BELLES LECTURES BONNES LECTURES SUCCULENTES

Bonnes lectures belles lectures succulentes pour ces doux dingues fous à délier qui la pratiquent en dehors des sentiers battus pour maintenir leur énergie leur bonne santé ce qui leur permet de se passer des psyspsys lacanalystes et des critiques masqués derrière leurs plumplumes tralala.

Et puis l’art de ne pas lire est très important. Il consiste à ne pas s’intéresser à tout ce qui attire l’attention du grand public à un moment donné. De qui est-ce ? D’un auteur que Borges cite abondamment mais que je n’ai jamais lu.

En lisant j’aime écrire et surtout ce que le lecteur pressé nomme des inutilités. Simon Leys rapporte un des apologues de Tchouang Tseu où un magnifique arbre doit sa longévité au fait que son bois ne sert à rien. Heureux les arbres, comme ceux également de l’île de Norfolk découverte par Cook, impropres à tout usage de charpenterie. De même que ces écrits tracés sur le sable et que la marée recouvre régulièrement. Ça me va très bien disait je ne sais plus qui, l’océan retiré je recommence, je réécris un de ces textes fragiles, ludique, presque inutile, un souffle, un rien.

Martigues 6 avril 2024

Dorio nuit du 6 avril 2024 l’art des hypnographies

LA NUIT EN DIX QUATRAINS

La nuit
comme rencontre
du sommeil
sans sommeil

La nuit
comme l’écart
du Corps
et de l’Esprit

La nuit
comme ton âme
en allée
dans ta nuit

La nuit
comme ta grâce
ignorée
des miroirs

La nuit
comme les flaques
de la mer
sur le sable

La nuit
comme une écharde
dans la main
du silence

La nuit
comme un sentier
dans la voie lactée
des indiens morts

La nuit
comme les clefs
qui n’ouvrent
aucune porte

La nuit
comme la perte
des songes
et des promesses

La nuit 
comme l’encre noire
qui a tracé
cette page
























EXERCICES D’ÉCRITURE D’UN INSENSÉ

 Je ressors du grenier une centaines de fiches de toutes les couleurs (10×21 cm), sur lesquelles jai écrit des lignes et des lignes, chaque nuit, comme un insensé. Les mots accumulés (bien que souvent venus « au compte-goutte ») étaient comme de petits dieux de passage que je suivais  innocemment : un lézard amoureux par ci, les rêves dun papillon par là, et même un trou noir photographié pour la première fois au centre de la Galaxie M 87, tout ce qui passe au fil de la plume nous faisant oublier combien il y a loin de la coupe aux lèvres. Je ressors du grenier ces fiches regorgeant détranges étrangetés, exercices tracés à la pointe dun stylo simaginant calame. Le K, lâme de cette nouvelle de Buzzati que jai faite à chaque rentrée lire à mes élèves collégiens qui lauront pour la plupart, et pour leur plus grand bien (ou mal, lhésitation est permise), oubliée. Le K animal débonnaire et porteur de la pierre dimmortalité, était pris par lenfant héros comme un monstre quil ne fallait pas approcher. Croiser et recroiser, ces obscures clartés, collages intempestifs exposés au Moma (Mona Lisa des Champs : LHOOQ), « exercices dexorcismes » à la Michaux, où lon fait halte une heure, en balbutiant quelques mantras à son papier. Une heure, où lon est successivement fourmilier aperçu dans le llano vénézuélien, lézard amoureux de Char, papillon de Tchouang Tseu, arbre qui cache la forêt de symboles abolis.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

J’ÉCRIS opus19





J’écris toujours en avance d’une rame de papier

J’écris dans le métro des poèmes métrorimés





J’écris allongé

J’écris une fois la tête bien calée sur l’oreiller

sans bouger





J’écris par intermittence

J’écris en écoutant le corps

J’écris sous sa dictée





J’écris aussi dans ma tête sans laisser de traces

J’écris alors comme les calligraphes de la vieille Chine

J’écris comme Tchouang Tseu

traduit et remis en jeu

par Jean-François Billeter





J’écris à jeun :

la cafetière à portée des écrivains très peu pour ma pomme

J’écris dès que je me réveille d’un premier somme





J’écris sans en faire tout un pataquès

J’écris patac un coup porté sur le nez

(comme on disait dans les bals de mon adolescence

quand entre bandes rivales ça se frittait)





J’écris avec beaucoup de fritures sur la ligne

J’écris comme jamais dans une mer sans poissons ni rivages

J’écris comme un fantôme vivant

Comme un brigand près des prophètes de profession





J’écris en disant à mes correspondants

qui veulent prélever une mes fleurs

pour la mettre dans un bouquet universel,

faites faites !





J’écris sous la lumière crue d’une Odyssée

aussi extraordinaire qu’incertaine

J’écris d’île en il, d’aile en elle





J’écris comme cet avion sans ailes

chanté par Charlélie Couture

J’écris couturé de frais





J’écris cétacé

J’écris c’est assez de contourner

des lagunes et nos lacunes,

nous les hommes,

de n’avoir pas porté, puis libéré,

l’être nouveau expulsé de la mer primitive





J’écris au- delà du bien et du mal

de la syntaxe crépitante

et de la flèche tirée au bal des prétendants





J’écris pour la seule bonne nouvelle annoncée,

sortant du pavillon de l’aurore :

Un.e enfant nous est né.e !

COMPOSÉ À L’OREILLE





Composé à l’oreille transcrit sur le papier

Un fragment de ténèbres et de chant mesuré

Le risque de tomber d’un trapèze de feu

Métaphores brisées têtes dans la sciure

Des vers de nos poètes plus personne n’a cure





Composé à la feuille au bord d’un fleuve bleu

Où un papillon rêve les pensées de Tchouang Tseu

De la dernière indienne de la Terre de Feu





Passé comme un vertige le poème se rompt

Quelques roses de braises volètent à l’horizon





10/01/2021