PLAISIR D’ÉCRIRE ?

                Sans le plaisir d’écrire, d’abord avec la main tenant ce stylo bleu ou noir, avec sa pointe plus ou moins fine, nul texte chez moi ne naît.

                Nul texte ne s’enfante.

                Mais cependant,  ce premier jet réalisé, la plupart du temps, je m’arrête.

Plaisir d’écrire conduit trop aisément au bavardage. Le bas vardage c’est pour le pépiement, les clichés, les lettres moribondes

L’écriture, tout au contraire, se fait dans « la plume en absence » du bruit autour de soi, des certitudes, des évidences désuètes.

Cette page, par exemple, a accepté le vide, l’attente de cette voie sans personne, dont j’ignore, à cet instant précis, si elle va m’ouvrir un chemin nouveau ou me conduire à une impasse.

Soumettre ce texte au « grand  ordinateur » me permettra, de le modifier « à la marge », avec le désir d’y voir un peu plus clair.

01/02/2021

ON N'ÉCRIT PAS SANS Y LAISSER DE PLUMES




On n’écrit pas sans y laisser des plumes

Plumes d’écolier

plumes gauloises

ou sergent major

que l’on mouillait

sur son poignet

avant de suivre la ligne

des pleins et des déliés

Lundi 14 mai 2018

Morale :

il faut s’appliquer et persévérer.

On n’écrit pas sans y laisser ses plumes

de jeune oiseau piailleur

puis de vieil oiseau gouailleur

emmêlé à la fable du monde

On n’écrit pas sans ses rêves d’enfant

oiseau de vie « oiseau secret qui nous picore »*

oiseau de mort qui disparaît avec nos corps





*Supervielle





Astoria dans le quartier du Queens

New York

14 05 2018