TROIS GERBES D’ÉTINCELLES NÉES DANS LA NUIT









UNE MINUTE APRÈS MINUIT





À force de recopier mes auteurs bienheureux

Je ne sais plus bien

Si c’est d’eux ou si c’est de moi

Lequel des deux a pris la main

Laquelle m’a donné ses excès d’images

et de piétinements

ceci pour le trop dire

Ou bien qui fait silence

autour du mot manquant

ceci pour le trop peu





Ce texte privé d’aura

Peur maintenant disparaître





10/01/2020

01h01





ENTOURLOUPE





Changement de décor

En changeant mon stylo

Qui gratte le papier

Méditation change d’âne





Une entourloupe de cette pointe fine

Qui profite de sa liberté

Pour écrire l’inverse de mes pensées





Ça promet !





10/01/2020

1h27





MUSE ET RUSE





Il y a beaucoup de ruse

Dans ces courts poèmes

Où la muse légère

Écrit ces historiettes Zen

Entraînant ces lecteurs

Dans un tourbillon sans fin





Applaudissez gaiement

Mais d’une seule main !





10/01/2020

1h31

LE GOÛT DES MO(R)TS

 
Le goût des mots 
Toujours nouveaux
Toujours manquants
Ou disparus
 
Les distingués
Les putassiers
 
Le goût des nuances
Fixées par l’écrit
Suggérées par la langue
Qui parle au papier
Comme Montaigne le dit
En ses Essais
 
On parlécrit
En murmurant Verlaine et Valéry
Tout ce qui nous fait du bien
Dans la voix des poésies
Du moindre brin de paille dans l’étable
Au toit tranquille où picoraient des focs
 
Toujours nouveaux
Toujours épris
De créations verbales :
Je me recroquemitoufle
Je t’rêve
Je t’raime
Je t’arc-en-ciel
Je tramway nommé désir
 
Le désir de tout dire
Et je manque de mots
Le désir de se taire
Pour penser à ses morts
 
Le goût des mots
Le don des morts
Désormais vivants
Uniquement sur nos lèvres
Et dans la manière folle
De leur écrire
En langue belle
 
(il faudrait continuer)
 
 
je me recroquemitoufle (chanson auteurs : Amade, Delanoé, compositeur Bécaud)
je t'rêve (Dorio éditions Rafael de Surtis)
je t'raime (titre d'une toile peinte par Hérold)
le tout est de tout dire et je manque de mots (Eluard)





	

BOIRE SOUS LA LUNE PEUPLER SA SOLITUDE

 
Boire seul sous la lune, écrit Li Bo, qui la prend pour amie et avec l’ombre qu’elle lui procure, les voilà trois.
 Que n’inventons-nous pas pour peupler notre solitude ?
Assurément cette main qui court le papier, maniant le pinceau du poète-calligraphe,
ou bien l’ancienne plume et son encrier, avant le stylo pointe fine.

Écrire seul en silence, calé sur son oreiller, la lune à la fenêtre, les volets grands ouverts. Suggérer les activités joyeuses de jadis : la toupie sur les carreaux de la cuisine,
le jeu de barres dans la cour de l’école et la construction d’une cabane.
Hier après-midi, quand mon petit-fils a vu que sa cabane imaginaire,
quelques branches appuyées contre un tronc de pin, avaient été enlevées,
il m’a dit en secret : c’est un coup des hyènes.

Li Bo réapparaît, nuit de lune sur le fleuve, il vacille en buvant une nouvelle coupe de vin de Sin-fong.

 Un dernier coup de rame, ma barque de papier ne sert plus que de marque-page,
les images des rêves, comment les épuiser ?
  
 
Li Bo (Li Po, Li Bai) 701-762









"Boire sous la lune" manuscrit premier jet
fond : composition Dorio
"hypnographies" néologisme inventé par JJ Dorio
collage sur papier glacé de revue

détail

MON ART EST DE SURFACE


manuscrit
fond toile à l’acrylique
JJ Dorio
titre : Sahara

*

texte repris et modifié sur le clavier « plus ou moins tempéré »


MON ART EST DE SURFACE
 
Mon art est de surface Il court sur le papier Il sonne sur le clavier Il se projette sur la toile
Mon art est de surface Intuition mimesis une flûte invisible un mot pour un autre une tache de soleil noir
Mon art est de surface un mur arborescent un accord de guitare désaccordée une page perdue dans un livre fermé
Mon art est de surface une dédicace donnée par un auteur fictif imaginé par Borges le catafalque bleu blanc rouge sur le cercueil de Paul Valéry les trois minutes trente-trois  de silence  d’une partition de John Cage
Mon art est de surface couché par écrit chanté au studio Le Petit Mas* projeté sur des toiles d’abstraction lyrique posées à plat sous l’olivier
Mon art est de surface grains de voix collés sur bandes magnétiques traits d’encres appliqués sur le calcaire coquillier ou la plage de Fos cris du soir des martinets
Mon art est de surface livre de sable infini clavier plus ou moins tempéré page unique qui termine sa boucle comme un œil qui ne veut pas se fermer
 

*cd 3 « en cours de réalisation »

L’HUMEUR DES NUITS

L'humeur des nuits 
varie selon les heures

leurres du sommeil passager
ou éveils aux images insensées
qui nous traversent l'esprit

cette nuit
j'essaie de les écarter
l'une après l'autre

c'est ce que traduisent
maladroitement
ces coups de pinceaux
que je livre au papier





hypnographies
encre de chine sur papier de revue
jjd