LES POÈTES

LES POÈTES

Pareil à un homme qui danse au milieu des ténèbres

Ainsi écrit celui dont nul ne lira les poèmes

                                        Ovide

Pour Jean-Marie Corbusier du Journal des Poètes

Les poètes sont souvent de la Revue

Éphémères fut en 1967 l’une d’entre elles

Le Journal des Poètes vient de boucler ce mois de décembre 2023 sa 92° année

Les poètes chez Littré sont « ceux qui s’adonnent à la poésie »

Et l’Émile ajoute :

« il se dit aussi des femmes : Madame Deshoulières était un poète aimable »

Les poètes du bar Le Catalan

16 rue des Grands Augustins

payaient leur repas

en écrivant un poème inédit

sur les nappes en papier

Les poètes d’avant-guerre fréquentaient Le panier fleuri un bordel sis 13 rue Grégoire de Tours à Paris

Les poètes ivres de trop de vin ne cessent de parler d’eux-mêmes afin de livrer à leurs frères humains cette image de poètes maudits « qui n’auraient pas dû naître » (sic)

Les poètes n’aiment pas l’argent : il n’a aucune valeur et doit circuler. Leur poésie n’a pas de prix.

Les poètes aiment l’insignifiance :

Il ne s’agit pas seulement de la reconnaître,

il faut l’aimer, l’insignifiance,

il faut l’apprendre à l’aimer.

Milan Kundera

Les poètes ne font jamais que semblant de mourir

Les poètes exterminés par la barbarie nazie : Max Jacob à Drancy, Robert Desnos mort du typhus au camp de Theresienstadt, Benjamin Fondane gazé à Auschwitz, André Chennevière abattu par un soldat allemand devant la gare de l’Est lors de la Libération de Paris le 20 août 1944, Saint Pol-Roux…

Les poètes Varlam Chalamov, Ossip Mandelstam, Marina Tsvetaieva : trois russes auteurs d’œuvres majeures en prise avec la violence politique de leur temps, celle de l’URSS de Staline qui les persécute jusqu’à les condamner au goulag. Une vie broyée par l’histoire dont ils témoignent chacun à leur manière.

« On raconte qu’Ossip Mandelstam, dans le camp, le goulag, de Sibérie où il a passé ses dernières années, aurait récité des poèmes de Pétrarque aux autres prisonniers. Malgré la faim, le froid, ils écoutaient, les oiseaux noirs aussi, qui s’arrêtaient un instant de tourner autour de la mort, seule libération des déportés. Dieu sait qu’il n’est rien de plus éloigné du lumineux Pétrarque que ces hommes en haillons. Mais, ajoute le poète Philippe Jaccottet qui relate cette anecdote, la poésie dans ce cas, c’était un peu comme la goutte d’eau pour un homme qui marche dans le désert, quelque chose qui tout à coup prend un poids d’infini et vous aide à traverser le pire. »

Les poètes du cimetière du Père Lachaise ; l’un d’entre eux se réjouissait avant ses obsèques d’habiter ce lieu poétique où les morts savent vivre.

Les poètes qui travaillent toutes les nuits et vont se coucher à 7 heures du matin quand le soleil fait sortir les cloportes de dessous les tuiles des toits Rimbaud

Les poètes anticipant les murs ont la parole de Mai 68 Métro boulot bistro Mégots dodo zéro un poème de Pierre Béarn en 1951

Un poète mort le 24 novembre 1947, surnommé « le piéton de Paris », a droit le lendemain à cet hommage savoureux : original, gavroche, primesautier, spontané, plein de fantaisie, de couleur, rien de compassé, de grave, d’imité, de bourgeois, en plein dans la vie, et plein de liberté. Léon Paul Fargue : le poète / Paul Léautaud : le « critique »

Jean Jacques Dorio

Martigues jour de Noël 2023

Poème en cours

Claude Brugeilles 2021

LA JOIE QUI SIED AUX ÉPHÉMÈRES

Écrire sans raison, c’est ma raison d’écrire. On l’entend sans la voir ma bouteille à la mer. Source des nuits qui la remplit d’une eau discrète. On la voit sans l’entendre en ses formes distinctes : fiasque, fiole, fillette. Écrire sans raison mais non sans résonner sa douleur,1 ou faire résonner son cœur, quand courent sur les lèvres, le désir de chanter l’air, l’eau, le feu, la terre. Libertad bajo palabra 2, liberté sur paroles qui cherchent à travers mon écriture, le Je-ne-sais quoi et le Presque-rien, entre le rayonnement du sens et le contrecoup des signes ! Puiser ainsi dans Jankélévitch donne le tournis, tant le philosophe de « la manière et de l’occasion » manie le jargon. Mais en même temps, le philosophe du Quai aux Fleurs (où il résidait), libère une énergie qui défie l’expression d’un temps pur, « qui est le mode d’être du faire-être » (sic). Tout est, en effet, dans « la manière et l’occasion » : Matisse paralysé utilisant ses ciseaux pour faire danser sa « femme en bleu », ses fleurs-oiseaux ; Rimbaud « notant l’inexprimable ». Un rapace trace le ciel blanc comme un livre Je l’écris et glisse la feuille dans ma poche Elle est trouée comme il se doit Elle est Bohème et Joie distanciée qui sied aux Éphémères.    

1 Alphonse de Lamartine Octavio Paz

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

L’ALOUETTE ET LE FUSIL

Can vei la lauzeta mover
De joi sas alas contra’l rai
Que s’oblid’ e’s laissa chazer
Per la doussor c’al cor li vai

Bernard de Ventadour 

Tenant à peine debout
Dans le jour qui ne parvient pas
À se lever
Tenant à peine debout
Mais suivant les appels
De la petite déesse lauzeta
L’alouette inscrite
Dans la plus haute des poésies
Occitane
Celle qui s’élance illuminée de joie
Contra’l rai
Dans les rayons du soleil qui moussent
Et font battre les ailes
De l’oiseau de Ventadour
Puis hésitante, étourdie, s’oubliant, en suspens
– on ne saurait dire –
Elle fait entendre alors ce chant unique
Qui fond de désir et de douceur…

Avant qu’un fusil ne vienne l’abattre !


*

Quand je vois l’alouette mouvoir
De joie ses ailes de soleil
Puis s’oublie et se laisse choir
Tant la douceur au cœur lui vient
(une de mes traductions)




J’AI CRIS & FIRMAMENTS









J’écris dans l’éphémère cherchant le permanent

J’écris de thébaïdes et d’archipels ancrés dans l’irréel

J’écris glanant éclisses et firmament

J’écris brindilles et branches charpentières

J’écris dans l’espace que m’octroie le temps intemporel

J’écris à l’épreuve de maints coups de martels

J’écris Orion de Bételgeuse et de Rigel

J’écris dans les pas d’un chasseur des Vigies

Qui ne sait jamais d’où va venir

Le mot qui tue ou régénère

DE LA POÉSIE





À un moment donné, donc, je n’ai plus pu me contenter d’écrire des poèmes ;

 il a fallu que j’essaie de comprendre ces émotions et le rapport qui les liait à la poésie.

Philippe Jaccottet

La promenade sous les arbres





Poésie, née d’émotion et de confusion, pourvu que l’on essaie de la frotter à notre langage en fusion, nous mène au sommet de l’imagination humaine.

Le mot lui-même, seuls ceux qui s’adonnent à son perpétuel mouvement le savent, est intraduisible. Mais il a un passage obligé : la poésie universelle est liée à la poésie individuelle.

Sans cette liaison amoureuse, il n’y a que l’ « apoésie », l’agitation, la crainte de l’autre en soi, l’obscurité, le chaos, la prose du monde, l’abondance des paroles prisonnières des réseaux asociaux.

Ce n’est que quand les deux poésies se réunissent qu’il y a mouvement, transport, métaphore, vision claire, bien qu’éphémère, et toujours dans l’insatisfaction de l’homme agissant et souffrant.

Les trésors  d’harmonie que les poètes dans un vers unique,  tissent à partir de leur expérience, sont à ce prix. Poésie est dispersée sur toute la planète. C’est pour ça que beaucoup de poètes locaux ne la reconnaissent pas. Il faut réunir sans cesse ses brins épars.