GARE AU POÈTE !





Les poètes usant de vers polymorphes

Sont traités le plus souvent avec suspicion

Sur la scène du monde littéraire

Gare au gorille





Gare aux hétéronymes de Monsieur Personne

Pessoa le Portugais :

Combien suis-je ? Qui est moi ?

Questions d’un inquiéteur

Pour ne pas dire d’un sublime emm…





Enquanto en vir o sol luzir nas folhas

E sentit toda a brisa nos cabelos

Não quererei mais nada

« Tant que je vois feuilles luire au soleil

Et sens la brise en mes cheveux

Je ne désire rien d’autre »





À part l’écrire le chanter

Puis oublier mon feuillet

Dans la malle à poèmes

Des banquiers anarchistes

Gardeurs de troupeaux

Et autres buralistes

Qui offrent leurs cigares

Aux fumeurs versés dans la métaphysique


	

COMME SI COMME ÇA fantômes de papier sur le chemin des indiens morts





Comme si comme ça

Sur le chemin des indiens morts*

Je cherche toujours mon Eurydice

Faisant le tour des jours et des nuits

En quatre-vingt mondes

Mais comme mes pas perdus

les pages de ma bibliothèque universelle

sont décousues





Il y nage un bestiaire peu commun

Dont ce matin les axolotls

Aux yeux d’or et au petit visage aztèque





Il en sort des personnages

réduits à « l’insubstance »

des fantômes de papier

Comme ce faux Perec

montant son livre d’une vie

sans mode d’emploi





 C’est un monteur d’images  faisant son cinéma

qui m’a suggéré ce dernier trait

Comme ça comme si

Son nom est Personne

Ou bien Monsieur Souci





*Michel Perrin (sur les mythes des indiens Goajiro)

Les axolotls m’ont été « donné » par Julio Cortázar

cette nuit le premier jet était brouillon

JE (multiple et singulier)





« Il est très important de ne pas confondre la première personne du singulier avec la première personne singulière. »

Alberto Manguel





1

En poésie, naturellement,

quand on lit « Je cours la campagne »,

si l’on réduit je, à moi-je, c’est fichu.

Et d’ailleurs c’est, réflexion faite,

je bats la campagne,

je fends les flots

et je cours les rues.





Selon des titres de recueil de Raymond Queneau





2

Et dame

Il n’y a pas d’âme

Et l’ego

N’est rien

Qu’une petite erreur

Sans conséquence

Ainsi je

N’est pas moi

Je « est » Personne

Dans la caverne de Polyphème

Je « est » la Dispersion

D’insectes noirs

Qui hantent les yeux de ma bien-aimée

En fin de vie

Je « est » la Joie communicative

Avec le fils de ma fille

Et nos jeux enfantins

Je « est » spirale

De ce poème 1338

Écrit au lit

Nuit à nuit

Sans rien au bout

Qu’une voix multipliée

Sans personne





PLAISIR D’ÉCRIRE ?

premier jet




PLAISIR D’ÉCRIRE ?

                Sans le plaisir d’écrire, d’abord avec la main tenant ce stylo bleu ou noir, avec sa pointe plus ou moins fine, nul texte chez moi ne naît.

                Nul texte ne s’enfante.

                Mais cependant,  ce premier jet réalisé, la plupart du temps, je m’arrête.

Plaisir d’écrire conduit trop aisément au bavardage. Le bas vardage c’est pour le pépiement, les clichés, les lettres moribondes

L’écriture, tout au contraire, se fait dans « la plume en absence » du bruit autour de soi, des certitudes, des évidences désuètes.

Cette page, par exemple, a accepté le vide, l’attente de cette voie sans personne, dont j’ignore, à cet instant précis, si elle va m’ouvrir un chemin nouveau ou me conduire à une impasse.

Soumettre ce texte au « grand  ordinateur » me permettra, de le modifier « à la marge », avec le désir d’y voir un peu plus clair.

01/02/2021

ON N'ÉCRIT PAS SANS Y LAISSER DE PLUMES




On n’écrit pas sans y laisser des plumes

Plumes d’écolier

plumes gauloises

ou sergent major

que l’on mouillait

sur son poignet

avant de suivre la ligne

des pleins et des déliés

Lundi 14 mai 2018

Morale :

il faut s’appliquer et persévérer.

On n’écrit pas sans y laisser ses plumes

de jeune oiseau piailleur

puis de vieil oiseau gouailleur

emmêlé à la fable du monde

On n’écrit pas sans ses rêves d’enfant

oiseau de vie « oiseau secret qui nous picore »*

oiseau de mort qui disparaît avec nos corps





*Supervielle





Astoria dans le quartier du Queens

New York

14 05 2018

PERSONNE





Pour être « tous les hommes », on inventa Personne,

Ce nom qui, portugais, fleurit en Pessoa.





« Une voix sans personne », formule de Tardieu,

Notre Jean qui, hélas, n’a pas la gloire de l’Autre.





Ulysse l’inventif en se nommant Personne

Mit en rage le monstrueux Cyclope de l’Odyssée.





Personne persona per sonare le cor et l’oliphant,

La parole des drames et de nos comédies.





La dernière pièce s’appelle Covid,

On entend les hauts cris

Sur le Confinement dû à la pandémie.





Mais nulle Reconnaissance,

Pour ce moment d’exception

Qui invite à faire un retour sur soi-même,

Entre les vaines craintes et l’« intranquillité »





À la recherche d’un langage

Qui nous permette de mettre à jour,

Nos « obscures clartés. »





18/01/2021