J’ENCHAÎNE LES LECTURES Comme d’autres les perles Comme les tesselles Qui forment mosaïque J’enchaîne les lectures Sur papier ou iPad Poète bon état Craint sa déconfiture J’enchaîne mots de terre Et de fœhn, mistral, bise Avec les cocotiers D’une Malabaraise J’enchaîne c’est balèze Ou bien ça fait bazar Rimes de tamarins Pour combattre son splin J’enchaîne et c’est fini La minutie s’effondre Le livre se déchire L’iPad n’a plus d’batteries
Archives de l’étiquette : lectures
GERMINATIONS
Ce qui manque à la culture est le goût de la germination anonyme, innombrable... Jean Dubuffet
1 Dans la journée je lis à petits yeux à petits feux Je cueille ici et là Fleurs inverses et fruits De mon jardin imparfait 1 Et la nuit je les r’invente Les broie et les rumine Les couche ligne à ligne Matin parfois je les propose à mon lector in fabula 2 Lecteur idéal Lectrice idéelle Qui renversent la table Sur laquelle germent nos proses communes 1 Montaigne 2 Eco 2 Poème : tout échappe et se tient à la fois. Jean-Marie Corbusier Ordonnance du réel (Le Taillis Pré) Vient de paraître Ici où je me tiens Ici où mon corps traverse chaque page À l’estime Ici où je me fuis Ici où proses en vis-à-vis S’embrassent ou grimacent Ici où je m’enroule Ici où mon « je » s’enrôle Dans un jeu à haute intensité Ici où je m’oublie Ici où je mouds le grain à grain Des paroles discrètes Ici où je t’attends Dans la rumeur des gestes Qui nous requalifient
LIRE CE N’EST PAS RIEN
Lire ce n’est pas rien
Relever, en douce, ce que d’autres ont écrit,
mots, phrases ou vers,
qui soudain résonnent étrangement
et fortement en nous :
témoin ce mammifère égaré
dans la prairie des syllogismes
et le pâturage des contradictions
témoin ce corps de songes provoqués par
un air très vieux languissant et funèbre
Lectures pour moi seul
Confrontation avec cette manière
Dont la poésie s’accomplit
Sous la forme d’un poème
Une musique qui me possède
et m’entraîne cette nuit
(et cette nuit seule)
dans un château des siècles passés
où une dame, blonde aux yeux noirs,
sublime, apparaît
Car elle m’apparaît
au-delà de la page
cette femme que j’ai fréquentée
dans une autre existence
et dont je me souviens
avec par ordre de citations R Queneau P. Verlaine et G. de Nerval
LE TEMPS l’arcane majeur
Le temps pour le poème
est l’arcane majeur
Le temps refiguré
dans une métaphore
Le temps désaliéné
« les promesses de l’aube »
brisées mais non perdues
dans un dire têtu
ni le même ni l’autre
Le temps des nuits entières
qui sonne sans raison
mais non sans résonances
L’horizon de lectures
d’une intranquillité
qui nous tue et rassure
Le temps qui nous murmure
La mémoire et l’oubli
L’amour des fatrasies
Et la sérénité

MONTAIGNE
Que sais-je?
Tout change sans cesse, rien n’est stable.
À n’importe quelle opinion, aussi certaine qu’elle paraisse,
on peut en opposer une autre toute aussi certaine.
C’est un plaisir toujours renouvelé que de savoir jouir de nos lectures.
Celle du fils de Pierre Eyquem, qui s’inventa le nom de Michel de Montaigne,
devient peu à peu, les ans passant, une de mes préférées.
Beaucoup de passages me sont obscurs faits de « pièces décousues »
comme il disait, non sans malice, mais j’y reviens, je les relis et les relies
à celles pour qui j’ai plus de facilité à suivre son «allure poétique »,
fût-ce, à sauts et à gambades.
Je le parcours à sa manière, naturelle et ordinaire, sans contention,
mais je ne le lis jamais sans éprouver le besoin de passer à mon tour,
à une écriture qui « tient registre » de mes instants, d’une vie bien à moi,
qui en est « la matière ».
Une écriture, qui ne va jamais de soi, faite d’ajouts, de reprises et de pertes.
Mais qui me tient et « m’engage, à (ce) registre de durée », sans fin…et sans reproches.
« Et quand personne ne me lira », écrivait, ou dictait depuis sa tour « librairie », Montaigne.
Formule évidemment qui hameçonne son lecteur, mais que je reprends ici, volontiers,
en ces temps où le « numérique » me permet de dévoiler pour autrui mes fantaisies,
sous forme de poèmes, « essais » avec un « e » minuscule, « dictionnaire à part moi »…
dont je ne cherche aucune faveur dans le monde littéraire, mais dont je sais gré
à quelques lecteurs et lectrices bienveillantes de les accompagner
de leurs prolongements passagers.
Adieu donc, à Martigues ce 26 juin 2020
(patchwork in progress)
« C’est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être.
Nous cherchons d’autres conditions, pour n’entendre l’usage des nôtres, et sortons
hors de nous, pour ne savoir quel y fait.
Si, avons-nous beau monter sur des échasses, car sur des échasses
encore faut-il marcher sur nos jambes.
Et au plus élevé trône du monde, si ne sommes assis que sur notre cul. »
Michel de Montaigne