J’ÉCRIS opus 9





J’écris pour je ne sais trop qui 
et contre je ne sais trop quoi

J’écris sur l’Azur
Et ce soleil de l’enfance

J’écris sur cet ultime vers
Tracé par la main de Machado :
Estos días azules y este sol de la infancia

J’écris pour après tant de paroles vaines
Que survive la parole

J’écris palabras, soledad, llovizna,  
en Lima :
cette pluie fine, si fine, 
un jour où Dieu était malade,
très malade,
en fin de partie

J’écris toutes les nuits
Pour ne pas laisser brûler en vain
La flamme de la chandelle

J’écris sur toutes les paroles entendues
et qui ne sont rien que du silence
si j’en crois ce poète 
qui composa son recueil
page à page
devant la casse, devant le marbre, devant la machine,
prenant une à une les lettres dans leur petit cassetin
pour les aligner dans le composteur
comme faisait son épouse Germaine
qui venait de quitter définitivement leur imprimerie
pour cause de décès

J’écris sur l’oreiller
Tant qu’il y a un peu d’espace vierge
sur ma page

J’écris à part moi
et à part ça je pourrai dire
que j’écris aux autre mois
(faut-il les orthographier avec un s ?)

Si j’écris
Est-ce pour témoigner
Est-ce pour me leurrer
Est-ce pour me concilier la bienveillance
des lecteurs privés d’images ?

J’écris un livre nouveau sous le bras
Comme celui qui vient d’acheter son pain frais croustillant

J’écris sans ambages
Préférant au bon grain
L’ivresse la folle ivraie



évocations citations Antonio Machado, Cesar Vallejo, Gaston Bachelard, Pierre-Albert Birot.


TU TE SOUVIENS DES TEXTES DE L’ENFANCE ?





– Tu te souviens des textes de l’enfance ?

– ?

– Ceux que comme tout apprenti tu as commencé

à laisser galoper innocemment sur la page.

– Ah ! Je ne saisissais pas ta question.

Mais aucun texticule original n’a sillonné

les pages d’un cahier d’imitation.

Je n’avais fils de cultivateurs aucun livre à l’entour

qui m’invitait à singer l’autre culture, la livresque.

– Et donc… ?

– Et donc mes premiers textes écrits  à main de plume (gauloise ou sergent major)

ce furent ceux recopiés sur mon cahier de « Récitations » :

la fable du Corbeau et du Renard, Automne d’Apollinaire,

et le Matin des Étrennes de Rimbaud.

– Ah ! maintenant ça me revient.

Et sur l’autre page on en faisait un dessin colorié.

-Toujours maladroit, mais comme une promesse

d’aurores futures.





Dialogues intérieurs II





Invitation à contribution

Nous survenons en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution.

Paul Ricœur

- Tu te souviens des textes de l'enfance?

- 

L’ENFANCE ÉPHÉMÈRE DE NOS JOURS DE FÊTE





« Les souvenirs d’enfance se ravivent quand on a atteint la moitié de la vie.

C’est comme un manuscrit palimpseste dont on fait reparaître les lignes par procédés chimiques. »

Gérard de Nerval





Cul par-dessus tête et roule barrique

Vaches dans le pré bouses séchées

Tuter les grillons bailler aux corneilles

Pêcher la grenouille avec le farouch

(le trèfle incarnat) accroché à l’ancre

Chanter à tue-tête le temps des cerises

Faire des cabanes et des marionnettes

Mettre un crapaud dans le bénitier

Chasser les corbeaux à coups de pétoire

Lancer les agates les boulards les billes

Jouer au béret et au jeu de barre

Pierres polies font de beaux ricochets

Patience et longueur de fil pour brodeuses

d’abeilles brodeurs de ces petits textes

en vers contre tout qu’on ne sait finir

Un conte sans fin mille et une nuits

L’enfance éternelle dans des souvenirs

purs et inventés Ciel par-dessus tête

L’enfance éphémère de nos jours de fête


	

À LIVRE OUVERT

DESSIN DE SABLE 08/12/2020




À LIVRE OUVERT    mais sans pouvoir sur ses lignes    qui se déroulent  et s’échappent    comme des serpents

À livre ouvert     faisant crisser les mots    gros gras grand     grain d’orge   hors jeu      et dans le jeu     d’une scène irréelle

À livre ouvert      tournant dans la nuit    les pages à l’envers        lecture improvisée  pour oiseaux migrateurs      ivres de leurs concerts   improvisés

À livre ouvert     pages arrachées et qui s’envolent capricieuses      offertes à notre humaine condition qui en ces temps crépusculaires       aiment plus que jamais

partager les couleurs les lumières et les sons  toute la part fragile de l’enfance de l’art

où dansent nos idées


	

LA PORTE DE MA MAISON D’ENFANCE

hypnographies dorio 03/08/2016




Cette rue qui longeait la rivière

Je ne l’emprunterai plus

Et la porte de ma maison d’enfance

Que nécessité me força à mettre en vente

N’est plus qu’un panneau de bois dur

Fermé pour moi à jamais





Mais je laisse là les souvenirs sans suite

J’ouvre la fenêtre

et laisse entrer quelques instants

la fraîcheur sur la passe maritime

d’une première nuit de septembre





Un poème nouveau m’attend

dans sa discontinuité essentielle

et son essai de recomposition





L’éclair d’un geste

Qui ouvre sans le vouloir

La porte de ce poème

Comme un éventail