J’écris de bric et de troc de titres de romans édités par Balland le Seuil Albin Michel Minuit et Calmann-Lévy J’écris pour calmer l’ardeur à rechercher L’homme à tête d’oiseaux, La femme Schibboletch, L’enfant des grandes lessives J’écris sans réveil, montre, monstres marquant le temps des horloges et qui font sommeiller la raison J’écris d’un seul coup d’un seul ou par à coups : arrêts plus ou moins longs, points morts et reprises J’écris depuis peu aussi sur l’application Samsung Notes de mon smartphone, premier texte devant l’exposition Zao Wou-Ki, à l’hôtel Caumont d’Aix en Provence : l’animal l’animot le torrent de coulures les pattes de la lune la tête de Michaux […] bateau ivre à la Sainte Victoire le pin palpite sur la montagne de Cézanne saisie par un calligraphe octogénaire qui livre sans le savoir son dernier combat […] J’écris conscient que moi aussi un jour ou plutôt une nuit je perdrais définitivement la voie J’écris avec mon stylo fétiche V5 hi-tecpoint réfractaire à l’invention du baron Bic J’écris ornithorynque pour voir ce que ça va donner sur le papier (les internautes recherchent aussi échidnés, monotrème, wombat, castor, koala…) J’écris « bec de canard cousu sur la fourrure d’un animal », comme l’écrivirent les scientifiques anglais découvrant le dessin du premier ornithorynque rencontré en Tasmanie, croyant qu’il s’agissait d’un canular J’écris sans prétention aucune : orgueil, vanité, amour-propre, suffisance (je recopie lintern@ute) J’écris pourtant comme s’il s’agissait de petits secrets échangés à la récré avec les élèves Perec, Montaigne, Mallarmé J’écris imaginant les lettres échangées entre eux J’écris à Jean Jacques Dorio comme si je m’appelais Marot J’écris de haut en bas et quand j’ai atteint le bas, je referme les yeux et rêve de Rio de Janeiro
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LA GAULEUSE DE VOIX
Gauler des noix comme des voix
qui tombent
une à une
Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une voix ?
Allons racontez-moi…
Mais avant de me raconter
Posez s’il vous plaît la faux sur vos genoux
Vous l’avez bien assez aiguisée comme ça
C’est le soir
La gauleuse de noix ne viendra plus
Allons dites-moi tout…
De l’autrefois et de l’aujourd’hui
Du bon vivant et de l’endeuillé
De la faucheuse que vous avez égarée
En lui donnant un de vos hétéronymes
Je m’appelle Clément
Lui avez-vous dit
Clément Marot
Celui pour qui
La mort n’y mord
CE N’EST PAS SI SIMPLE
Ce n’est pas si simple d’écrire cette vie
Luttant contre le vide du sommeil
Et son trop plein de rêves
Le vivant touche au mort dans son sommeil
Éveillé il touche au dormeur.
(une traduction d’Héraclite « l’Obscur »)
Vie et vide Somme et sommeil
Plume en son « plume »
Tout poète libre penseur
Sans la musique d’un vers n’est rien
La mort n’y mord
Blason merveilleux tissé par Clément Marot
Ce n’est pas si simple mais l’on essaie
De pièces sortant du four noires et ratées
Aux belles irisées
C’est la Voie
Forgée dans l’inachèvement systématique
Et ce commencement qui n’en finit pas
L’étrange formule qui nous tient éveillé
Et nous réanime
J’AIMERAIS MIEUX PAS
J’aimerais mieux pas t’écrire poème
Il fait trop triste dans mon cœur
Et trop de morts en moi se meuvent
J’aimerais mieux pas
Mais voilà c’est le paradoxe
Le premier vers hardi se pose
Sans que je l’y invite
Sur cette page qui se défend
Mais n’en peut mais
J’aimerais mieux pas j’aimerais passer
Mais comme une mécanique
Ma main magnétique continue
À Dada sur mon papier
Lors me retrouve bon gré mal gré
Poète dépourvu incapable d’interrompre
Ce labeur contrefait*
Et puis flûte ! Réflexion faite
Je dois à mon grand dam le constater
En faisant à contre cœur ce poème
Tristesse et douleurs ont passé
Il était temps de l’avouer
*allusion à Clément Marot
prince des Poètes
EMPLOI DU TEMPS
EMPLOI DU TEMPS, temps mort, temps perdu, temps retrouvé, ô temps suspens
ton vol, temps élastique, temps employé à ne rien faire, à faire l’enfant, à croquer
le marmot, danser le tango, tant va la cruche à l’eau, allo allo quelle nouvelle ?
lis donc Le Temps, le journal de Genève, le temps banquier, le temps banquette,
le temps boit l’eau de la fontaine, devant laquelle le poète Marot concourt, mourant
de soif, le temps court, le temps long, cours cours camarade, le vieux monde est
derrière toi, le temps sur la mer, toit tranquille, le temps des colombes de la paix,
le temps des assassins de la poésie, le temps des patatipatalis et des patatatipatalas,
le temps d’un alexandrin : si je parle du temps, c’est qu’il n’est déjà plus, il est temps
de boucler, cet exercice, ce laps où je n’ai pas vu le temps passer.
italiques : Lamartine, Queneau.