J’ÉCRIS opus 6





J’écris sur les murs du Grand Mai et sur les pavés des cathédrales

J’écris sur la plaque d’égout de Pont à Mousson à Pont Saint Esprit


J’écris à dire vrai en attendant ces mots cachés qui soudain m’apparaissent et que je couche sur le papier


J’écris ce dialogue intérieur d’un scribe qui pratique la déformation systématique, la moquerie, la gibe

J’écris à ce corps éphémère sous l’espèce de persévérance que Spinoza, si j’ai bien lu, appelait l’éternité :


De ce qu’un peu auparavant j’ai été il ne s’ensuit pas que maintenant je doive être le même

J’écris appuyé sur un grand livre à la couverture moutarde

J’écris aspiré par le bord de la nuit à pas de loup dit le haïku


J’écris à la renarde qui passe entre les lignes d’un poète animalier


J’écris l’été de mes douze ans dans un chalet loué en Gaspésie

J’écris petit moineau à qui on donne la becquée


J’écris à côté du laboratoire central becquets et paperolles sur  de petits papiers


J’écris à la Nébuleuse de l’Aigle à sept mille années-lumière

J’écris en aveugle sur le banc des accusés de fuite en avant dans le poème






 




 




J’ÉCRIS opus 3

L'homme écrit sur du sable
Moi ça me convient bien ainsi
L'effacement ne me contrarie pas
À  marée montante je recommence

Jean Dubuffet

J'écris noir sur blanc avec beaucoup de blancs
dont j'ai besoin pour écrire un poème

J'écris sans hésiter mais si lentement
que quand je me décide j'ai éliminé
ce qui m'était venu à l'esprit d'emblée

J'écris dans la nuit blanche des poèmes
antérieurs à toute écriture
comme un chant itinérant

J'écris d'un lieu à l'autre
allongé dans le hamac le lit
marchant dans les Andes péruviennes

J'écris devant le lac Titicaca
et sur la pierre du soleil de Machu Picchu

J'écris avec le pinceau de Mi Fu
c'est le va et vient du souffle
qui fait que trait est gros ici
et maigre là

J'écris maigrelet des formes et des lignes esquissées
esquisitas (délicieuses)

J'écris en noir de Chine' des phrases sans mots
Dessinant sans que je m'en mêle mes hypnographies



hypnographies Jean Jacques Dorio

J’ÉCRIS opus 2





J'écris comme un délire ce vers à goût de nuit
Puis cet autre oubliant sur ma lyre qui je suis

J'écris ce poème désuet sans attrait
Dans le désert d'une chambre blanche    à grands traits

J'écris avec mon nouveau stylo Stabilo
(pour surfaces lisses, papier, verre, métal)


J'écris par intermittence mais sans ratures
Une présence qui essaie d'oublier toute littérature

J'écris en feuilletant des livres, en général
Ô lit heureux l'unique secrétaire de mon plaisir*

J'écris en particulier sur des livres que personne plus ne lit
à part ceux et celles qui côtoient des rimes à n'en plus finir

J'écris à voix basse ou de cette voix sans personne
qu'affectionnent les poètes qui privilégient la mise en page

J'écris cette quinzième ligne qui atteint la limite
de ce poème à lire...les yeux fermés

*Rémi Belleau (1528-1577)

QUE SE PASSE-T-IL QUAND ON RÉFLÉCHIT À LA POÉSIE ?





Que se passe-t-il quand on réfléchit à la poésie?
Celle qu'on lit - au lit chaque nuit -
Celle que l'on écrit - en la lisant -
Depuis belle lurette ( me souffle un joyeux luron)

La poésie ? Vous voulez rire !
Disons plutôt la lecture et l'écriture
D'un petit bout de texte que l'on appelle
un poème - verticalement c'est la forme que je préfère -

Mais on peut aussi inspiré par les petits poèmes en prose
proser à l'horizontale son rameau poétique
Depuis le début - la fatale première ligne-
Il s'en est passé des choses et des pensées
Ne trouvez-vous pas ? Ne trouves-tu pas
lecteur qui est aussi ma lectrice (et vice versa)