Cinq heures. Un lit solitaire Non glacé. Tout se tairait Sans le bruit des acouphènes. L’air est blanc comme les murs. À mes côtés se réveille Le grand Sphinx du deuil profond, Démesuré, qui m’affecte. Personne d’autre que moi N’est en mesure de dire Cet élan mystérieux En manque du mot absent Qui tombe en vers réguliers Sur l’énigme du Néant. Lecteurs, essuyez vos yeux.
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COMME UN TOMBEAU DE POÈTE

Avant de rendormir les douleurs et les cris
Je lis Frénaud Follain folles guêpes bourdons
Les yeux pleins de fourmis noires et de Néant-
-la-Môme chérie – loin des chichis – de Tardieu
Avant de rendormir les douleurs et les cris
Sois tranquille Philippe qui vient de t’en aller
Le poème ennemi tu ne traceras plus
Tu ne chercheras pas le fin mot de la fin
Ta mort tu le disais poursuivait son chemin
Sois tranquille Philippe qui vient de t’en aller
Les extrêmes se touchent écrit Blaise Cendrars
Il chante Bilbao d’autres le bilboquet
Ou cette fleur absente de nos derniers bouquets
Je t’écris lettre à lettre avec de l’encre bleue
« L’art est long si long La vie en revanche courte
Elle coupe comme un couteau »*
Nos pages noires du tombeau
*Largo es el arte La vida en cambio corta
como un cuchillo
Angel Gonzalez
ET DE JEAN TARDIEU LA MÔME NÉANT
Les violons de l’automne de Verlaine
Les roses cueillies par Ronsard
La corde des pendus de François Villon
Et de Jean Tardieu la môme Néant
La peinture à l’ahouile de Boby Lapointe (fine)
La sardane de Charles Trénet
Le père Ubu d’Alfred Jarry
Et de Jean Tardieu la môme Néant
La passante de Baudelaire
Le cornet à dés de Max Jacob
La négresse blonde de Fourest
Et de Jean Tardieu la môme Néant
Les escargots à l’enterrement d’une feuille
écrite par Jacques Prévert
Les Alyscamps de Paul-Jean Toulet
Le hareng saur de Charles Cros
Et de Tardieu la môme Néant
La langue verte de Géo Norge
Les cerfs-volants de Romain Gary
La pipe en majesté de Magritte
Et de Tardieu la môme Néant
Le coquelicot chanté par Mouloudji
La cage aux oiseaux de Perret
Les Marquises de Jacques Brel
Et la môme Néant de Monsieur Jean
Le piano du pauvre de Ferré
Le petit Liré de Du Bellay
L’autobus S à une heure d’affluence
de Raymond la Science
La môme Néant de Jean Tardieu
qui en fin de « conte » A’xiste pas
Le petit cheval dans le mauvais temps de Paul Fort
Les amours jaunes de Tristan Corbière
Les cœurs purs de Jean-Roger Caussimon
Et de Tardieu la môme Néant
Les ardoises du toit de Reverdy
Le cageot de Francis Ponge
Le gorille de Tonton Georges
Poursuivant le vieille décrépite
le juge en bois brut
Et la môme Néant
Le transsibérien de Blaise Cendrars
Le pont Mirabeau de Guillaume Apollina ire
L’écume des jours de Boris Vian
Et de Tardieu la môme Néant
Papiers collés de Georges Perros
Temps retrouvé de Marcel Proust
Le blason : LA MORT N’Y MORD
de Clément Marot
Et la môme Néant
Les Bouffes du Nord de Peter Brook
Le Livre de sable de Borges
Le nocturne indien d’Antonio Tabucchi
Et de Jean Tardieu la môme Néant
L’arc et la lyre d’Octavio Paz
Le livre de l’intranquillité de Pessoa
La vie mode d’emploi de Georges Perec
La môme Néant de monsieur Jean
Les villes invisibles de Calvino
La plaisanterie de Milan Kundera
La vie dans les plis d’Henri Michaux
La môme Néant de Jean Tardieu
À quoi qu’a pense
À pense à rien
A’xiste pas
J’AI LA RÉPONSE QU’ELLE EST LA QUESTION
J’ai la réponse qu’elle est la question
Les imbéciles heureux dansent ainsi
sur les plateaux de télévision
C’est la danse macabre des avis non partagés
par les spécialistes du tout et du rien
Mais qu’est-ce que tu racontes
me chante l’ami Tardieu
Monsieur Jean qui mouline
sa complainte de la Môme Néant :
« qu’a dit rin, qu’a fait rin, qu’a pense à rin »
puisque « A’xiste pas ».
Entre temps mon crayon cassé
ma table du dimanche renversée
J’ai fait quelques traces
de cet art éphémère des sables mouvants
alors que le soleil couchant
brûlait ses dernières flammes


ON NE SAISIT RIEN

On ne saisit rien. C’est ce que comprennent peu à peu, ceux et celles qui s’obstinent, avec méthode et persévérance, à lancer leurs calligraphies, leurs graphismes, leurs exorcismes, leurs écrits de rêves et d’émotion. Sur chaque page blanche, sur le poème qui à mesure qu’il s’invente nous métamorphose.
Chatoiements, bigarrures, danse de la mémoire qui recule vers le futur, images à foison, qu’il faut croiser avec nos corps de l’enfance au crépuscule, sur le manège de nos vies, nos lectures, nos musiques sonnantes et dissonantes et l’apport inestimable de nos si rares soutiens de vie.
Et après, petites graines feront pousses nouvelles, ou s’en iront sans reprises dans le néant.