MA VIE À MOI

MA VIE À MOI à toi à tu Ma vie parlée et ma vie tue Ma vie l’esprit débordant du cadre de mes photographies (du bébé joufflu au dernier portrait que m’aurait fait Nadar allongé dans mon plumard) Ma vie rêvée l’ai-je bien fantasmée ? Ma vie d’un « je » ouvert par la littérature d’un reclus célèbre couchant sur le papier les vies de personnages de salon qui se croyaient immuables quand tout leur monde était en train de disparaître Ma vie à moi écrite en maints poèmes sur les ardoises du toit Ma vie donnée dans l’abécédaire d’un dictionnaire à part moi Ma vie du vieil homme et la mer Ma vie de Montaigne à sauts et à gambades Ma vie délibérément anachronique « vie fugitive » « vie devant soi » Ma vie de vieux muet assis dans le métro lisant le capitaine Fracasse en bande dessinée Ma vie croisant ces mots de l’auteur de la vie mode d’emploi : « Un père éternel » réponse « Lachaise » Ma vie de bâtons et de lettres disparaissant dans des cartes et feuillets noircis en secret entre soi et soi entre moi noir chevelu et moi blanc dégarni Ma vie et moi et toi ma conscience de l’instant qui vient séance tenante m’en libérer

UNE VIE ORDINAIRE en mille et un fragments

en cours d’écriture

J’ÉCRIS L’AURORE AUX DOIGTS ROSES

J’ÉCRIS L’AURORE À MES DOIGTS ROSES J’écris ce début sans fin J’écris cette suite digressive dont je me fais un bouclier J’écris pour des lecteurs imaginaires qui n’y voient que du bleu J’écris pour Pierre Ménard inventeur de Don Quichotte polémiquant avec Paul Valéry refusant d’envisager que la marquise pût sortir à cinq heures J’écris avec la main gauche cette écriture en miroir qu’affectionnait Leonard J’écris à la lisière des ouvrages de démonomanies brûlés par les églises pontificales et littéraires sous prétexte que leurs démons jouxtaient de trop près leurs dieux J’écris pour faire sortir de leurs pages d’encre et de papier les personnages de fiction qui viennent à mon chevet me préparer à les rejoindre…le jour d’après

PERDRE LE FIL

Perdre le fil sur ces feuillets maculés de poudre Legras avec lequel Monsieur se faisait des fumigations qui loin de laider à guérir de son asthme le tuaient à petit feu. Valériane, cascara, trional, tétronal, fumigants quil vantait à ses correspondant.e.s, tout aussi drogué.e.s que lui.

Perdre le fil ? Vous plaisantez ! Le narrateur avait toujours son idée, point à lendroit, point à lenvers, seuls lappelaient « fouilleur de détails » ceux qui ne percevaient pas le « chercheur de grandes lois ». Et, par exemple, lincarnation de types dêtres chez qui « le remplacement successif de chaque cellule par dautres a amené un changement complet et une métamorphose. »

Un fil perdu, dix de retrouvés. « Alors quoi ce livre, ce nétait que cela ? Ces êtres à qui on avait donné plus de son attention et de sa tendresse quaux gens de la vie, nosant pas toujours avouer à quel point on les aimait. »

À quel point reprenant chaque nuit le fil dun récit imité des Mille et une nuits, on avait voulu que « le livre continuât », lui ajouter encore un mot, une ligne, une phrase, une page, afin que leurs personnages continuent à vivre et à proliférer, afin que demain ils soient préservés « de nêtre plus quun nom sur une page oubliée ».

Citations Marcel Proust préface de Sésame et les jours

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

CAHIER DE PLAGE un 15 août

espontaneo 15/08/2020 midi




CAHIER DE PLAGE

J’ai sous les yeux une page d’un livre célèbre dans le monde entier. Je la lis par intermittence, et quand je lève les yeux, j’ai devant moi, une mer d’huile, ses bateaux, ses gens et sa rumeur, ce 15août 2020.

Toit tranquille, mais à la place des focs, vus et imaginés sous forme de colombes par le poète du Cimetière marin, ce sont les lourds et grands bateaux, porteurs d’or noir, de gaz ou de minerais, qui à l’arrêt, attendent leur tour pour un transvasement, dans la rade de Fos ou celle de Lavéra Martigues.

Des familles s’installent, derrière moi, près des rochers ; ils déballent ce qui sera leur repas de midi, avec le petit réchaud pour la cuisson.

Retour au livre dont l’auteur, un brin confondu avec le narrateur, veulent me persuader que les personnages sur la page et leurs émotions, les paysages et leur description, exercent sur sa pensée, une bien plus grande influence, que les personnes autour de lui et le jardin, où il fait dans le ravissement ses lectures d’été.

-Non, non, répètent les vagues qui me lèchent les pieds et me transportent ailleurs ; sur cette presqu’île de Goajira, par exemple, dont les plages immenses et sans personne, tutoient les dieux.

UN POÈME MAIGRELET

une page mise en scène de 25 personnages en quête de lecteurs




C’est un poème maigrelet

À mesure qu’on le lit

Il disparaît





Il sort des yeux comme l’on dit

De quelqu’un de fat

Ou d’un livre out





Et dans la bouche c’est la voix off

Au goût de cendres

Et de haillons





Inactuel et maigrelet

Il meurt il meurt

Et disparaît