NE RIEN FAIRE





NE RIEN FAIRE, sauf respirer…et lire, mais en levant souvent les yeux, jetant alors, comme négligemment, sur le papier, cette prose musicale- du moins, je l’essaie.

Le personnage d’une nouvelle de Poe, si j’en crois le romancier espagnol qui rapporte le fait, prend « un interés tranquilo pero inquisitivo hacia todo ». Pour toute chose, il manifeste, deux attitudes en apparence contradictoires. Un intérêt tranquille (je suppose qu’il prend son temps, ne se met aucune pression pour résoudre l’énigme), mais « inquisitorial » ! (il tourne et retourne, « littéralement et dans tous les sens », ces choses qui passent sous son radar ? il fait du Ponge sans le savoir ?). Je n’oublie pas, toutefois, que le tout se déroule dans le flux et le rythme musical, créés par une « nouvelle ».

NE RIEN FAIRE, c’est déjà bien assez pour écrire ainsi, en vis-à-vis, sans compter/conter.

J’envie l’époque de Baudelaire, où ces petits poèmes en prose, flottaient, apparemment perdus, au milieu des pages de journaux de Paris.

NE RIEN FAIRE, la suite m’appartient. Elle ne paraîtra pas sur cette page cartonnée, blanche, dos de couverture de mon premier recueil de poèmes publié.

Oublie tout ce que tu sais sur la littérature, la poésie, la vie écrite dans les journaux du matin ou du soir ou, désormais, sur l’écran (cette mort programmée du lecteur de papier). Passe ta mine dans le taille-crayon, prends un livre, une page vierge en vis-à-vis, et sans rien faire, commence, ici et maintenant, ton exercice de petite prose poétique, limité à une page, pas plus.  

Petites proses poétique en une page

En temps de Covid (sévère), je vous propose un exercice de lecture et d’écriture, partagées.

Pour faire simple, il s’agit d’écrire une série de « petites proses poétiques, en une page ».

1 Tracez sur votre feuille A4,  un rectangle de 16×20 cm. (c’est le format commun).

2 Lisez le texte-souche, ci-dessus, 3 minutes, puis quittez-le des yeux.

3 « NE RIEN FAIRE, sauf… » ce sera votre début (l’inducteur). Que vous répèterez, autant que vous voudrez. (anaphore)

4 Écrivez à la main, en essayant de ne jamais raturer. (ce qui impose un certain « régime d’écriture », maîtriser sa vitesse, ne pas s’emballer).

5 Quand il n’y a plus d’espace sur la page, le texte est terminé.

6 Le recopier (mais rien ne presse, on peut laisser la pâte reposer), sur le clavier de l’ordinateur. Cette fois, vous avez toute latitude pour le modifier (mais à la marge).

7 Envoyez-le en doc joint à mon adresse doriojeanjacques@gmail.com, et je le posterai, tel quel, sur le blog.

8 Il n’est pas sûr que à partir de mes braises le feu se propage, mais sait-on jamais ?

9 Il en est des livres comme du feu dans nos foyers : on va prendre ce feu chez son voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres, et il appartient à tous.  Voltaire

F.P en long en large et de travers

 Ne jamais essayer d’arranger les choses.

  Les choses et les poèmes sont inconciliables.

                                              F.P.





À vingt ans beaucoup de Ô ! ( à l’ancienne)

passaient encor sous ses ponts

Mais déjà un glossaire y serrait son Littré

une promenade iconoclaste

dans la serre des mots





Après la mort du père la promesse du fils

d’un même arbre contre le tronc

« Le parti pris des choses »

pouvait se décliner :





le rideau le réseau de la pluie

gouttes d’un grain de blé

d’un pois presque d’une bille 





  le cageot entre la cage et le cachot

 mais dont il convenait de s’évader

 si l’on voulait vraiment célébrer

 l’utilité de cette caissette

tel un  proème qui ne sert qu’une fois





l’huître opiniâtre blanchâtre

petite forme engloutie avec son firmament





le papillon erratique allumette

et tout le bataclan :

une ménagerie d’objets successifs

dont le maître fit bon ménage

remuant en tous sens

leur substance leurs aspects

se gardant bien de manifester

un quelconque ronron poétique :

         son horreur !

!

   Cependant il faut lire jusqu’au bout

   et quand c’est longuement

   le poisson plat soudain baigne dans un soleil

  se levant sur la littérature





 On croît rêver !

Mais non c’est bien Horus

ce faucon ailé qui traverse la page

 en changeant le sexe solaire

 pour la plus grande joie

  de l’Eros bien encré du scripteur





   Apaisé vers la fin « Francis Ponge »

– puisqu’il faut l’appeler par son nom –

  se laisse enfin aller et feint de rendre ses armes

  pour gésir dans un pré

 interminablement





Il range alors ses caractères

dans ce bas-de-casse

– Ô traces humaines à bout de bras !

           Ô sons originaux! –

avec pour ultimes témoins

      le Fenouil et la Prêle : ses initiales !





      Croissant avec l’ardeur d’un clavecin de Bach

                 Quoi qu’il en soit !

                         *

suite épistolaire : 

« une lettre qui n’en est pas une dans une prose qui n’est pas sans aspérités,

puisque toute pleine des choses, engrossée par elles, mais remplie de saveur. »

André Bellatorre

TROIS PIÈCES MANQUANTES RETROUVÉES





TROIS PIÈCES MANQUANTES RETROUVÉES





Notre écriture se forme dans la mouvance des écrivains que nous découvrons.

Leur constellation unique façonne un puzzle dont nous sommes en quelque sorte

la pièce manquante.

Georges Perec





NOTRE INSTITUTRICE DE VIEILLE ROCHE





Sur l’ardoise ce coup de craie

Et toc toc toc cette musique

Que faisaient nos mains écolières

De l’aride calcul des pourcentages

À l’ardeur des dictées mentales





Encadrée d’un bois orné de nos noms

Et tenue par une ficelle

Elle était notre institutrice de vieille roche





Quel plaisir de relire cette formule

Qui perle

 Au gosier de Maître Ponge !





UN POÈME QUI NOUS MÈNE EN BATEAU





Le poème te mène en bateau

Ce sont les mots premiers

Qui me sont venus

Mais je ne les ai pas écrits





Bien d’autres entrées

Se sont heurtées

Au refus

Ou à l’indifférence





Poème en absence

Barque légère

Inquiète et têtue*

Montée par les ami.e.s

Du pont des poésies

Et du bon temps de la vie





                                                                *Francis Ponge





NOS MOTS FLOTTANTS DU GOUFFRE OBSCUR





Le poème doit beaucoup

à ses conditions d’existence :





Ce petit rectangle de carnet A6 Kraft

L’écriture au lit pendant la traversée des nuits

Mes lectures en pointillé

Et le stylo noir qui fait bruire

Le gouffre obscur

Des mots flottants*





*Victor Hugo

SONNET QU’ON NE SAIT SUR QUEL PIED DANSER





à Jean-Louis Rambour

un maître en la matière

Lisez ses 24 sonnets publiés dans son roman

« Le cocher poète »

(Editions L’Herbe qui tremble)





Chaque être s’enchevêtre, de lui-même incompris.

Il n’a ni Dieu, ni Maître, mais rêve d’infini.

Il forme le dessein de lutter pied à pied,

Mais la raison l’égare et la rime le fuit.





C’est le texte qui crée sa propre rhétorique,

Lisait-on dans les temps des odes inachevées,

De la chèvre à la boue, du lézard à la barque*,

On patauge dans les choses de pays ignorés.





Modernes anti modernes, nos obscures lumières

Bricolent et houspillent les vieilles vieilleries.

Sous douze pieds de vers comme des mouches vertes,





Partout dans l’Univers des atomes obliques

Engendrent tous ces signes qui nous rêvent éternels.

Chaque être se libère de ses mimologies.





*Francis Ponge





29/04/2020

L’ENTRÉE DU PETIT BOIS DE PIN

23/03/2020
midi




Il n’y a personne

À l’entrée du petit bois de pin





Ni le héros de l’Odyssée

Ni Ponge l’antipoète 





Il y a ce promeneur solitaire

Qui prose ces quelques vers





En regardant les aiguilles

Danser au vent léger 





ne passez pas vite
cher.es lecteur.trice.s
ne vous trissez pas
profitez de la grève générale
pour redonner à l’imaginaire
sa réalité