FASTE VERBAL

FASTE VERBAL Langage en fête Faites l’amour avec les mots sortis du chapeau de l’artiste De son gueuloir où il élimine les phrases trop juteuses À son coup de dés où par hasard sortent quelques pages de poésie pure Un peu de spleen dans le brouillard la demi-brume londonienne Beaucoup d’éclairs la nuit surtout quand la chevêche d’Athéna darde son œil jaune sur les pages des Essais, les paperolles collées sur des cahiers d’écoliers débordant d’écriture, les phrases d’un Sisyphe ermite de Croisset Faste verbal Vaste potlatch où le don que l’auteur fait au lecteur, l’écrase et l’annihile, s’il ne peut exercer lui-même ce contre-don d’écriture en vis-à-vis, s’il ne peut coucher sur le papier son monde à lui ou elle,  commun et singulier : En lisant, en écrivant 1  Multipliez-vous Croissez Tant que vivez Batifolez en ces jardins d’Eden, où les sentiers page à page, bifurquent Comme l’éclairage de votre roman change selon l’âge où vous le lisez Selon que la vie vous aura plongé peu à peu dans le grand sommeil ou vous aura maintenu, lecteur aux aguets, en mouvement. Enfin elle ouvrit la porte. Le cri des gonds avait sans doute vainement frappé l’oreille du meurtrier. Quoique son ouïe fût très fine, il resta presque collé sur le mur, immobile et comme perdu dans ses pensées. […] Mais bientôt, soit qu’Hélène eût laissé échapper une exclamation, soit que l’assassin revenant du monde idéal au monde réel, entendit une autre respiration que la sienne, il tourna la tête vers la fille de son hôte, et aperçut indistinctement dans l’ombre la figure sublime et les formes majestueuses d’une créature qu’il dut prendre pour un ange… 2 Cherchez et vous serez à nouveau dans ce roman balzacien, à la fois la fille, l’assassin et l’ange de la nuit qui veille avec ses grandes ailes brunes sur le faste verbal de toute littérature.

1 Julien Gracq 2 Balzac La femme de trente ans

POÈME POINT ET CONTREPOINT

Poème tu me prends la tête
Poème tu fais trop de bruit
Poème tu es trop honnête
Poème ton langage est cuit

Poème tu me rends trop bête
Poème sorti de ton puits
Poème tambour et trompette
Poème qui me déconstruit

Poème renaît de ses cendres
Poème quand l'aurore point
Poème qui joue aux Cassandres
Poème ces temps-ci chafouin

Poème étrange étrange
Poème à brûle-pourpoint
Poème en libre-échange
Poème point et contrepoint



JE NE TROUVE PAS JE CHERCHE





Je ne trouve pas je cherche

Inversant la formule de Picasso

Qui parfois croyait rivaliser

Avec l’autre Artisan

Qui fit le monde en six jours

Et le septième mit ses pinceaux

à sécher





Je ne trouve pas j’essaie

De gloses en entregloses

Dans les pas de Montaigne le Chatoyant

Cherchant cette éjouissance

Dont le travail et le plaisir

si dissemblables qu’ils apparaissent

s’associent pourtant de je ne sais quelle jointure naturelle





Je ne trouve pas je cherche

Dans la limite de cet humain langage

De ses accrocs et pièces déchirées

Que j’essaie tant que vivray

De recoudre et de rapiécer

un essai : pièce première écrite à sa main avant rapiéçage sur le clavier
je ne trouve pas je cherche mise en voix

DES BRIBES





Des bribes

Ça repose

Rien de cousu

Que le langage

Impose





Des bribes

murmurées

ou écrites

sans voix

(mais on peut

en ajouter)





Des bribes

vagabondes

qu’un autre écrivit

avec la même main

-certes-

mais non le même

vécu





Des bribes

de l’instant

ivres un peu

mais visant un livre

point





Des bribes

de fortune

la chance

le hasard

qui font tilt

ou se brisent





Des bribes

d’infortunes

aimées

des pleurnichards





Des bribes

murmurées

vagabondes

Main qui écrit

dans la friche

où l’Esprit

se repose





23/11/2020

des bribes

manuscrit orné d' »hypnographies »
jj dorio 24/11/2020

POUR CALMER LA DOULEUR





Pour calmer la douleur faites des fantaisies

Coupez vos livres en deux comme ce vers à l’hé

mistiche Amusez comme le psy Lacan

la galerie Nyania Pour dire et suggérer

Tirer les vers du nez nyania beaucoup à faire

On songe à Cyrano ou aux âmes bien nées





Pour calmer la douleur la tenir plus tranquille

La forêt du langage la cacher par un arbre

Nyania le baobab et le baba au rhum

Nyania le pin d’Alep et celui de Cézanne

Le chêne le roseau le bambou mal pensant

Le hêtre le néant et le baron perché

sur la littérature d’Italo Calvino





Pour calmer la douleur se plaindre est inutile

https://www.youtube.com/watch?v=5-IxkvaXlzE

Max Richter (Return)


J’écrirai le mot fin comme arrivé au port
Cette fin n’est autre qu’un recommencement
Raymond Queneau (1903-1976)