J’écris pour je ne sais trop qui et contre je ne sais trop quoi J’écris sur l’Azur Et ce soleil de l’enfance J’écris sur cet ultime vers Tracé par la main de Machado : Estos días azules y este sol de la infancia J’écris pour après tant de paroles vaines Que survive la parole J’écris palabras, soledad, llovizna, en Lima : cette pluie fine, si fine, un jour où Dieu était malade, très malade, en fin de partie J’écris toutes les nuits Pour ne pas laisser brûler en vain La flamme de la chandelle J’écris sur toutes les paroles entendues et qui ne sont rien que du silence si j’en crois ce poète qui composa son recueil page à page devant la casse, devant le marbre, devant la machine, prenant une à une les lettres dans leur petit cassetin pour les aligner dans le composteur comme faisait son épouse Germaine qui venait de quitter définitivement leur imprimerie pour cause de décès J’écris sur l’oreiller Tant qu’il y a un peu d’espace vierge sur ma page J’écris à part moi et à part ça je pourrai dire que j’écris aux autre mois (faut-il les orthographier avec un s ?) Si j’écris Est-ce pour témoigner Est-ce pour me leurrer Est-ce pour me concilier la bienveillance des lecteurs privés d’images ? J’écris un livre nouveau sous le bras Comme celui qui vient d’acheter son pain frais croustillant J’écris sans ambages Préférant au bon grain L’ivresse la folle ivraie évocations citations Antonio Machado, Cesar Vallejo, Gaston Bachelard, Pierre-Albert Birot.
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TU TE SOUVIENS DES TEXTES DE L’ENFANCE ?
– Tu te souviens des textes de l’enfance ?
– ?
– Ceux que comme tout apprenti tu as commencé
à laisser galoper innocemment sur la page.
– Ah ! Je ne saisissais pas ta question.
Mais aucun texticule original n’a sillonné
les pages d’un cahier d’imitation.
Je n’avais fils de cultivateurs aucun livre à l’entour
qui m’invitait à singer l’autre culture, la livresque.
– Et donc… ?
– Et donc mes premiers textes écrits à main de plume (gauloise ou sergent major)
ce furent ceux recopiés sur mon cahier de « Récitations » :
la fable du Corbeau et du Renard, Automne d’Apollinaire,
et le Matin des Étrennes de Rimbaud.
– Ah ! maintenant ça me revient.
Et sur l’autre page on en faisait un dessin colorié.
-Toujours maladroit, mais comme une promesse
d’aurores futures.
Dialogues intérieurs II
Invitation à contribution
Nous survenons en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution.
Paul Ricœur
- Tu te souviens des textes de l'enfance? -
L’ENFANCE ÉPHÉMÈRE DE NOS JOURS DE FÊTE
« Les souvenirs d’enfance se ravivent quand on a atteint la moitié de la vie.
C’est comme un manuscrit palimpseste dont on fait reparaître les lignes par procédés chimiques. »
Gérard de Nerval
Cul par-dessus tête et roule barrique
Vaches dans le pré bouses séchées
Tuter les grillons bailler aux corneilles
Pêcher la grenouille avec le farouch
(le trèfle incarnat) accroché à l’ancre
Chanter à tue-tête le temps des cerises
Faire des cabanes et des marionnettes
Mettre un crapaud dans le bénitier
Chasser les corbeaux à coups de pétoire
Lancer les agates les boulards les billes
Jouer au béret et au jeu de barre
Pierres polies font de beaux ricochets
Patience et longueur de fil pour brodeuses
d’abeilles brodeurs de ces petits textes
en vers contre tout qu’on ne sait finir
Un conte sans fin mille et une nuits
L’enfance éternelle dans des souvenirs
purs et inventés Ciel par-dessus tête
L’enfance éphémère de nos jours de fête
À LIVRE OUVERT

À LIVRE OUVERT mais sans pouvoir sur ses lignes qui se déroulent et s’échappent comme des serpents
À livre ouvert faisant crisser les mots gros gras grand grain d’orge hors jeu et dans le jeu d’une scène irréelle
À livre ouvert tournant dans la nuit les pages à l’envers lecture improvisée pour oiseaux migrateurs ivres de leurs concerts improvisés
À livre ouvert pages arrachées et qui s’envolent capricieuses offertes à notre humaine condition qui en ces temps crépusculaires aiment plus que jamais
partager les couleurs les lumières et les sons toute la part fragile de l’enfance de l’art
où dansent nos idées
LA PORTE DE MA MAISON D’ENFANCE

Cette rue qui longeait la rivière
Je ne l’emprunterai plus
Et la porte de ma maison d’enfance
Que nécessité me força à mettre en vente
N’est plus qu’un panneau de bois dur
Fermé pour moi à jamais
Mais je laisse là les souvenirs sans suite
J’ouvre la fenêtre
et laisse entrer quelques instants
la fraîcheur sur la passe maritime
d’une première nuit de septembre
Un poème nouveau m’attend
dans sa discontinuité essentielle
et son essai de recomposition
L’éclair d’un geste
Qui ouvre sans le vouloir
La porte de ce poème
Comme un éventail