J’ÉCRIS opus 10





J’écris de mémoire en me remémorant les moires, les reflets
et leurs effets capricieux

J’écris entre égarement et confusion,
en attendant de retrouver,
comme par miracle,
les rimes et les rythmes
des Chantefleurs et des Chantefables

J’écris pour le négrillon qu’Ali Gator
voulait croquer au réveillon

J’écris pour la baleine
et pour ses baleineaux 

J’écris pour la jeunesse de Robert le Diable
transfiguré en dromadaire
pour son ami Apollinaire,
en ver luisant
pour Edouard Glissant

J’écris Tout Monde
Tout l’monde est malheureux
Tout l’temps

J’écris de Natashquan
Où le temps s’arrête

J’écris de ce pays
Où Vigneault m’attend

J’écris pour l’œil des hiboux
Qui voient rouge
Quand ils me voient cultiver
(noir sur blanc)
Le tumulte et le changement

J’écris de droite et de gauche,
Dextroverse, sinistroverse, arabe, hébreux

J’écris chinois

J’écris de plume et de calame,
De pinceau et de stabilo,
Ces feutres pointes fines
Que j’apprécie particulièrement

J’écris ironie de l’histoire
à ma fille gauchère
qui me lit en miroir
et se faisant m’aide à parfaire
mon dictionnaire à part

J’écris n’en revenant pas
D’avoir été gamin, enfant,
Homme jeune, quadra, quinqua
Et dans quatre ans (qui sait ?)
Multipliant par quatre mes vingt ans

J’écris envoyant
au diable l’écriture et les âges de la vie

J’écris comme un commencement
qui recommence
Et qui n’en finit pas



Avec Robert Desnos, Apollinaire, Edouard Glissant, Gilles Vigneault, Baudelaire, Pauline Dorio



APRÈS LA PAGE BLANCHE





Après la page blanche une autre page blanche

Effronté comme un page Sous les pavés la plage

On devient chocolat en faisant poésie





Après la page blanche le coup de dés fatal

Un poème de deuil après le dur cancer

vainqueur On devient fou À tort et à travers





On crie sur le papier On rend ce crâne vide

à son rire éternel On redit Valéry

au cimetier’ marin où picorent les focs





Sur cette blanche page qui s’irise de gris

Un non-sens verlainien sur l’ardoise indécise

Proche du pur zéro et d’un poème toc





Après la page blanche une autre page blanche

C’est la tienne lecteur grognard de poésie

Qui poursuit impassible le déni de sa mort

L’écriture d’un vers qui te fait chocolat





Ah ! ah ! les vibrations du vieil alexandrin

Jusqu’à ce derniers vers…inachevé pardi !





25 mai 2021





À la mémoire de Josiane Dorio (10 avril 1952-25 mai 2014)

Ma chérie

MACHINA MEMORIALIS





L’art est un labyrinthe infini d’enchaînements.

Lev Tolstoï





Machina memorialis : contre le sentiment d’abandon

devant sa planche d’écriture,

chacun.e à sa manière construit cette machine

qui fabrique des images.





La plupart en font « tout un cinéma »,

prenant le mot au premier degré,

et quelques autres, l’immense minorité*,

continue à les créer…sur du papier.





Cette nuit, en vrac, ce sont

les escaliers à double révolution de Chambord,

la tapisserie de Bayeux avec la broderie figurant la comète de 1066,

un photo de Borges, aveugle, feuilletant avec le plus grand des sérieux

une encyclopédie,

et ce dessin étrange que l’auteur de ce texte fit,

avec une plume trempée dans son encrier Waterman,

le dix février 1981.

*c’est ainsi que Machado désignait les « poètes ».

10/02/2021

sur un de mes cahiers d’écolier

POÈME FLASH





poème flash « à la voix »

la flache
où vers le crépuscule embaumé
un enfant accroupi

 lâche
un bateau frêle

comme un papillon de mai

(selon Arthur Rimbaud)





D’où sort-il celui là?

D’un flash traversant le monde aléatoire

De ce poème

qui ne sait (pour l’instant)

sur quel pied danser





Au doigt mouillé je l’oriente

vers cette part d’inconnu

qui, d’un mot à l’autre,

invite le lecteur à naviguer

au long cours ou dans la marge

de sa mémoire revigorée





C’est un peu trop ronflant tout ça

me chante une Joconde à moustaches

libérée des flashs des Japonais

La mariée descend l’escalier

Sous les traits d’un Marcel Duchamp

alias Rrose Sélavy

Les applaudissements des potaches

Et les cris insatiables des martinets





21/01/2021

POÈME NE NAÎT PAS D’UN DON

manuscrit avec en vis à vis des signes tracés comme en hypnose




Poème ne naît pas d’un don

À Dieu je n’en fais reproche

Lui-même est le songe insensé

Sorti d’une encyclopédie

D’aveugles poètes impies





Poème naît d’effacement

De longue errance dans les livres

D’un moi pluriel qui réalise

L’alliance de Mémoire et d’Oubli

De métaphores vives et d’ironie





Ce poème s’est tissé en égrenant les lignes

De « poema de los dones »,

Une aimable fantaisie

Dont les dons, un à un,

Se magnifient et s’annihilent.





C’est Borges qui me l’a écrit.





17/01/2021