JE PERDS LA MAIN

Le vide est plein de choses

Le problème c’est qu’on ne les voit pas

Enrique Vila-Matas

Je perds la main

Sur mon poème

Qui résonne en vain

Sur des objets ordinaires

Un pot de fleurs

Une panière

L’eau et le pain

Le sel des choses

Et leurs couleurs

Et plus encore

Ce que naguère

On appelait

Leur Beauté

Perdue inexorablement

Poème inspiré par

l’exposition au Canet de

Bonnard et la poésie d’un objet ordinaire

Bonnard peintre heureux

Qui fait chanter les couleurs

Bonnard peintre mystérieux

Qui ouvre les fenêtres

Des représentations mentales

Des choses…

Vence 15 août 2024

J’AI TOUJOURS FUI LES GENS AUX HUMEURS NOIRES


J’ai toujours fui les gens aux humeurs noires
Chagrins, fâcheux, mélancoliques, hagards,
Grincheux, dépités, présomptueux lézards
Qui se dorent au soleil de leurs désespoirs

Pour toi, Amour, sonnets rondeaux, ballades,
J’ai écrit j’ai chanté comme un malade
Qui fait la nique aux maladies de l’âme
Pour tes yeux lumineux, tes cheveux d’or, le rubis de ta bouche,
Pour la beauté lunaire de ton front argentin

J’ai écrit retiré du fond de la nuit brune
Lisant et écrivant sonnets des plus anciens
Changeant vers de l’Enfer en poèmes bon teint
Épouvantables idées en chants spirituels
Je te donne en fin ce vers inactuel




BELLES FLEURS FEMMES ET NYMPHES À LA FOIS

5

Belles fleurs, circulez au jardin de l’été

Cachez vous du soleil et préférez l’aurore.

Innocentes beautés, de passe, qui ont été

Éclatantes, pimpantes et plus belles que Flore.

..

Je vous écris, les Fleurs, com si vous étiez Femmes

Et Nymphes à la fois, Beautés quasi divines,

Reines de nos émois, plus légères que flammes.

Je vous écris perclus d’un siècle sans racines.

..

Et cependant j’insiste encor mes belles fleurs

Comme un appel subtil, une émanation forte

De pure épiphanie. Une passante en pleurs

Me dicte litanies, poèmes à ma morte,

Que la beauté d’un vers revigore.

..

Belles Fleurs dont je cueille cette ultime embellie.

..

Avec Vincent Voiture (1597-1648)

poème 5 issu de la série Lir’écrire encor des sonnets? Il faut être sonné!

Belles fleurs poème dit sur la musique et la voix de Anita o Day in Early Autumn

L’ALOUETTE ET LE FUSIL

Can vei la lauzeta mover
De joi sas alas contra’l rai
Que s’oblid’ e’s laissa chazer
Per la doussor c’al cor li vai

Bernard de Ventadour 

Tenant à peine debout
Dans le jour qui ne parvient pas
À se lever
Tenant à peine debout
Mais suivant les appels
De la petite déesse lauzeta
L’alouette inscrite
Dans la plus haute des poésies
Occitane
Celle qui s’élance illuminée de joie
Contra’l rai
Dans les rayons du soleil qui moussent
Et font battre les ailes
De l’oiseau de Ventadour
Puis hésitante, étourdie, s’oubliant, en suspens
– on ne saurait dire –
Elle fait entendre alors ce chant unique
Qui fond de désir et de douceur…

Avant qu’un fusil ne vienne l’abattre !


*

Quand je vois l’alouette mouvoir
De joie ses ailes de soleil
Puis s’oublie et se laisse choir
Tant la douceur au cœur lui vient
(une de mes traductions)




POÉSIE FEINTE POÉSIE VRAIE









la véritable poésie est la plus feinte




La véritable poésie est la plus feinte

Feintes, mots changés en images de belettes

ou de chameaux, comme la forme des nuages,

Songe une nuit d’été le personnage de Hamlet.





Poésie au couteau sans manche et sans sa lame

Lame de fond changée en étoffe lamée

D’hyacinthe et d’or le monde s’endort

Hypotypose Ordre et Beauté là, mais.





Et que dit le silence entre deux quatrains

Quand on secoue avant la reprise

le kaléidoscope de nos figures ?





Tableau en trompe l’œil

Anamorphoses.

Tant va le vers vers sa métamorphose

Qu’à la fin il s’envole ou se brise.





Italiques Baudelaire