PAGES D’ATELIER





Beaucoup de mes poèmes sont des pages d’atelier

écrites à loisir et selon…





le rythme de la plume, les citations juste amorcées,

Kairos le moment unique qu’il ne faut pas rater,

la fantaisie,

le croisement des disparu.e.s et des vivant.e.s qui se chuchotent

les mots issus des banalités de la vie ou des réminiscences de poèmes,

les saignées propres à l’Ancien régime,

les chimiothérapies : cet horrible oxymore,

les sonnets en X des symbolistes,

l’ABC du bestiaire de Borges.





Beaucoup de mes poèmes n’en sont pas,

ou bien sont ces petites pièces décousues

collées sur les pages de mes carnets d’atelier

et destinées à leur disparition

Personne n’y verra que du feu

POÈMES ENTERRÉS





Tous mes derniers poèmes sont ratés

Ou plutôt selon l’expression à la mode

Ils ont des trous dans la raquette.





La raquette en l’occurrence c’est la page

sur laquelle, entre deux silences,

je distille en toute innocence

les mots de la tribu des poètes disparus.

Dilués et perdus dans des lignes sans fin

en lutte avec le sens, l’image, l’aporie.





Tous mes derniers poèmes sont à enterrer,

à déposer dans le carré de mon jardin

prévu à cet effet.

« Afin que quelqu’un d’autre puisse les reprendre un jour »

Ou jamais.





source :

À la fin d’une histoire le conteur africain appuie la paume de la main

contre la terre en disant :

« Je dépose ici mon histoire »

Puis après un silence, il ajoute la formule qui clôt ce poème.





tous mes derniers poèmes sont ratés

POÈMES SUR LA TOILE









Mes poèmes sur la toile, « postés » dans l’immédiateté,

sont, pour le moins, « anthumes »,

selon la plaisanterie d’Alphonse Allais.





Sur « poésie mode d’emploi »,

de textes posthumes,

il n’y aura pas.





C’est dire la minceur de mes traces,

à la merci d’un simple clic,

qui, après mon dernier couac,

s’en iront comme fétus,

sur l’océan des sites

externalisés.





Mais au moins sur cet espace,

qui jour après jour annonce la couleur « poésie »,

aurai-je jusqu’au bout témoigné.





De quoi exactement ?

Bêtise serait de prétendre le savoir.





11/02/2021

TOILE SUR TOILE
Trois fragments
glanés sur "poésie
mode d'emploi"

 
 Un cri nu sur la toile
 L’oiseau sort d’une goutte de sang
 La nuit tourne ses pages
  
 *
 Un petit feu d’ardoise
 Maintenu mot à mot
 La craie de l’écolier
 Le stylo noir qui grince
 La source d’un autre âge
 Le rossignol des pièces
 Sur cette scène autre
 Où l’on tend la toile
 D’être et de n’être pas
  
 *
  
 Avant de souffler la bougie
 Je jouerai de l’harmonium
 Dans une toile de Chagall
 Et j’écrirai mon dernier poème
 Le visage entouré d’abeilles
  
 *
  
  
   

J’AI ÉCRIT BIEN DES POÈMES ÉTERNELS





J’ai écrit bien des poèmes éternels

Qui occupent astheure mes pages vides

Je les feuillette mélancoliquement

J’imagine comment la page blanche

Naguère les fit chanter





Une ruse que m’apprit une chamane de Goajira

Que je vis dialoguant avec un arbre tóluichi

Comme s’il s’agissait d’une personne :

-Ça parle dans ma tête, me disait-elle.

Toi qui sais écrire tu le fais sur ton papier,

Mais c’est comme un acte manqué, non ?





-Mais non, tu sais, le papier comme un esprit

de ton Monde Autre,

parfois me répond…





C’est ce que naïvement je disais à Setuuma Püshaina

Avant que ne s’effacent les pages

De mes poèmes éternels





évocations :

une chamane de Goajira : Venezuela (1970)

l’arbre « tóluichi » : voir « pithecellobium »





06/02/2021

BEL ACCUEIL

couverture du cahier de poèmes 2021




Bel accueil ayant colibris

Me fait ce papier à remplir

de poèmes Qui de bon cœur

ou plus rétifs vont advenir





Accompagnés comme il se doit

De mes frères et sœurs en armes
Tous ceux qui usèrent leurs plumes
En s’ébattant avec ou sans

la rime Oyant des rondeaux

des épîtres ou des vers libres





Les miens viendront selon la forme

ou l’informe de mes nuits blanches

L’oubli les tourments les souffrances

Et la Joie qu’il faut provoquer





Ainsi je finis mon premier





nb Bel Accueil est un personnage du Roman de la Rose

manuscrit « tel quel »